Eglises d'Asie

LA PERSÉCUTION DES CHRETIENS PROTESTANTS AU VIETNAM

Publié le 18/03/2010




“Toute personne de bonne foi et respectueuse de la vérité

peut constater que l’Etat du Vietnam a toujours recherché

et créé les conditions favorables à l’exercice de la liberté religieuse par tous ses citoyens. L’Etat vietnamien

n’a jamais fait obstacle aux activités religieuses”.

Quân Dôi Nhân Dân, le quotidien de l’armée,

12 septembre 1999.

Vingt-cinq ans après la réunification du pays sous le pouvoir communiste, les chrétiens protestants au Vietnam restent une minorité marginalisée ne bénéficiant pas de la liberté religieuse promise par la Constitution du Vietnam. Depuis 1975, pas une seule organisation de l’Eglise protestante n’a obtenu de statut légal. Les chrétiens des ethnies minoritaires qui forment plus des trois quarts des quelque 800 000 protestants du Vietnam sont sévèrement persécutés. Ils sont quotidiennement arrêtés, soumis à des menaces, des quolibets, des coups et des amendes, dépossédés de leurs biens, forcés à un travail pénible, chassés de leurs habitats traditionnels, transformés en réfugiés de l’intérieur, emprisonnés et, dans certains cas, tués pour avoir refusé de renier leur foi. Les mauvais traitements infligés au chrétiens protestants au sein des minorités ethniques sont tellement répandus et systémati-ques qu’il est impossible de croire aux excuses données par le gouvernement selon lesquelles il ne s’agirait là que de cas isolés, attribuables à des fonctionnaires sans conscience.

Le parti communiste vietnamien et son expression, le gouver-nement, n’ont pas modifié leur politique consistant à subvertir les groupes religieux en exigeant d’eux qu’ils fassent partie du Front patriotique avec les autres organisations de masse. La seule façon pour eux d’arriver à leurs fins est de rassembler un certain nombre de personnes mécontentes ou mal informées issues de ces groupes pour former une organisation patriotique, qui prétend alors représenter la totalité du groupe. Cela a été fait chez les bouddhistes, les catholiques (1) les hoa hao, les caodaïstes et les musulmans. Ces organisations patriotiques n’ont jamais joui d’aucune crédibilité auprès des fidèles. A son grand désappointement, le Parti n’a jamais réussi à former un groupe patriotique chez les protestants.

Le recensement décennal de 1999 faisait état de 76,3 millions d’habitants au Vietnam. Si l’on retient les anciens pourcenta-ges, la population devrait comporter un million d’habitants d’origine khmère, un million d’origine chinoise avec environ dix millions de personnes appartenant à d’autres groupes linguistiques. Le gouvernement affirme que ces ethnies minoritaires sont au nombre de 54. Les linguistes les estiment à plus de 80. On trouve des chrétiens protestants dans vingt d’entre elles.

Un des journaux officiels du Vietnam, le Nông Thôn Ngay Nay (La campagne aujourd’hui), dans un article publié le 23 novembre 1999 (2), affirme qu’il existe au Vietnam 31 cultes illégaux en plus des six religions reconnues. Ces six religions (qui ne sont pas citées dans l’article sont le Bouddhisme, (les estimations très variables vont de 15 à 75 % de la population), le catholicisme (entre 7 et 8 millions de fidèles) (3), le protestantisme avec environ 800 000 fidèles, l’islam (peu d’adeptes). Le terme “religions reconnues” signifie ici qu’elles correspondent à la définition de la religion selon la sociologie marxiste et non pas qu’elles ont un statut légal ou qu’elles bénéficient de la protection de la loi. L’article, en question, affirmait aussi que les cultes illégaux étaient originaires de Taïwan, du Japon, de l’Inde, de Chine et de France et s’adressaient aux personnes pauvres et sans éducation, qui, selon l’auteur, “souffraient de maladies physiques ou mentales 

La religion prédominante au Vietnam reste ce que Léopold Cadière, dans une étude désormais classique intitulée “La religion des Vietnamiens” et publiée en 1944, appelait “le culte des esprits Celui-ci est dominé par le culte des ancê-tres et des héros nationaux. En raison du caractère hautement individualiste des pratiques auxquelles donnent lieu ce type de culte, il n’a pas conduit à la création de vastes organisations de masse. De ce fait, il peut être utilisé pour diffuser dans la population des idées nationalistes. S’écartant de l’idéologie marxiste qui tient toute religion pour une superstition destinée à être éliminée, dans sa pratique récente, le Parti communiste vietnamien favorise les pratiques religieuses inorganisées des populations autochtones, comme un antidote à la rapide propagation du catholicisme et du protestantisme.

I – Une brève histoire du protestantisme

Les missionnaires, arrivés dans le centre Vietnam en 1911, ont succédé à Robert A. Jaffray, illustre pionnier de l’Alliance chrétienne et missionnaire, qui, depuis la Chine du Sud fit plusieurs incursions au Vietnam. En 1929, l’Eglise autochtone vietnamienne, appelée, l’Eglise Evangélique du Vietnam, était florissante. En 1975, cette Eglise comptait 500 communautés, auxquelles il faut ajouter une centaine d’autres appartenant à des Eglises créées par d’autres organisations missionnaires arrivées après 1960. Au total, la communauté protestante en 1975 était évaluée à un peu plus de 150 000 fidèles.

Immédiatement après la prise de pouvoir communiste, environ 300 de ces églises, principalement dans les ethnies minoritaires, ont été confisquées ou détruites. Au moins 60 pasteurs ont été emprisonnés, quelques-uns pendant 13 ans. Les trois grands séminaires de Nha Trang, Ban Ma Thuôt et Dalat ont été fermés et confisqués, en même temps que 70 écoles élémentaires et secondaires, ainsi que nombre d’établissements médicaux administrés par les Eglises. L’année 1976 a été la dernière année où l’Eglise évangélique du Vietnam a pu tenir une assemblée au niveau national. De fait, tous les responsables élus à cette occasion sont aujourd’hui décédés ou invalides, ce qui rend impossible l’administration de l’Eglise au niveau national. Néanmoins grâce à une direction éclairée des responsables locaux, en de nombreux endroits, l’Eglise a prospéré.

