Eglises d'Asie

UNE EGLISE RENOUVELEE EN ASIE : UNE MISSION D’AMOUR ET DE SERVICE

Publié le 18/03/2010




Déclaration finale de la 7e assemblée plénière

de la Fédération des Conférences épiscopales d’Asie (FABC)

“Je répandrai mon Esprit sur toute chair. Vos fils et vos filles prophétiseront, vos anciens auront des songes, vos jeunes gens des visions” (Jl, 3,1)

Prophétiser, rêver ses rêves, voir des visions – en ce temps du grand Jubilé, les paroles du prophète Joël animent nos cours. Nous, évêques de l’assemblée plénière de la FABC, nous nous tenons au seuil d’un nouveau siècle et d’un nouveau millénaire, le troisième depuis la naissance de notre Seigneur Jésus Christ, né de Marie, une femme d’Asie. Les merveilles que nous voyons nous incitent à remercier notre Dieu d’amour, Père, Fils et Saint Esprit.

Nous remercions car le propre fils de Dieu a réalisé pour nous le rêve et la vision d’une vie en abondance (Jn 10,10). Nous remercions car “l’amour de Dieu a été répandu dans nos cours par le Saint Esprit qui nous fut donné” (Rm 5,5) pendant cette assemblée spéciale du synode des évêques pour l’Asie. Nous remercions pour ce grand événement de notre siècle, le Concile de Vatican II, et pour la communion et la créativité pastorale qui ont été engendrées par la réu-nion régulière des Eglises d’Asie. A cet instant nous som-mes très reconnaissants pour l’événement ecclésial de cette assemblée spéciale pour l’Asie de ce synode des évêques, et pour l’exhortation apostolique Ecclesia in Asia, (EA).

L’assemblée plénière, avec ses 193 participants, incluait cinq cardinaux, 95 évêques (venant de 14 Conférences épiscopales et organes associés : deux évêques, un préfet apostolique et un supérieur de mission sui juris), des prêtres, des religieux et des laïcs.

Nous regardons ce siècle passé comme ayant connu le plus phénoménal progrès scientifique et technologique dans l’histoire de l’humanité. En ce siècle, les peuples d’Asie ont brisé le joug du colonialisme et ont pris leur place dans la dignité et la liberté, au centre de la scène humaine. Ces dix dernières années de développement sont riches de promes-ses, promesses d’un monde nouveau et merveilleux de solidarité humaine et de progrès. Les femmes sont en train de sortir de leurs rôles traditionnels et réclament maintenant leur légitime place dans la société et dans l’Eglise.

Cependant, pour les pauvres, et spécialement pour les femmes, liberté, progrès, mondialisation et les autres réalités qui affectent en ce moment les peuples d’Asie ne sont pas de purs bienfaits. Ils sont ambigus. De plus, en regardant ce siècle passé, nous nous souvenons qu’il fut un des plus meurtriers de l’histoire avec ses deux guerres mondiales et d’autres innombrables plus petites guerres. La mondialisation, non régie par des normes juridiques et éthiques, augmente les millions de ceux qui vivent sous le seuil de pauvreté. Elle accélère le processus de sécularisation. Elle apporte la consommation dans son sillage et menace les valeurs profondes des cultures d’Asie. A l’intérieur des sociétés asiatiques elles-mêmes, on trouve d’autres structures d’oppression, telles que le système des castes, les dictatures, l’exploitation des peuples indigènes et les dissensions internes. La corruption étendue à différents niveaux des gouvernements et des sociétés sont des réalités de la vie quotidienne.

Ainsi, dans l’année du Jubilé, nous nous sommes rassemblés ici à Samphran, en Thaïlande, pour réfléchir et percevoir. Comme Marie, nous gardons toutes ces choses dans nos cours. Et puis, venant des plus profonds espoirs et anxiétés de l’Asie, nous entendons l’appel de l’Esprit auprès des Eglises locales asiatiques. Un appel pour le renouveau, pour une mission d’amour et de service renouvelée. C’est un appel aux Eglises locales pour être fidèles à la culture asiatique, aux valeurs spirituelles et sociales et ainsi pour être vraiment des Eglises locales enracinées. L’appel de l’Esprit est intimidant. Mais n’est-ce pas le meilleur moment pour se souvenir des sacrifices de nos martyrs asiatiques qui tenaient compte de la mission donnée par le Christ à ses Apôtres pour aller et ne pas être effrayés, « Je suis avec vous pour toujours” (Mt 28,20) ? N’est-ce pas le meilleur moment pour rappeler ses paroles, “Sois sans crainte, petit troupeau, car il a plu à votre Père de vous donner le Royaume” (Lc 12,32) ?

