Eglises d'Asie

Un religieux bouddhiste propose une façon originale de célébrer le vingt-cinquième anniversaire de la “victoire du printemps 1975”

Publié le 18/03/2010




Le patriarche du bouddhisme unifié, le vénérable Thich Huyên Quang qui, à l’âge de 83 ans, est toujours en exil forcé dans la province du Quang Ngai, au centre du pays, vient de se manifester, une fois de plus, avec éclat dans une lettre pleine de passion adressée aux quatre responsables principaux du pays, le secrétaire du Parti, le chef de l’Etat, le Premier ministre et le président de l’Assemblée nationale.

La lettre du religieux, qui est datée du 21 avril 2000, commence par une méditation désordonnée et pleine de rebondissements inattendus sur l’histoire récente du Vietnam depuis l’apparition du Parti communiste. Au cours de celle-ci, il s’appesantit sur plusieurs épisodes tragiques, trace un tableau très noir de la société vietnamienne dans laquelle, dit-il, deux seuls choix sont possibles, la prison ou la soumission à l’appareil du Parti, souligne la misère d’une partie du peuple, surtout dans les campagnes, et rappelle longuement les divers événements qui ont marqué les rapports tendus du bouddhisme unifié et de l’Etat, depuis 1945 et surtout depuis avril 1975 (18).

Puis, le patriarche propose aux autorités vietnamiennes une façon originale de célébrer le vingt-cinquième anniversaire de la prise de Saigon du 30 avril 1975 au lieu de s’enorgueillir trop vite de ce que la langue officielle appelle la grande victoire du printemps », la libération du Sud, l’unification du pays, l’indépendance et la paix.

Il suggère en premier lieu qu’à partir de ce jour le Parti communiste mette un terme à la guerre totale qu’il mène contre toutes les composantes sociales et les religions qui n’adhèrent pas à ses vues, cette guerre qui se manifeste sous la forme de la lutte des classes et de la dictature du prolétariat. Ensuite, il propose que, désormais, le 30 avril soit déclaré jour national de repentir pour les morts et de promotion pour les vivants. Apparemment, l’exemple récent de la demande de pardon du chef de l’Eglise catholique a inspiré le religieux qui cite le geste du pape avec une certaine admiration. Il énumère un certain nombre d’erreurs et de fautes commises au cours des cinquante-cinq années écoulées pour lesquelles le Parti communiste pourrait demander pardon : les morts des deux guerres menées par le Parti, les morts de la réforme agraire (que le religieux a estimé auparavant à 700 000), les victimes des massacres de Huê qui ont eu lieu lors de l’offensive du Têt Mâu Thân (nouvel an 1968), les victimes de la déportation en zones d’économie nouvelle, les morts des camps de rééducation qui sont estimés à 100 000. Pour eux tous, le religieux réclame le repentir du Parti et des prières pour toutes ces âmes errantes.

Pour les vivants, le religieux suggère que leur soient accordés les droits de l’homme. Autrefois, remarque le patriarche, chaque année, l’empereur offrait le sacrifice au ciel (Nam Giao) pour la paix du pays et de ses habitants. L’équivalent de ce rite aujourd’hui serait la proclamation d’une loi garantissant les droits de chaque citoyen. Pour marquer l’anniversaire du 30 avril 1975, un décret devrait être publié par le gouvernement qui ordonne la recherche des dépouilles de tous les soldats morts sur le sol vietnamien à quelque camp qu’ils appartiennent, qui rende la liberté à tous ceux qui sont détenus pour leur religion ou pour leurs opinions, qui restaure l’honneur des innocents et assure une subsistance digne à tous ceux que la guerre a handicapés sans tenir compte de leur camp.