Dans les dernières années 1980, la mise en place de la ligne politique “dôi moi”, la version vietnamienne du glasnost, favorisa une ouverture de plus en plus marquée aux influences étrangères. Parmi celles-ci se sont fait sentir celles des représentants des organisations missionnaires autrefois au Vietnam ainsi que de quelques autres. Leur action a contribué à la croissance des Eglises domestiques, semblables à celles de Chine. Aujourd’hui, il existe au Vietnam quelque 40 mouvements d’Eglises domestiques ou petits groupes. L’Eglise évangélique a également grandement progressé par l’adjonction d’Eglises domestiques non-officielles. Aujourd’hui le nombre de communautés au Vietnam se rassemblant pour la plupart du temps dans des domiciles privés est estimé à 3 500. Les communautés se rassemblant dans des bâtiments d’église datant d’avant la prise de pouvoir communiste de 1975 ne sont que 300. Le nombre de protestants aujourd’hui est estimé à 800 000, plus de quatre fois le nombre des fidèles existant il y a 25 ans.

II – Une longue série de violations de la liberté religieuse

Les chercheurs sérieux ont à leur disposition en divers en-droits une documentation sur les abus commis contre les bouddhistes ou les catholiques. Les rapports inter-national, de Human Rights Watch, du département d’Etat américain, le rapport publié en mars 1999 par le rapporteur spécial des Nations Unies sur l’intolérance religieuse consti-tue une documentation abondante sur les problèmes de droits de l’homme et de liberté religieuse au Vietnam. Malgré leur connaissance des problèmes du protestantisme au Vietnam, la plupart de ces rapports n’en fournissent aucune description détaillée. Le présent rapport est un essai destiné à remédier à cette omission et à fournir une analyse des raisons pour lesquelles les protestants sont soumis à un traitement aussi dur.

En mars 1999, une monographie de 50 pages, intitulée “Aux lisières désolées du monde” (4), rédigée par la Commission de la liberté religieuse de l’Association évangélique mondiale a décrit dans ses grandes lignes invariables la persécution subies par les ethnies h’mong, bahnar et hre. A la suite du présent rapport, on pourra trouver la traduction de neuf témoignages de chrétiens de base appartenant à diverses Eglises domestiques et à l’Eglise évangélique du Vietnam. Ils concernent aussi bien les Jarai, les Hroi, les Ede, les Koho, les K’Dong que des chrétiens d’ethnie vietnamienne. Ils ont été collectés par un chercheur au mois de janvier 2000 avec 23 autres documents détaillant des violations de la liberté religieuse.

a – La persécution des H’mong

Parmi les documents, ceux qui concernent la persécution des croyants h’mong sont les plus nombreux. Ce sont des émissions d’une radio chrétienne en langue h’mong qui a déclenché chez eux un mouvement de conversion dans les années 1980. Au moins 150 000 H’mong se sont déclarés, eux-mêmes, chrétiens. Certains estiment que ce chiffre doit être au moins doublé. Le gouvernement s’est d’autant plus inquiété de cette évolution qu’il nourrissait déjà des craintes concernant les aspirations à l’indépendance de cette forte minorité. Ils sont 60 000 aux Vietnam…

L’année dernière, des chercheurs ont recueilli et traduit un pamphlet anti-chrétien de 42 pages, élaboré par le Parti communiste lui-même dans la province de Ha Giang. Il y a plus de trois ans, une liste de 40 chrétiens h’mong en prison pour leur foi a été établie pour susciter un mouvement en leur faveur. Depuis, l’Union évangélique a reçu des indications selon lesquelles 20 d’entre eux ont été libérés en 1999, quelques-uns avant l’expiration de leurs peines. Il se trouve que d’autres ont été récemment emprisonnés. Voici une liste partielle de chrétiens h’mong dont la détention a été confirmée au mois de janvier 2000 :

– Sung Phai Dia de la province de Lai Châu, à la prison de Diên Biên Phu

– Vu Gian Thao id.

– Vang Gia Chua id.

– Sung Va Tung id.

– Sung Seo Chinh id.

– Lau Dung Xa de la province de Lai Châu, à la prison C-10 de Diên Biên Phu

– Phan A Dong id.

– Sinh Phay Pao de la province de Ha Giang, prison de Ha Giang

– Va Sing Giay id.

– Vang Sua Giang id.

Il y a d’autres prisonniers dans la province de Lao Cai. Leurs familles ont été informées qu’ils seraient immédiatement relâchés s’ils reniaient leur foi chrétienne.

A partir de 1997, les chrétiens h’mong qui n’ont pas précisément la réputation d’être lâches ont ressenti une telle menace que plus de 8 000 d’entre eux ont quitté leurs terres ancestrales et leurs biens à Ha Giang et Lao Cai pour s’enfuir à des centaines de kilomètres au sud dans la province de Dak Lak. Quelques-uns de ces réfugiés ont parfois été chassés par les autorités de Dak Lak des terres qu’ils avaient défrichés et sur lesquelles ils s’étaient installés. Un certain nombre sont revenus dans leur province d’origine, les mains vides, et se sont entendus dire qu’ils ne recevraient aucune aide tant qu’ils n’auraient pas renié leur foi chrétienne.

