Eglises d'Asie – Corée du sud
Elections législatives : des responsables catholiques se montrent assez satisfaits du succès remporté par le mouvement civique pour une vie politique plus « propre »
Publié le 18/03/2010
Le 24 janvier dernier, cette Alliance, qui rassemble 476 mouvements civiques – dont des groupes catholiques et protestants – (7), a publié une première liste de 66 candidats désignés aux électeurs comme étant corrompus, inciviques (échappant à l’impôt ou au service militaire) ou encore coupables de fraude électorale. Dix jours avant les élections, 20 autres candidats « indignes » étaient ajoutés à cette liste, la « propreté » en politique étant alors devenue un des thèmes majeurs de la campagne électorale. Selon l’un des dirigeants de cette alliance, Park Won-soon, le fait que les deux tiers de ces candidats « indignes » aient été battus – dont des « poids lourds » de la scène politique locale – constitue « une révolution dans la politique coréenne » et marque un réveil de la conscience citoyenne.
Cependant, selon le P. Jean Lee Ki-woo, président de la Commission Justice et paix de l’archidiocèse de Séoul, si le mouvement citoyen constitue effectivement une nouveauté, ces élections ont été caractérisées par un fort absentéisme et un régionalisme toujours très marqué. Le taux de participation à ces élections (57 %) est le plus faible de l’histoire de la Corée démocratique. En 1996, lors des précédentes élections, il était de presque 64 %. Selon le P. Lee, une campagne d’information devrait être rapidement mise sur pied afin d’inciter les gens – et particulièrement les jeunes de 20-30 ans qui se détournent d’un monde politique jugé corrompu – à participer à la vie politique.
A propos du régionalisme, tous les observateurs ont noté que le Parti démocrate du millénaire (PDM), la formation du président Thomas Kim Dae-jung, n’a remporté aucun siège dans le quart sud-est du pays, la région de Kyongsang, base du pouvoir des régimes précédents depuis les années 1960, tandis que le Grand Parti national, de l’opposition, n’en a conquis aucun dans le sud-ouest du pays, la région de Cholla, fief de Kim Dae-jung. Loin de sortir affaibli de ces élections, ce travers de la vie politique nationale ne perd pas de sa force, estime le P. Jean Lee. A Séoul, qui abrite 14 % de la population sud-coréenne, cet aspect est cependant beaucoup moins apparent.
Revenant sur la liste des 86 candidats mis à l’index, Agnès Park Soon-hee, co-dirigeante du mouvement Solidarité catholique pour les élections législatives, remarque que la majorité de ces 86 hommes politiques professent une religion : 13 sont catholiques, 17 sont protestants et 20 sont bouddhistes. « Nous, personnes de religion, devons nous interroger sur ce fait », souligne-t-elle, rappelant que, lors d’une récente enquête, seulement la moitié des Coréens se réclamaient d’une religion. Agnès Park a ajouté que son mouvement continuerait à suivre le travail des parlementaires ainsi qu’à faire prendre conscience aux électeurs, et aux électeurs catholiques surtout, de leurs devoirs sociaux et politiques.
Lors de ces élections du 13 avril, le PDM de Kim Dae-jung n’a pu obtenir la majorité absolue. L’annonce, trois jours avant le scrutin, d’un sommet entre les deux Corée ne lui a pas donné d’avantage décisif, même si, avec 115 députés, il enregistre sa plus forte progression (17 députés de plus que dans la Chambre sortante). Le PDM arrive ainsi en seconde position derrière le Grand Parti national qui avec 133 sièges sur 273 frôle la majorité absolue (137 sièges). L’Union libérale démocrate essuie une défaite cuisante en perdant 33 des 50 sièges qu’elle détenait ; elle reste cependant un parti charnière, membre de coalition avec le PDM. Les huit sièges restants sont répartis entre indépendants et petits partis politiques. Avec 273 sièges, cette nouvelle Assemblée compte 26 députés de moins que la Chambre sortante, une réduction entreprise par mesure d’économie.