Nous tenons compte de l’appel de l’Esprit venant à nous à travers l’assemblée spéciale pour l’Asie du synode des évêques à Rome en 1998 et de l’exhortation apostolique Ecclesia in Asia. Nous rêvons de partager notre foi en Jésus. Nous rêvons d’une foi à Jésus par qui Dieu nous sauve. Nous rêvons d’habiliter nos communautés à être hommes et femmes qui, bien sûr, donnent la vie en partageant avec leurs sours et frères en Asie l’abondante vie donnée par Jésus, qui, nous le croyons, est “la Vie”.

Nous rêvons de réconciliation entre les frères et sours d’Asie divisés par les guerres et les conflits ethniques. Nous exprimons notre solidarité avec tous nos frères et sours de Chine et des autres territoires où l’on n’a pas la liberté nécessaire pour vivre sa foi et remplir sa mission. Avec joie, nous accueillons les représentants des pays d’Asie centrale qui ont gagné récemment leur indépendance.

Première partie : Le renouveau de l’Eglise en Asie : vision et signification

A – Une vision de renouveau

L’aube du nouveau millénaire est un temps de crise. Cependant un temps de crise, comme nous le montrent les Ecritures et toute l’histoire de l’Eglise, est un temps de recommencements, de nouveaux mouvements. L’histoire des trente dernières années de la FABC a été une série de mouvements axés vers une Eglise rénovée. Nous notons huit mouvements qui ensemble constituent une vision asiatique d’une Eglise rénovée :

Un mouvement vers une Eglise pour les pauvres et une Eglise pour les jeunes. Si nous nous plaçons au côté des foules dans notre continent, nous devons dans notre manière de vivre partager quelque chose de leur pauvreté, “être les porte-parole pour les droits des défavorisés et des plus démunis, contre toutes les formes d’injustice”. Dans ce continent de jeunes, nous devons devenir, “en eux et pour eux, l’Eglise des jeunes” (Réunion des évêques d’Asie, Manille, Philippines, 1970).

Un mouvement vers une “véritable Eglise locale”, vers une Eglise “incarnée dans le peuple, une Eglise indigène et enracinée” (FABC – 2e assemblée plénière, Calcutta, Inde, 1978).

Un mouvement vers une profonde intériorité pour que l’Eglise devienne une “communauté profondément priante dont la contemplation soit insérée dans le contexte de notre temps et dans les cultures de nos contemporains”. Intégrée dans la vie quotidienne, “prière authentique qui doit engendrer dans les chrétiens un visible témoignage de service et d’amour” (FABC – 2e assemblée plénière, Calcutta, Inde, 1978).

Un mouvement vers une authentique communauté de foi. Totalement enracinée dans la vie de la Trinité, l’Eglise en Asie doit être une communion de communautés de participation et de coresponsabilité authentiques, une avec ses pasteurs, et reliée “aux autres communautés de foi et à l’unique et universelle communion” de la Sainte Eglise du Seigneur. Le mouvement en Asie vers des communautés ecclésiales fondamentales exprime le profond désir d’être une telle communauté de foi, d’amour et de service et d’être vraiment une “communauté des communautés” débouchant sur la construction de communautés fondamentalement humaines (FABC – 3e assemblée plénière, Bangkok, Thaïlande, 1982).

Un mouvement vers une évangélisation intégrale active, vers une nouvelle orientation de la mission (FABC – 5e assemblée plénière, Bandung, Indonésie, 1990). Nous évangélisons parce que nous croyons que Jésus est le Seigneur et le Sauveur, “le but de l’histoire humaine, . la joie de tous les cours, et l’accomplissement de toutes les aspirations” (Gaudium et Spes, 45). Dans cette mission, l’Eglise doit être le compagnon et le partenaire compatissant de tous les gens d’Asie, le serviteur du Seigneur et de tous les peuples d’Asie dans le voyage qui mène à la vie accomplie dans le Royaume de Dieu.