Les H’mong sont devenus experts dans l’envoi de pétitions aux autorités pour se plaindre des abus dont ils sont les victimes. Les trente pages de pétitions, toutes datées de 1999 ressemblent beaucoup à celles qui ont été envoyées dans le passé. Elles présentent toutes des éléments communs. En de nombreux endroits, les autorités utilisent des policiers armés ou des unités militaires pour intimider les H’mong et les forcer à signer des formulaires tout prêts par lesquels ils renoncent à leur foi chrétienne, promettent d’abandonner les pratiques chrétiennes et de dénoncer aux autorités ceux qui retourneraient au christianisme. Ailleurs, les dirigeants ont été arrêtés et torturés pour essayer de les détourner de leur religion. En d’autres lieux, les chrétiens ont été battus ou soumis à des amendes de plusieurs millions de dôngs. Il arrive souvent que, démunis de tout argent, ils soient obligés de payer en nature en prenant sur leur alimentation de première nécessité ou sur les animaux de trait, ou encore de rembourser leur dette en journées de travail. En janvier 2000, les chrétiens h’mong des provinces frontalières de Chine ont reçu des menaces selon lesquelles la police frontalière allait procéder à une visite systématique de toutes les maisons et les obligerait à renoncer à leur foi et à rétablir les autels aux esprits. Il ne s’agit pas de menaces en l’air. Dans certaines régions, les autorités ont forcé les chrétiens à prouver leur retour aux cultes animistes en buvant le sang d’animaux sacrifiés.

b – Persécutions d’autres minorités

Les chrétiens hre de la province du Quang Ngai au Centre-Vietnam sont ordinairement victimes de persécutions religieuses. Le cas le plus déplorable est celui du missionnaire hre, Dinh Van Hoang et de son épouse enceinte, tous les deux battus au cours du mois de juillet 1999. A la suite de ce mauvais traitement, l’épouse du missionnaire a perdu son enfant. Mari et femme ayant quand même continué leur ouvre d’évangélisation, leur maison a mystérieusement brûlée. Tout le monde voit là l’ouvre des autorités.

Il existe des centaines d’Eglises domestiques dans la population hre du Quang Ngai. Il s’agit là d’un récent et très puissant mouvement de foi. En août 1999, une personne appartenant à un groupe d’Eglise domestique, appelée “Amicale protestante”, a demandé à manifester son respect aux chrétiens hre ayant subi des mauvais traitements de la police. A sa grande surprise, seules onze personnes lui furent présentées. Il découvrit alors que seuls lui avaient été amenés les chrétiens dont le sang avait coulé lors des mauvais traitement subis par eux. Les coups n’entraînant pas de blessures sérieuses étant considérés comme un traitement ordinaire. Le missionnaire hre dont il est question dans le témoignage n° 7 en annexe est toujours en prison dans le Quang Ngai.

Des rapports en provenance de cette province rédigés après les dégâts causés par les récentes inondations mentionnent que des chrétiens ont été systématiquement écartés des distributions de secours par le gouvernement.

En juillet 1999, les autorités locales du district de Bu Dang dans la province de Binh Phuoc ont volontairement détruit trois modestes églises de l’ethnie mnong et menaçait d’en détruire encore davantage. L’information a été rapidement communiquée hors du Vietnam (5) et publiée par une organisation européenne pour la liberté religieuse. La nouvelle a été reprise par les médias internationaux, ce qui a conduit un journaliste étranger à poser une question à ce sujet lors de la conférence de presse régulière du ministère des affaires étrangères vietnamien. Le porte-parole a démenti que de telles choses puissent se produire au Vietnam. Cependant des enquêteurs de Hanoi ont été envoyés dans la région et les destructions ont été arrêtées. Le président du Comité populaire du district, M. Ba Chia, qui avait ordonné les destructions a été relevé de ses fonctions en décembre 1999.

Cette même année 1999, une ambassade étrangère dans la perspective d’une assistance à cette région, a commandé une étude sociologique d’une commune dont la population appartient à l’ethnie stieng, commune appelée Bu Gia Map, du district de Phuoc Long, province de Binh Phuoc. Les chercheurs indépendants ont noté que 41 % de la population disait adhérer au christianisme, plus particulièrement au protestantisme évangélique. Ils mentionnent aussi que le mode de vie des chrétiens s’était grandement amélioré en comparaison avec celui de leurs compatriotes pratiquant l’animisme traditionnel, en particulier pour ce qui concerne l’alcoolisme. Ils ont également observé que, dans leur communauté, régnait davantage de paix sociale et de bien être économique. Selon les chercheurs, les pratiques animistes entravent le développement. C’est encore une autre raison de s’étonner que l’on s’en prenne aux chrétiens qui semblent avoir de meilleurs résultats que les autres dans cette tâche éminemment socialiste, à savoir “l’édification du pays”.

Dans les témoignages annexes, il est parlé des persécutions concernant d’autres minorités. Dans l’annexe 9, un missionnaire koho explique comme de jeunes chrétiens de ce groupe ethnique sont objet d’une flagrante discrimination à l’intérieur du système scolaire.

c – Persécution de la population Kinh (vietnamienne)

On peut citer trois faits, l’un survenu dans l’extrême nord, l’autre dans le centre et le troisième dans le sud profond. Ils indiquent l’étendue de la persécution s’exerçant sur la population d’ethnie vietnamienne. Il est vrai que ces faits surprendront même les habitants des grandes villes du Vietnam, qui, chaque semaine, voient les églises catholiques et protestantes remplies de fidèles.