L’Eglise catholique salue l’annonce de la tenue prochaine d’un sommet entre les deux Corée
« J’espère que ce sommet sera une occasion de transformer un demi–siècle de conflit et d’animosité dans la péninsule coréenne en paix, réconciliation et coopération », a déclaré Mgr Pierre Kang Woo-il, président de la Commission pour la réconciliation du peuple coréen de la Conférence épiscopale sud-coréenne, au lendemain de l’annonce simultanée par les gouvernements de Pyongyang et de Séoul de la tenue les 12, 13 et 14 juin prochains d’une rencontre historique entre le président sud-coréen Kim Dae-jung et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-il. Mgr Kang, qui est aussi évêque auxiliaire de Séoul, a ajouté qu’il espérait que ce sommet serait une étape vers la réunion des familles séparées de part et d’autre de la ligne de démarcation qui sépare les deux Corée le long du 38e parallèle. Selon le ministère sud-coréen de l’Unification, 690 000 des personnes qui se sont réfugiées au sud après le début de la guerre de Corée en 1950 ont laissé des membres de leur famille derrière eux.
Mgr Nicolas Cheong Jin-suk, qui est à la fois archevêque de Séoul et administrateur apostolique de Pyongyang, a invité l’Eglise en Corée du Sud à tout mettre en ouvre afin que le pape puisse visiter un jour prochain la Corée du Nord. « Bien que le souverain pontife ait dit ne pas prévoir de visite en Corée du Nord à l’heure actuelle, contribuons à ce qu’une telle visite se réalise », a-t-il déclaré. On se souvient que le 4 mars dernier, le président Thomas Kim Dae-jung, catholique lui-même, reçu en visite au Vatican, avait invité Jean-Paul II à se rendre en Corée du Nord (8).
Depuis plusieurs années, l’Eglise catholique en Corée du Sud fait parvenir de l’aide en Corée du Nord. En 1995, l’archidiocèse de Séoul a mis sur pied un Comité pour la réconciliation nationale (9), rappelle le Pyonghwa Shinmun, le journal de l’archidiocèse. Au cours du mois d’avril dernier, 2 000 tonnes de maïs ont été envoyées en Corée du Nord par son intermédiaire. Selon le P. Joseph Cheong Kwang-ung, secrétaire général de ce comité, ces dons de nourriture sont un moyen de parvenir à la réconciliation des Coréens du Sud et du Nord. Par ailleurs, en avril 1997, l’archidiocèse de Séoul a fondé un Comité pastoral pour la réconciliation, dont l’objet est de préparer d’un point de vue pastoral et spirituel autant qu’économique les chrétiens coréens à la réunification du Nord et du Sud (10). En novembre 1997, c’était au tour de la Conférence épiscopale d’établir une Commission pour la réconciliation nationale (11).
Depuis 1984, deux évêques et une vingtaine de prêtres se sont rendus en Corée du Nord. Le P. Ko Chong-uk, de nationalité américaine, a été le premier prêtre coréen à se rendre à Pyongyang depuis la division en deux de la péninsule. Sa visite fut alors présentée comme une visite privée. En 1985, feu Mgr Daniel Tji Hak-soon, évêque de Wonju, s’est rendu à Pyongyang, mais c’était pour visiter sa sour par le biais d’un programme gouvernemental de réunion des familles séparées ; cette visite fut donc considérée comme une visite privée. En mai 1998, Mgr André Choi Chang-mou, alors auxiliaire de Séoul, aujourd’hui coadjuteur de Kwangju, a été le premier évêque sud-coréen à se rendre en visite pastorale, ès qualité, en Corée du Nord. « L’évangélisation en Corée du Nord passe par l’aide humanitaire », déclara-t-il à son retour en Corée du Sud (12).
Par ailleurs, le P. Augustin Ham Sei-hung, qui s’est déjà rendu en Corée du Nord en août 1998 (13) et qui est conseiller de l’Association des prêtres pour la justice, a exprimé l’espoir que ce sommet entre les deux Corée conduise la Corée du Sud à abolir la Loi sur la sécurité nationale, une loi qui autorise l’arrestation de toute personne pour une activité ou une simple parole prononcée en faveur de « l’ennemi » nord-coréen (14). Depuis sa naissance au début des années 1980, l’Association des prêtres pour la justice a fait de la réunification du pays un de ses principaux objectifs et objets de revendication.
(11) Voir EDA 253
(12) Voir EDA 269