Un mouvement vers l’habilitation d’agir pour les hom-mes et les femmes. Nous devons développer les struc-tures d’une Eglise participante afin d’utiliser les talents personnels et les dons des laïcs, hommes et femmes. Habités par l’Esprit et grâce aux sacrements, les laïcs hommes et femmes doivent être participants dans la vie et la mission de l’Eglise en apportant la Bonne Nouvelle de Jésus dans les domaines concernant l’économie, la politique, l’éducation, la santé, les médias et le monde du travail. Ceci demande une spiritualité de disciple engageant clergé et laïcs à travailler ensemble dans leurs rôles respectifs pour la mission commune de l’Eglise (FABC – 4e assemblée plénière, Tokyo, Japon, 1986). L’Eglise ne peut pas être un signe du Royaume et de la communauté escha-tologique si les fruits de l’Esprit ne sont pas reconnus légitimement pour les femmes et si les femmes ne partagent pas “la liberté des enfants de Dieu” (FABC – 4e assemblée plénière, Tokyo, Japon, 1986).

Un mouvement vers l’engagement actif pour générer et servir la vie. L’Eglise doit répondre aux forces ayant à faire avec la mort en Asie. En étant disciple authentique, elle doit partager sa vision de pleine vie promise par Jésus. C’est une vision de la vie fondée sur l’intégrité et la dignité, avec compassion et soin attentif pour la terre ; une vision de participation et de réciprocité, avec un sens respectueux du sacré, de la paix, de l’harmonie et de la solidarité (FABC – 6e assemblée plénière, Manille, Philippines,1995).

Un mouvement vers un triple dialogue avec les autres croyances, avec les pauvres, avec les autres cultures, une Eglise “en dialogue avec les grandes traditions religieuses de nos peuples”, en fait en dialogue avec tous, en particulier avec les pauvres.

Ceci est la vision d’une Eglise renouvelée telle que la FABC l’a développée au cours des trente dernières années. C’est toujours d’actualité. Cependant nous continuons de chercher les défis plus profonds pour un renouveau – sa signification et sa dimension dans notre vie et mission en Asie.

B – La signification du renouveau

“Regardez, je fais toute chose nouvelle” (Ap 21,5). En Asie, nous ne cessons de découvrir que ce renouveau est l’ouvre de l’Esprit de Dieu. C’est l’Esprit du Seigneur “qui a rempli le monde” (Sg 1,7) et “renouvelle la face de la terre”. Nous devons être attentifs et ouverts aux mysté-rieuses incitations de l’Esprit dans les réalités de l’Asie et de l’Eglise. Dans les Ecritures, le renouveau est l’image de ce qui est qualitativement nouveau, totalement nouveau. Le renouveau renvoie principalement au salut forgé par Jésus Christ dans le Saint Esprit. Il s’adresse à toute chose et en tout temps – jusqu’à ce que l’Esprit ait recréé des nouveaux cieux et une terre nouvelle (Ap 21,1 et Is 65,17).

Nous sommes pris dans le dynamisme et la tension de ce qui existe déjà et de ce qui attend encore sa complète réalisation. Le renouveau est un don de Dieu de même que notre propre tâche. Dieu l’a déjà accompli comme le fruit de la mission de Jésus et de l’Esprit. Il est maintenant influent dans notre monde. Cependant, le renouveau est un cadeau attendant de devenir notre chose, de s’incarner dans la vie du monde, dans la vie des hommes et des femmes d’Asie, dans la vie de l’Eglise. L’Eglise a toujours besoin d’un renouveau intense pour sa vie et sa mission. Nous sommes une sainte Eglise nécessitant purification. Nous avouons que, par bien des cotés, nous avons failli dans notre vocation pour la mission d’amour et de service.

En tant qu’Eglise d’Asie nous choisissons :

– un renouveau qui a pour auteur Dieu, qui nous recrée dans l’Esprit de son Fils. Car Dieu dans le Christ nous a fait le sacrement d’une nouvelle humanité, signe et serviteur du renouveau. Tenant compte des paroles de St Paul, nous embrassons l’exigence morale de renouveau en se séparant de l’ancien moi et en allant témoigner de la nouvelle vie en Jésus par un amour désintéressé ;

– un renouveau tourné vers une spiritualité profonde et holistique et une intériorité qui reflète notre régénération dans l’Esprit de Jésus, notre nouveau chemin pour être Eglise ;

– un renouveau qui est un engagement missionnaire, repris avec une vigueur renouvelée et avec l’esprit de mission de l’Eglise, dans l’interaction créative avec les réalités de l’Asie ;