A Viêt Tri, au nord de la province de Phu Tho, lors d’une pacifique réunion d’Eglise domestique dans l’après-midi du dimanche, 10 octobre 1999, une dispute a éclaté lorsque la propriétaire de la maison, Mme Nguyên Thi Thuy a demandé de quel droit la police se promenait à l’intérieur de sa maison sans en donner la raison. Les agents ayant refusé de quitter la maison ou de participer à l’office comme elle le leur demandait, Mme Thuy a fermé à clef la porte de la maison pour assurer la sécurité des vélos des participants alors que les policiers se trouvaient à l’intérieur. Ceux-ci ont alors provoqué un incident soigneusement préparé à l’avance ! Des renforts armés de fusils ont été appelés. Après avoir, sous la menace, ouvert la porte, Mme Thuy a été jetée à terre, puis traînée jusqu’au véhicule de police dans laquelle elle a été embarquée. Quinze autres personnes ont été arrêtées pour avoir protesté contre le traitement infligé à la maîtresse de maison et relâchés le même jour. Mme Thuy a été détenue jusqu’au 27 décembre 1999, date à laquelle elle a été traduite devant un tribunal et condamnée à 12 mois de prison “pour avoir empêché un fonctionnaire d’accomplir sa mission Pendant un temps, la police a interdit à sa famille de lui rendre visite, affirmant à celle-ci que la prisonnière était plus dangereuse qu’un revendeur de drogues ou un assassin.

On a pu trouver un avocat pour l’aider à faire appel de sa condamnation. Après s’être vu refuser une première rencontre, l’avocat a été, par la suite, jugé apte à s’occuper de ce cas. C’est la première fois qu’un avocat est autorisé assister une personne accusée d’une infraction en relation avec le protestantisme. Les autorités en effet font de leur mieux pour gommer la couleur religieuse de cette affaire. Elles ont obligé Mme Thuy à commencer toutes ces lettres à sa famille par ces mots : “Je suis en prison non à cause de la religion mais pour avoir violé la loi civile”. Une campagne épistolaire a attiré l’attention sur ce cas.

Une requête de six pages rédigée au Centre-Vietnam et signée de 17 membres d’une Eglise domestique appartenant aux Assemblées de Dieu rapporte en détail le traitement barbare que leur a fait endurer la police le 19 septembre 1999. Les faits sont survenus dans le village de Binh Lanh, district de Que Chau, province de Quang Ngai. Après avoir été brutalement interrompus alors qu’ils participaient à un paisible service religieux dans la maison de M. Sac et Mme Day, les fidèles se sont vus passer les menottes, ont été liés et traînés ainsi dans les rues du village. Dans une scène rappelant la révolution culturelle, les policiers, tout en amenant le groupe, élevaient bien haut les bibles venant d’être saisies et criaient : “La même chose arrivera à quiconque croira en ce livre stupide”.

Un des membres de cette Eglise, M. Huynh Van Bay, a particulièrement souffert durant son interrogatoire par les agents de police Nguyên Nghia et Trân Phuoc Thiêp. Essayant de le détourner des croyances chrétiennes, les deux agents l’ont frappé, boxé et lui ont donné des coups de pieds jusqu’à ce que M. Bay s’évanouisse. A sa libération, celui-ci a été obligé de recourir aux services de la médecine.

La requête souligne que les chrétiens concernés sont des pay-sans pauvres, des citoyens exemplaires qui aspirent à s’occu-per de leur famille et à reconstruire le pays. Ces chrétiens se demandent si le mauvais traitement qu’ils ont subi fait partie d’une politique nationale et alors comment celle-ci s’accorde-t-elle avec la déclaration du secrétaire général du parti, Lê Kha Phiêu affirmant que la liberté de religion est garantie à chaque citoyen. De telles requêtes s’appuyant sur de tels arguments reçoivent souvent des réponses encore plus brutales dans la République socialiste du Vietnam.

Le district de Bac Liêu dans la province de Minh Hai, la plus méridionale du Vietnam, est un lieu ou de nombreux militaires et fonctionnaires du gouvernement se sont établis sur des terres qui leur ont été données. La déception éprouvée par eux concernant les bienfaits du communisme les a rendus accueillants à d’autres systèmes de croyance et plus particulièrement au christianisme. Un mouvement d’Eglises domestiques dans le district a vu ses groupes passer de deux à 102, seulement en l’espace de deux ans.

Parmi les retraités touchés par le christianisme se trouvait un capitaine et héros de la révolution, Trân Ngoc An. Il bénéficiait d’une retraite d’invalidité pour diverses blessures de guerre. Lors d’une opération réalisée en Union soviétique, une partie de son ossature crânienne avait été remplacée par une plaque métallique. Sa souffrance était telle qu’elle l’avait conduit à chercher une consolation dans l’alcool et la drogue. Devenu toxicomane, revêche et négligé, An avait acquis une triste réputation. Il a eu connaissance du message du christianisme par certaines personnes y ayant adhéré récemment. Il a cru au message de la rédemption et a fait lui-même l’expérience d’une libération miraculeuse de sa toxicomanie. Animé d’une nouvelle et inespérée confiance dans la vie, il a étudié avec beaucoup d’assiduité sa nouvelle foi et est bientôt devenu un missionnaire efficace.

Le 22 décembre 19999, M. An et deux autres missionnaires Nguyên Khanh Tung et Trân Van Chinh ont accepté l’invitation d’une dame, veuve d’un officier tué pendant la guerre et considéré comme un martyr de la révolution. Celle-ci avait également entendu la bonne nouvelle chrétienne et était devenue croyante, ce qui pour elle n’était pas une décision aisée étant donné qu’elle devait abandonner le culte de l’esprit de son époux sur l’autel domestique. Pour témoigner de l’abandon de ses anciennes croyances, elle avait invité les trois missionnaires à l’aider à démonter l’autel. Alors qu’ils quittaient la maison, les trois missionnaires ont été arrêtés, enfermés et par la suite interrogés. Ne présentant aucun signe de repentance pour le crime commis, à savoir la destruction de l’autel d’un martyr de la révolution, An, lui aussi, un héros de la révolution, a été suspendu par les pieds et cruellement battu. Ce traitement brutal venant s’ajouter aux blessures de guerre a provoqué l’évanouissement de An. Craignant qu’il ne meure, la police l’a relâché la veille du Nouvel An. Après avoir repris des forces, il a raconté que les deux autres missionnaires avaient également été maltraités pendant l’interrogatoire. Telle est la liberté de la religion en République socialiste du Vietnam, même les héros de la révolution ne peuvent en bénéficier.