– un renouveau qui respecte la tradition mais suffisamment courageux pour englober un avenir qui grandit dans la fidélité à cette tradition ;

– un renouveau qui nous permet d’oser parler de Jésus et d’annoncer son don de vie nouvelle à notre monde asiatique fait de lumières et d’ombres ;

– un renouveau qui doit inclure, étant donné notre condi-tion humaine, non seulement la conversion des esprits et des cours mais aussi la conversion des structures dans lesquelles ceux qui ont été marginalisés par la société se voient donner un plus grand rôle de participation ;

– un renouveau qui est le projet de deux pôles, du clergé et des hommes et femmes laïcs travaillant ensemble d’une façon créative – d’en haut comme d’en bas – montrant ainsi le renouveau comme un signe d’authentique communion ;

– un renouveau qui célèbre la communion dans la diver-sité, témoignant de l’étonnante catholicité de l’Eglise ;

– un renouveau qui ne tient pas uniquement compte du nombre et du remplissage des églises, ni du nombre de services rendus. Ce qui compte de plus inestimable est l’identité ecclésiale et la qualité de notre témoignage comme serviteurs et disciples de Jésus et du Royaume de Dieu pour les peuples d’Asie.

Pour nous en Asie, renouveler l’Eglise, c’est être ouvert au mystère de l’Esprit, c’est accueillir la venue d’un Dieu toujours surprenant qui capturera nos cours émerveillés. Nous avons besoin pour cela d’être plus que de simples travailleurs au renouveau. Nous devons avoir l’imagination créative des poètes et des artistes, des admirateurs et des rêveurs, convenant à ceux qui ont reçu ces dons de l’Esprit de Dieu. C’est en faisant le renouveau que l’Eglise expérimente les surprises de Dieu. Percevant et connaissant Dieu, communiant avec lui dans l’expérience contempla-tive, l’Eglise expérimente le mandat de l’Evangile toujours en cours, dans une interaction dynamique avec les réalités complexes d’Asie.

Deuxième partie : Problèmes et défis dans la mission d’amour et de service

A – Mondialisation

Nous regardons l’évolution économique de l’Asie avec un grand intérêt pastoral. Une conscience critique de notre part des diverses et complexes réalités socio-économiques de l’Asie est essentielle (EA 5). Alors que le processus d’une mondialisation économique a apporté certains effets positifs, nous sommes conscients qu’il s’est développé au détriment des pauvres, tendant à pousser les pays les plus pauvres en marge des relations politiques et économiques. Nombre de pays asiatiques ne sont pas capables de se main-tenir dans une économie de marché mondialisé (EA 39). Les phénomènes de marginalisation et d’exclusion en sont les conséquences directes. Il a produit de plus grandes iné-galités parmi les peuples. Il a permis seulement à une petite portion de la population d’améliorer son niveau de vie, laissant beaucoup à leur pauvreté. Une autre conséquence est l’excessive urbanisation, menant à l’émergence d’agglo-mérations urbaines énormes et, comme résultat de la migration, crimes et exploitation des plus faibles.

Nous sommes conscients que “la mondialisation culturelle” passant par l’overdose des médias de masse “conduit rapidement les sociétés asiatiques dans une culture de consommation mondialisée qui est à la fois profane et matérialiste”, minant ou causant l’érosion des valeurs sociales traditionnelles, culturelles et religieuses qui ont nourri l’Asie. Un tel processus est un grand danger pour les cultures asiatiques et les religions, aboutissant à un “dommage incalculable” (EA 7).

Ainsi, la mondialisation est un problème éthique et moral que nous, en tant qu’Eglise, aurions tort d’ignorer.

B – Fondamentalisme

Nous prenons douloureusement connaissance de la montée d’un fondamentalisme religieux, ou mieux, d’un extré-misme, qui continue de diviser les sociétés asiatiques et de faire souffrir notre peuple. Une Eglise renouvelée encouragera chrétiens et chrétiennes à participer pleinement aux activités sociales et culturelles, au niveau local aussi bien que national, pour établir un rapprochement entre les communautés et construire l’harmonie. En Asie, les chrétiens vivent dans des sociétés multi-confessionnelles ; et dans tous les pays d’Asie, excepté aux Philippines et à Timor-Oriental, ils forment une petite minorité. L’Eglise doit partager avec les autres responsables religieux la vision de Vatican II d’un retour aux sources, et les aider à tirer substance de leurs propres racines en ces temps de mondialisation qui amène partout chaos et confusion. Nous devons nous efforcer de promouvoir les droits de l’homme pour tous, sans tenir compte de caste, couleur, croyance ou religion, en élevant nos voix contre toutes ces violations.