Au cours des trois dernières années, les autorités ont accordé beaucoup d’attention à la question religieuse. Le travail accompli par le Bureau de la Police du Parti, le ministère de la Sécurité publique et le Bureau des Affaires religieuses s’est concrétisé au mois de mai dernier dans la publication du décret sur la religion n° 26/1999/ND-CP (6). Fait sans précédent, il a été signé par le Premier ministre. Ce nouveau décret a remplacé les dispositions des précédents décrets.

Aucune nouveauté dans ce décret, bien plus un retour en arrière, telle a été la conclusion des dirigeants religieux à l’exception des responsables des organisations patriotiques. Les réunions organiques, le choix des dirigeants, la décision concernant les besoins en matière de formation du clergé, le tri des étudiants à former pour différentes fonctions religieuses, la construction et la restauration des églises, la publication de la littérature religieuse, les relations avec les coreligionnaires des autres parties du monde, tout cela est entièrement contrôlé par l’Etat. Et comme si cela n’était pas suffisant, la loi donne encore au gouvernement un autre atout. L’article trois du décret stipule que “les activités religieuses doivent se conformer à la loi de la République socialiste du Vietnam Cette “loi” souvent ne correspond qu’à la fantaisie de petits fonctionnaires corrompus et vindicatifs qui n’ont personne pour les contrôler.

Une circulaire du gouvernement destinée à éclairer le décret n° 26 publié en juin dernier à Hanoi (7) stipule que les personnes qui rejoignent une congrégation religieuse doivent demander au préalable une permission des autorités locales.

Répondant à un rapport international critiquant le Vietnam pour les restrictions apportées à la liberté religieuse, le quotidien de l’armée du 12 septembre 1999 a publié cette déclaration : “Toute personne de bonne foi et respectueuse de la vérité peut constater que l’Etat du Vietnam a toujours recherché et créé les conditions favorables à l’exercice de la liberté religieuse par tous ses citoyens. L’Etat vietnamien n’a jamais fait obstacle aux activités religieuses”.

d – Négociations pour une normalisation

Le vice-directeur du bureau des Affaires religieuses, M. Nguyên Van Chinh qui s’occupe du dossier des protestants, a mené, au mois de janvier, des négociations avec quelques dirigeants de l’Eglise évangélique du Sud-Vietnam dans l’espoir de “normaliser” les relations entre le gouvernement et l’Eglise. Dans le passé, ces négociations ont toujours échoué. Il reste un espoir qu’elles aboutissent, cette fois, à de meilleurs résultats.

L’Eglise évangélique n’étant pas doté d’une administration centrale bien déterminée, le Bureau des Affaires religieuse a choisi de traiter avec certains dirigeants de l’Eglise qui, précisément à cause de ce dialogue, vont être suspectés par les autres dirigeants. Toutefois, un calendrier en trois étapes a été négocié avec deux dirigeants d’Eglise et a été agréé par les autorités de Hanoi le 28 janvier 2000. Une convocation a été lancée pour la rencontre d’un Comité directeur de 25 pasteurs de l’Eglise évangélique avec les fonctionnaires du Bureau des Affaires religieuses, rencontre durant laquelle sera approuvé le calendrier. La seconde étape verra s’élargir le premier comité de 25 membres, qui deviendra un comité de 65 membres chargés de rédiger le projet d’une nouvelle constitution acceptable par le gouvernement. Dans le cas peu probable où cela se réaliserait sans contretemps, les autorités autoriseraient alors un congrès de l’Eglise à l’échelon national pour la première fois depuis la réunification. Le Bureau des Affaires religieuses est fortement engagé dans cette affaire et exige que les membres des Comités soient approuvés par lui et que les candidats à la direction de l’Eglise aient reçu son approbation préalable. Beaucoup sont optimistes et affirment que tout cela sera achevé en l’an 2000.

Un processus semblable est également engagé pour ce qui concerne la petite Eglise évangélique du Nord. Depuis sa reconnaissance légale en 1960, la direction de cette Eglise est totalement manipulée par le Bureau des Affaires religieuses. Cette fois, une campagne ouverte est menée par les autorités pour éliminer le dirigeant que les Eglises elles-mêmes auraient certainement choisi, le révérend Au Quang Vinh, pasteur de l’église du 2 de la rue Ngo Tram à Hanoi. Dans une lettre adressée le 12 janvier 2000 aux autres dirigeants d’Eglise, le pasteur Vinh est décrit comme ayant violé la loi et donnant le mauvais exemple aux membres de l’Eglise et aux citoyens.

Quelques organisations d’Eglises domestiques sont entrées dans une première phase d’entretiens pour la normalisation, bien que le Bureau des Affaires religieuses n’ait pas encore révélé le nombre d’organisations qu’il compte enregistrer. Cependant le fait que les protestants en nombre relativement réduit soient l’objet d’une telle attention soulève la question du pourquoi. Quelques-unes des réponses proposées expliquent aussi les causes de la persécution religieuse en général. Les autorités sont conscientes plus que les diplomates occidentaux, les chercheurs et les journalistes, du puissant rôle joué par les Eglises dans l’écroulement du bloc communiste de l’Europe de l’Est. Au Vietnam, les Eglises font peur. Elles posent problème aux dirigeants.

1 – Les communistes ont besoin d’un ennemi externe. Le protestantisme, commodément associé aux Etats-Unis, en est un.