C – La situation politique

Bien que l’Asie soit libre de toute colonisation extérieure, et que la plupart de ses pays ont une sorte de gouvernement démocratique, ils ne suivent pas le même modèle de démocratie. Les résultats des élections sont parfois questionnables. Fréquemment, après des élections, les gouvernés ont très peu à dire dans la manière de gouverner. Certains vont même jusqu’à caractériser la situation comme un détournement de démocratie. Une situation courante veut que ceux qui sont élus recherchent leurs intérêts personnels. La plupart des gouvernements arrivent au pouvoir grâce à des alliances avec d’autres partis, souvent sans le clair mandat du peuple. De plus, il y a une tendance vers la centralisation du pouvoir et des prises de décision. La corruption envahissante est une réalité aux différents niveaux des gouvernements. Dans certains pays, la vie toute entière est politisée, touchant chaque secteur, rendant l’implémentation impossible. Les gouvernements sont obligés d’adopter des politiques et des pratiques telles que les politiques d’ajustement structurelles dictées par le FMI, la Banque mondiale et l’OMC. Ces politiques sont dénuées d’humanité et de préoccupations sociales. Le modèle de développement économique encouragé par les entreprises transnationales en Asie n’est pas acceptable.

D – L’écologie

Si nous regardons le développement encouragé en Asie et son impact sur l’environnement, nous voyons une constante permanente détérioration de notre environnement, résultat d’une pollution non contrôlée, d’une pauvreté avilissante, de la déforestation, etc. Le pire advient quand certains pays d’Asie deviennent des décharges de déchets toxiques, des lieux de production pour des industries dangereuses, utilisant des procédés industriels sans soucis de l’environnement. Même s’il y a des normes, les agences gouvernementales de contrôle de l’environnement ne sont pas à même de faire respecter de telles normes.

E – La militarisation

La militarisation croissante des sociétés, encouragée par les gouvernements et les “marchands de mort”, est un autre défi. La construction de la paix, incluant le désarmement, devient impérative, appelant des réponses urgentes aux problèmes tels que l’interdiction des mines, le commerce des armes légères et la prolifération du nucléaire. Etant donné la nature des conflits armés dans de nombreux pays d’Asie, la prévention des conflits, ainsi que leur solution, constitue un défi crucial. Les religions asiatiques, incluant le christianisme, doivent contribuer à construire la paix. C’est un domaine privilégié pour dialoguer avec les religions et les cultures pour conduire à la réconciliation.

Troisième partie : Le défi du discernement de la voie asiatique

L’Asie est une mosaïque culturelle étincelante par sa riche diversité. Cela vaut pour l’Eglise catholique. Les Eglises locales présentent une splendide variété dans leur origine, histoire, situation culturelle et socio-politique, identité ecclésiale et croissance. Evidemment, les défis pastoraux qui se posent à l’Eglise en Asie sont également divers. Cependant, une mission commune les unis tous : proclamer “la Bonne Nouvelle de Jésus Christ par le témoignage chrétien, actions de charité et de solidarité humaine. Les nombreux éléments positifs trouvés dans les Eglises locales fortifient notre attente d’un ‘nouveau printemps de vie chrétienne'” (EA 9).

Face à un tel défi, nous reconnaissons avec espoir « une prise de conscience grandissante de la capacité des peuples en Asie, pour changer les structures injustes”, une conscience qui ne fait que grandir et qui demande plus de justice sociale, plus de participation politique et économique, des chances égales et plus de détermination à sauver la dignité de l’homme et ses droits. Des groupes minoritaires recherchent dans la discrétion les moyens pour devenir les agents de leur propre avancement social. En eux, nous voyons l’Esprit de Dieu à l’ouvre dans les efforts et les conflits “pour transformer la société de telle sorte que l’aspiration humaine à une vie plus abondante puisse être satisfaite comme Dieu le veut” (EA 8).

Le renouveau pour une mission d’amour et de justice demande une nouvelle compréhension et un nouvel engagement. Après une écoute mutuelle, nous avons réalisé que quelque chose de nouveau se faisait jour. Pendant trente ans, nous avons essayé de reformuler notre identité chrétienne en Asie ; nous avons abordé divers problèmes, l’un après l’autre : évangélisation, enracinement, dialogue, “asianisation” de l’Eglise, justice, option pour les pauvres, etc. Aujourd’hui, après trois décennies, nous ne parlons plus en distinguant chaque problème. Nous abordons les besoins présents qui sont énormes et de plus en plus complexes. Ces problèmes ne sont pas des sujets à discuter séparément, mais ils sont les aspects d’une approche intégrée pour notre mission d’amour et de service. Nous avons besoin de sentir et d’agir « en totalité”. Faisant face aux besoins de ce 21e siècle, nous le faisons avec des cours asiatiques, en solidarité avec les pauvres et les marginalisés, en union avec tous les frères et sours chrétiens, et en joignant les mains avec tous les hommes et femmes d’Asie de croyances différentes. Acculturation, dialogue, justice et option pour les pauvres restant nos orientations quoique nous fassions.

Nous nous engageons pour la naissance de “l’asianisa-tion” de l’Eglise qui doit être l’incarnation de la vision et des valeurs asiatiques, en particulier l’intériorité, l’harmonie, l’approche holistique et globale de chaque secteur de la vie. Nous sommes aussi convaincus que, seulement par « l’autorité intérieure” de vies authentiques fondées sur une profonde spiritualité, nous deviendrons les instruments crédibles d’une transformation. Ceci est important car nos contacts avec les autres traditions religieuses doivent se situer à une certaine profondeur, et non pas juste à un niveau d’idées ou d’action. Nous sommes conscients que cette “asianisation”, fondée sur de solides valeurs, est un don particulier que le monde attend. Parce que le monde entier a besoin d’un paradigme holistique pour faire face aux défis de la vie. Pour cette tâche, ensemble avec tous les Asiatiques, l’Eglise, une petite minorité dans ce vaste continent, a une contribution spécifique à apporter, et cette contribution est la tâche de toute l’Eglise en Asie. Nous croyons en une pensée spirituelle innée et une sagesse morale de l’âme asiatique ; ceci est le noyau autour duquel la perception grandissante “d’être asiatique” se construit. Cet “être asiatique” se découvre et s’affirme d’autant mieux dans un esprit de complémentarité et d’harmonie, plutôt que dans la confrontation et l’opposition. Dans ce cadre de complémentarité et d’harmonie, l’Eglise peut communiquer l’Evangile tout en restant fidèle à sa propre tradition et à son âme asiatique (EA 6).

A – Les soucis pastoraux

Vu que les contextes de la vie des gens sont divers dans le continent asiatique, c’est à chaque communauté ecclésiale sous la conduite de sa Conférence épiscopale de discerner les priorités pastorales de sa région. Cependant, en cette assemblée plénière, nous avons identifié certains groupes de gens vers lesquels nous devons plus spécialement orienter notre mission d’amour et de justice, et qui sont, en même temps, également partenaires dans cette mission. Ce sont les jeunes, les femmes, la famille, les indigènes, les immigrés par voie de mer ou de terre, et les réfugiés.

Les jeunes

L’Asie est généralement connue comme le continent des jeunes, étant donné que les jeunes forment la majorité de la population. Les jeunes sont la réalité d’aujourd’hui et non pas seulement l’espoir de demain. Ils sont une source d’énergie et de vitalité dans la société et dans l’Eglise. En même temps, ce sont les plus vulnérables et les victimes des structures d’exploitation dans notre monde. La situation des jeunes doit être comprise en tenant compte des réalités complexes dans lesquelles ils vivent. Les changements rapides et drastiques qui prennent place dans notre monde – mondialisation, changements politiques et explosion des médias – affectent radicalement la vie des jeunes partout en Asie. Jeunes de tous les milieux, urbains et ruraux, pauvres et riches, éduqués et non éduqués, employés et sans emploi, les organisés et les non organisés, tous sont ballottés par les vagues de la culture contemporaine. Les problèmes de ces jeunes ont besoin d’être abordés collectivement, en accompagnant les responsables de mouvements de jeunes.