2 – Les autorités, dans leur propagande, prétendent que la guerre n’est pas terminée et qu’il est nécessaire d’être vigilant. La nouvelle stratégie des Etats-Unis consiste à utiliser les protestants pour développer “l’évolution pacifique 

3 – Les communistes craignent le pouvoir de cohésion des organisations religieuses spécialement apte à aider les H’mong à réaliser leurs très anciennes aspirations à l’indépendance ou à mobiliser les bouddhistes dans leurs efforts pour modifier l’équilibre politique comme ils l’on fait dans le passé.

4 – Les communistes s’irritent de voir la capacité des Eglises de créer des communautés d’assistance mutuelle, communautés promises par leur système mais dans la création desquelles ils ont manifestement échoué.

5 – L’intégrité des Eglises et le soin qu’elles prodiguent aux marginaux est un reproche et un jugement constant à l’égard du système corrompu qu’est devenu le communisme aujourd’hui.

6 – Le système est vicié par son déni de la dignité humaine et son aversion à l’égard d’une doctrine qui exalte la dignité de l’individu racheté par son Créateur.

7 – Dans le domaine de la religion et dans d’autres domai-nes, la direction du Parti, le Bureau politique, a décidé de n’opérer aucun changement qui pourrait modifier le statu quo actuel et risquerait de lui faire perdre le pouvoir. C’est une espèce de paralysie de la volonté politique.

L’impression générale selon laquelle les quelques modestes améliorations économiques accordées aux habitants des villes du Vietnam ont conduit à une pleine liberté pour tous, n’est finalement qu’un mythe qui est complètement ridiculisé par l’expérience quotidienne des citoyens vietnamiens dont il a été rendu compte ci-dessus.

Le Vietnam est signataire de la Déclaration internationale des droits de l’homme des Nations Unies et de la Convention internationale des Nations Unies sur les droits politiques et civils. On doit lui demander des comptes pour son refus, grave et systématique, d’accorder la liberté religieuse à ses citoyens. C’est le devoir des Nations Unies et de leurs services. C’est le devoir des gouvernements en relation avec le Vietnam, particulièrement ceux qui valorisent les droits de l’homme. C’est le devoir de ceux qui commercent avec ce pays. C’est aussi le privilège des organisations indépendantes pour les droits de l’homme et la liberté religieuse. Parlez fort, parlez clairement !

Singapour, le 15 février 2000,

Commission sur la liberté religieuse

de l’Alliance évangélique universelle

ANNEXE

TEMOIGNAGES CONCERNANT DES CHRETIENS PERSECUTES AU VIETNAM

(Ces témoignages ont été recueillis en 1999. Ils relatent des faits qui sont survenus en 1999, à moins que le contraire soit noté expressément.)

1 – La police de Kim Tan, Plei Ngo, district de Azunpa à Kontum, a déclaré au missionnaire chrétien Ama Bun, de l’Eglise du peuple jarai de Pleiku : “Si nous surprenons quelqu’un en train de prêcher l’évangile, nous lui couperons les oreilles et lui infligerons une amende de 2 millions de dôngs” (1).

Le président du Comité populaire du village de Kim Tan, district de Azunpa à Kontum, a déclaré : “Quiconque veut adhérer à la religion de l’Evangile doit donner au gouvernement une vache et 500 000 dôngs. En dépit de cette menace, il y a encore des gens qui croient au Seigneur 

2 – Au village de Suoi Bac, district de Son Hoa dans la province de Tuy Hao, la police a fait savoir aux chrétiens de l’ethnie hroi : “Vous n’êtes pas autorisés à prier ensemble dans votre famille. Si vous voulez pratiquer un culte, vous devez aller dans une église 

3 – Dans le district de Ea Sup, province de Daklal, sept missionnaires ede étaient allés faire un partage d’évangile dans une région près de la frontière du Cambodge. Ils ont été arrêtés et détenus par la police frontalière et chacun a été condamné à une amende de 350 000 dôngs.

4 – La persécution s’aggrave sérieusement dans la région où vivent les ethnies hroi et ede, dans les deux districts de Son Hoa et de Son Hinh dans la province de Phu Yên. Les missionnaires sont frappés d’amendes, humiliés, calomniés et offensés.

Les fonctionnaires du gouvernement de ces deux districts rassemblent la population à intervalles réguliers pour savoir pourquoi la religion protestante se répand avec une telle rapidité. Dans leur propagande, ils affirment : “Le protestantisme est une religion américaine, la religion de la contre-révolution, la religion qui cherche tous les moyens de renverser le gouvernement. Quiconque répand cette religion sera arrêté, jeté en prison et devra subir la rigueur de la loi 

Le missionnaire Kpa Luong de la tribu jarai (du village de Ea Tron, district de Sonh Hinh, province de Phu Yên) a été placé devant une assemblée de villageois pendant deux heures “afin de le persuader d’abandonner le protestantisme, une religion américaine 

5 – “Mon nom est Nguyên Huu Cau. J’appartiens au groupe des Hre. J’ai 43 ans et je suis du hameau de Ca Dao, village de Son Lang, district de Son Ha, province de Quang Ngai.

Je désire témoigner du travail accompli par le Seigneur dans le village de Son Lang. Dans la totalité du district de Son Ha, il n’y a pas une seule église protestante alors que les chrétiens protestants y sont nombreux. Pour le seul village de Son Lang, ils sont au nombre de 150. Le 28 juin 1999, notre communauté de Son Lang avait organisé un cours de bible d’été pour les enfants dans ma maison. Le premier jour, les enfants ont accueilli avec joie la Parole de Dieu et se sont exercés à chanter des cantiques. Cependant, le lendemain à 14 h 30, les agents de la Sécurité locale ont fait irruption chez moi. Il ont arrêté le cours et m’ont ordonné de me rendre à la sécurité du district pour y subir un interrogatoire.

Poliment et clairement, je leur ai parlé de la politique du pays concernant la liberté de religion, mais ils étaient déterminés à nous faire subir l’oppression. Je me suis irrité de leur comportement et de leur façon de pénétrer chez moi sans un ordre écrit de leurs supérieurs. Je les invitai à s’en aller car le capitaine Liên qui portait l’uniforme de la police des transports s’était introduit illégalement dans ma maison. “Personne dans ma famille, lui dis-je, n’a violé les lois de la route ou des transports. Or, vous ordonnez que l’on m’arrête, et cela sans aucun document écrit”. Ils ont reconnu que ce que je disais était raisonnable et ainsi ils sont allés dans le jardin où ils ont vu les enfants en classe de bible. Ils étaient en train de chanter gaiement. Ils se sont mis alors en colère et ont communiqué par radio avec d’autres policiers leur demandant de venir pour nous menacer et nous faire subir un traitement barbare. Ils ont ordonné que je sois immédiatement arrêté et lié par les mains. J’exprimai ma réprobation de tout cela. J’ai pris un verre entre les mains sans le jeter. Ils n’ont pas oser s’approcher. Mais alors, il ont jeté une grenade de gaz lacrymogène sur moi, m’ont lié les mains et m’ont emmené.

Ils ont aussi capturé mes amis Dao et Trung, mes frères dans le Seigneur, qui étaient venus m’aider à enseigner la Bible aux enfants. Ils nous ont jetés dans une cellule du poste de police du district de Son ha, une cellule dans laquelle on mange et l’on fait ses besoins. Ils ont refusé de nous donner une moustiquaire ou des produits éloignant les insectes. Il nous a été donné un bol de riz avec du gros sel, deux fois par jour. Le premier jour, nous n’avons pas eu d’eau. Ensuite, il nous était fourni quotidiennement une seule petite bouteille

Malgré ce traitement, tous les trois, nous avons continué de prier le Seigneur à haute voix pour nous encourager les uns les autres. Nous avons aussi récité des testes bibliques que nous connaissions par cour. Nous avons fait cela durant tous les moments où nous n’étions pas interrogés, sauf pendant les périodes de sommeil.

La nuit du 5 juillet 1999, vers une ou deux heures du matin, nous nous sommes réveillés et avons prié à haute voix si bien que les gardiens ne pouvaient pas dormir. J’ai récité les psaumes et j’ai conclu par ces mots : “Au nom de Jésus Christ, le mal disparaîtra !” Ils sont venus frapper violemment à la porte et m’ont injurié. Ils m’ont dit : “Vous récitez vos prières jour et nuit. Voulez-vous faire de votre prison un lieu de culte ? !” Sur ce point, ils avaient raison. De ma cellule, à travers une canalisation, j’ai parlé à un prisonnier de la cellule voisine, Nguyên Ngoc Thang, âgé de 23 ans. J’ai rendu témoignage et je l’ai amené à la foi. Je lui ai enseigné à chanter des cantiques chrétiens et il a appris par cour le passage de l’évangile de Jean 3,16 (2). Thang était en prison pour un crime et attendait de comparaître devant le tribunal.

Le 7 juillet 1999, je m’imaginais que j’allais être libéré parce que neuf jours s’étaient déjà écoulés depuis mon arrestation (ce qui correspondait à la réglementation locale) et je pensais que je pouvais écrire un verset de bible sur le mur pour laisser un témoignage. J’ai été immédiatement puni, une terrible punition. Ils m’ont mis dans un cachot spécial. Je n’imaginais pas qu’il était possible de supporter de pareilles souffrances. Quand je suis revenu chez moi, j’ai considéré qu’ils m’avaient jeté en enfer. Je remercie Dieu que cela n’ait duré que cinq heures, cinq heures que je n’oublierai jamais de toute ma vie.

Après ces neuf jours, ils nous ont laissés partir tous les trois. Nous sommes revenus chez nous émaciés et anéantis. Quant à moi, pendant toute la semaine suivante, j’ai été forcé de rencontrer la police qui m’a interrogé et continué d’instruire mon dossier. Ils m’ont accusé devant des policiers retraités et quelques autres personnes favorables à la révolution. Ils ont crié et m’ont menacé. Certains m’ont dit : “Nous devons utiliser la loi de la jungle à votre égard et vous réprimander sévèrement afin que vous cessiez de vous conduire aussi stupidement qu’un jeune chiot”. Le président du village de Son Lang a déclaré en désignant celui qui venait de me parler : “S’il avait été là quand vous avez été arrêté, il vous aurait abattu sur le champ”.

Ensuite trois amendes différentes m’ont été infligées :

1 – 200 000 à million de dôngs “pour avoir abusé des privilèges démocratiques du citoyen en violant la sécurité nationale” ;

2 – 200 000 à un million de dôngs “pour avoir contrecarré un agent de la loi dans l’exercice de ses fonctions” ;

3 – 200 000 à un million de dôngs “pour avoir dégradé un bâtiment appartenant à la nation 

Mon appareil de photo Practika et mon flash Sunpak ont été confisqués jusqu’à ce j’ai achevé de m’acquitter de mes amendes.

J’ai demandé à mes frères chrétiens de prier le Seigneur d’intervenir en ma faveur. Ma famille est réellement dans une très grande misère : ma femme vient juste d’enfanter et les photos que je prenais jusqu’ici me procuraient un supplément de ressources qui s’ajoutaient à celles très modestes que je peux investir dans le service de Dieu.