Le nouveau millénaire nous attend avec espoir, ouverture et optimisme à cause des vraies ressources de nos jeunes qui leur donnent la possibilité de s’occuper de l’évangélisation, du leadership, du chômage, du pouvoir des femmes et de l’harmonie communautaire afin de pouvoir établir le règne de Dieu fondé sur la justice et la paix. Si l’Eglise marche avec les jeunes, de nombreux nouveaux horizons d’amour et de service s’ouvriront et les objectifs propres à leur soin (camaraderie, formation et service, .) se réaliseront. La nouvelle façon d’accompagner les jeunes est de voir en eux des ressources et non des problèmes ; de faciliter leur apprentissage en partant de leur expérience et non pas des réponses toutes faites ; d’impliquer davantage ces jeunes dans les prises de décisions, et non pas de s’en tenir à réaliser les décisions prises par d’autres. C’est seulement quand les jeunes sont reconnus comme agents et ouvriers de la mission d’évangélisation de l’Eglise que leur potentiel s’épanouira.

Les femmes

Nous reconnaissons que les cultures d’Asie valorisent la famille et les relations familiales. Cependant, on constate partout une discrimination contre les bébés de sexe féminin, la violence et les abus envers les femmes et les filles dans la famille, et un manque général de respect pour la vie. Certains préjugés culturels et les traditions ont une forte influence sur la façon dont la société et les communautés traitent les femmes. L’Eglise peut elle-même aborder ces problèmes en créant des structures efficaces de conscienti-sation, d’aide juridique, de défense des droits, en étant con-cernée par la violence exercée envers les femmes. Nous prenons Jésus comme exemple dans une nouvelle démarche pour et avec les femmes. S’opposant à la culture dominante de son temps, courageusement, Jésus accepta et reconnut l’égalité des femmes, leur dignité et leurs talents. Sa grande sensibilité et son respect pour les femmes sont une invita-tion à une profonde conversion pour l’Eglise et la société.

La famille

La famille incarne pour ses membres le mystère de la Trinité au cour de notre monde. Elle peut être appelée un “sacrement” de l’amour de Dieu et est en fait l’Eglise familiale. Elle est l’école et le sanctuaire d’amour où les êtres humains connaissent l’amour et apprennent l’art d’aimer et de prier. L’Asie a une tradition millénaire de grand respect pour le don de la famille ; elle est le support de l’héritage de l’humanité et son avenir. Elle est aussi le berceau de la formation de la foi et l’école des valeurs évangéliques, la première arène pour la socialisation et le développement de l’enfant. “La famille n’est pas seulement l’objet du souci pastoral de l’Eglise ; elle est aussi pour l’Eglise l’un des agents d’évangélisation les plus efficaces” (EA 46). Aussi le renouveau dans l’Eglise doit commencer avec la famille.

A ce moment de l’histoire, nous observons malheureuse-ment les cassures de la famille dans beaucoup de régions dans notre continent, spécialement dans les centres urbains. Nombreuses sont les forces déployées contre la sainteté et la ténacité des valeurs de la vie familiale. Individualisme, hédonisme, matérialisme, consumérisme, intervention de l’Etat, mentalité contraceptive et style de vie technologique, affectent d’une façon hostile la stabilité du mariage et de la vie familiale, compromettant la stabilité de notre société et de ses valeurs.

Les indigènes

Les peuples indigènes forment une section significative de la société et de l’Eglise en Asie. Ces communautés anciennes et très soudées ont préservé de nombreuses importantes valeurs humaines et sociales. Aujourd’hui, dans de nombreux pays d’Asie, leur droit d’habiter est menacé et leurs champs sont abandonnés ; eux-mêmes sont assujettis à l’exploitation économique, exclus de la participation politique et réduits au statut de citoyens de deuxième classe. La “dé-indigénéisation”, un processus d’aliénation imposée vis-à-vis de leurs racines sociales et culturelles, est même une politique volontaire (mais gardée secrète) dans nombre d’endroits. Leurs cultures sont sous la pression des cultures dominantes et des “grandes traditions”. Beaucoup de projets pour l’exploitation des minerais, des forêts et des réserves d’eau, souvent là où les populations tribales vivaient, se sont souvent faits au détriment des indigènes.

Dans notre société contemporaine, où il y a une érosion constante des valeurs traditionnelles asiatiques, les communautés indigènes d’Asie peuvent jouer un rôle important. Proches de la nature, ils gardent les valeurs d’une vision cosmique de la vie, une société démocratique sans la division en castes. Ils ont gardé simplicité et hospitalité. Leurs valeurs et leurs cultures peuvent offrir une vue correctrice pour les communautés dominantes et le génie consumériste et matérialiste de nos sociétés modernes.