Du point de vue de ma santé, je souffre de pertes de mémoire chroniques. Depuis mon incarcération, je suis atteint d’un certain nombre d’infirmités. J’ai du sang dans les selles à cause de la mauvaise nourriture que j’ai mangée. Bien que ma famille, connaissant mes maladies, ait essayé de m’assister en m’apportant ce dont j’avais besoin, les fonctionnaires n’ont pas facilité les choses. Certaines fois, mes enfants ont pris le risque d’entrer dans la cour de la prison pour me porter un peu de supplément de nourriture. Mais les gardiens ont tout confisqué. (…)”

6 – “Je m’adresse respectueusement à mes compagnons serviteurs du Seigneur. En juin 1999, notre Eglise de Phu Nhon (nous appartenons à la population vietnamienne du district de Phu Nhon, province de Gia Lai) avait convoqué une assemblée destinée à l’instruction de nouveaux croyants. Les policiers de la Sécurité ont fait irruption pendant la réunion, pris les bibles, les livres de chants, dressé un procès-verbal et ordonné que nous soyons traduits devant le Comité populaire. Après plusieurs jours d’interrogatoire, nous avons été condamné à 400 000 dôngs d’amende”.

7 – Témoignage du missionnaire Dinh Van Troi d’ethnie hre, Quang Ngai : “Permettez-moi de résumer un certain nombre de faits qui me sont arrivés lorsque j’étais en prison. Ma condamnation à la prison a été pour moi un grand honneur parce j’y ai souffert avec le Seigneur pendant toute une période de temps ; ensuite, le Seigneur m’a ouvert la porte pour que j’en sois libéré. Durant le temps de mon épreuve, j’ai voulu endurer tout ce qu’ils ont fait contre moi. Plutôt que tenir compte de la cruauté de la police à mon égard, j’ai préféré préserver ma foi. J’ai préféré rester en prison plutôt que de leur révéler des choses pouvant avoir des conséquences fâcheuses. Mieux vaut mourir que de mener une vie qui n’aurait plus de sens. Je suis privé de liberté, mais ils ne peuvent me retirer la liberté de croire.

En prison, ils m’ont dit : “Il n’y a que la religion de la ‘Bonne Nouvelle’ (protestantisme, Eglise évangélique) qui soit interdite par le gouvernement et le Parti. Si vous adhérez à cette religion, vous violez la loi Lorsque je leur ai demandé de me dire exactement de quelle loi ils parlaient, ils m’ont menacé. Ils ont continué : “La religion de la Bonne nouvelle est une religion américaine, une religion qui s’oppose à l’Etat J’ai répliqué : “La religion de la Bonne Nouvelle est la religion du Seigneur du Ciel, elle vient du ciel”.

Ils m’ont accusé de calomnier les cadres, de m’opposer au gouvernement et de porter tort à la société. (J’avais écrit des requêtes pour des chrétiens exclus de l’assistance qui leur avait été promise par le gouvernement). Bien que je n’ai pas signé ces documents, ils m’ont cependant accusé. J’avais aidé à écrire des protestations urgentes contre l’injustice et pour cela, la persécution contre moi a redoublé. Le tribunal a ordonné que je sois détenu pendant deux mois (du 23 septembre au 23 novembre 1999) en attendant la session du tribunal prochaine”.

8 – Lorsque la sour Tran Thi Nhung (une Vietnamienne de Tra Mi, dans le Quang Ngai) est venue s’occuper de quelques chrétiens du village de Tra Giac, dans le district de Tra Mi, appartenant à la minorité ethnique Kdong, elle a été arrêtée par le policier Bui Công Chinh le 29 septembre 1999. Elle a dit : “Merci au Seigneur de m’avoir gardé en son amour. Le policier Bui Công Chinh s’est moqué de moi sans pitié. Il m’a injurié, me traitant de stupide, sale et remplie d’infirmités. Il a dit que je n’étais même pas digne de manger des excréments et qu’il était plus utile de les donner à manger aux chiens. “Vous êtes juste un gangster qui me fait perdre mon temps !”

Les policiers ont déclaré craindre que, dans l’avenir proche, chacun subisse l’influence de “votre stupide religion”. Ils ont considéré que j’étais plus contagieuse que les maladies infectieuses les plus graves.

Ils m’ont ordonné d’écrire ma confession et d’indiquer les personnes qui m’ont envoyée propager l’Evangile et essayer de renverser le gouvernement. Comme je n’ai pas pu ni voulu l’écrire, ils m’ont frappé la tête et insultée : “Vous êtes stupide et aussi intelligente qu’un porc. Votre cerveau n’est pas humain. Un cerveau de chien a plus de bon sens que le vôtre”. J’ai été cruellement battue. La police m’a gardée toute une après-midi et toute une nuit.”

9 – Je suis le missionnaire Ha Won du hameau de Suoi Thông, village de Tham My, et je voudrais rapporter les faits suivants : “Nous avons des enfants qui voudraient étudier dans les écoles réservées aux minorités dans les localités de la province de Lâm Dông où ils résident, ainsi que des étudiants qui, ayant achevé leurs études secondaires dans des lycées publics, voudraient s’inscrire pour des études dans diverses facultés universitaires ou écoles techniques de Nha Trang, Saigon et ailleurs. Mais le Service de l’Education de la province de Lâm Dông nous a fait la réponse suivante : “Nous n’acceptons par les enfants dont les parents ou les grands-parents sont pasteurs ou missionnaires, ou ceux dont les parents sont chrétiens. Nous avons reçu des ordres écrits en provenance des autorités supérieures à ce sujet”. Actuellement, il y a un certain nombre d’étudiants chrétiens poursuivant leurs études dans l’Ecole réservée aux jeunes des ethnies minoritaires de Lam Dong. Les autorités de l’école ont interdit à ces étudiants de se rendre à l’église pour le culte, y compris les jours des grandes fêtes comme pour Noël et Pâques. Ils ne leur permettent pas de détenir une bible dans leur chambre à coucher. Ces directives lèsent gravement nos étudiants. Nos enfants ne pourront continuer leurs études à l’université ou dans d’autres institutions de haut niveau, même s’ils y sont inscrits depuis plusieurs mois”.