Les migrants par voie de mer ou de terre et les réfugiés

Parmi les changements rapides qui ont pris place au sein des sociétés asiatiques, nous observons avec un grand intérêt le phénomène d’une migration sans précédent et des mouvements de réfugiés. C’est “un phénomène social majeur, exposant des millions de personnes à des situations économiquement, culturellement et moralement difficiles. Les gens émigrent à l’intérieur de l’Asie et hors de l’Asie vers d’autres continents pour beaucoup de raisons, parmi lesquelles la pauvreté, la guerre et les conflits ethniques, la négation de leurs droits humains et de leurs libertés fondamentales” (EA 7). D’autres raisons sont l’établissement de complexes industriels énormes dirigés selon la trilogie coût-rentabilité-profit, visant uniquement les intérêts économiques des entreprises nationales et internationales. Les immigrés connaissent les effets destructeurs de l’immigration dans leur vie personnelle et familiale, dans leurs valeurs sociales et culturelles.

Le nombre alarmant d’immigrés, de réfugiés, de personnes déplacées et les problèmes économiques, culturels, reli-gieux et moraux qui émergent sont certainement un défi pastoral pour l’Eglise, réclamant une réponse pastorale adéquate et urgente. A la lumière de l’enseignement de l’Eglise, nous affirmons que l’immigration et les mouve-ments de réfugiés qui aboutissent à la dépersonnalisation, à la perte de la dignité humaine et à la séparation des familles, sont des problèmes moraux qui défient la cons-cience de l’Eglise et de nos nations asiatiques. En ce qui concerne l’Eglise en Asie, cela pose des défis urgents pour élaborer de vivifiants programmes d’action orientés vers le service au sein de sa mission pastorale. L’Eglise doit donner la main à tous ceux qui se sentent concernés par les droits des immigrants et de leur situation, se souvenant que les immigrés eux-mêmes doivent être les principaux agents du changement.

B – Les idées maîtresses de notre réponse

Quand nous en venons à considérer la réponse de l’Eglise à tous ces défis et aux autres problèmes, une approche crédible et intégrée s’impose. Si nous osions ajouter quelque chose aux paroles de St Paul au sujet des commencements de la foi, nous dirions, dans une perspective asiatique : “La foi vient de l’écoute et du voir”. Nous pourrions facilement trouver la source de nombreuses conversions dans le témoignage vivant d’authentiques chrétiens, qu’ils soient clercs ou laïcs.

La recherche asiatique pour l’Ultime s’est fait sentir et a été fréquemment exprimée dans nos méditations et discussions. Nous serons de crédibles témoins pour nos frères et sours d’Asie seulement s’ils sentent que nous avons fait l’expérience de cet Ultime.

Notre approche doit être intégrée. Nos Eglises en viennent à cette conviction nouvelle que ses agents de service et de ministère ne peuvent plus être isolés en groupes spécialisés. La communauté tout entière, chaque groupe, chaque personne avec qui nous avons un rapport dans le service, est un agent pour l’évangélisation. Nous réalisons que, précisément parce que c’est l’Esprit qui finalement invite, dirige et renforce chacun de nous pour la mission, cette mission ne peut pas prendre place en dehors de la réciprocité et de l’échange. De plus, les problèmes et les besoins qui nous font face ont atteint un tel volume et une telle complexité qu’ils dépassent les aptitudes, les capacités et les ressources des individus, des communautés et des Eglises. Ocuménisme et dialogue avec les autres religions sont devenus essentiels pour n’importe quel ministère que nous entreprenons. Cette compréhension partagée a également souligné le caractère d’échange mutuel de notre ministère et service. Il n’y pas de véritable service s’il n’est pas accompli en collaboration, en engageant activement l’autre personne (ou communauté) s’il ne devient pas un véritable échange de dons selon le vrai sens de la théologie charismatique de St Paul.

Un des meilleurs moyens pour aider et autoriser l'”autre”, quel qu’il soit, se basera sur notre habilité à reconnaître ses dons et sa sagesse, les profondes capacités humaines cachées qu’il porte en lui-même au cour de sa recherche, de sa souffrance, pauvreté ou ségrégation.

Ainsi nous reconnaissons avec gratitude et admiration la contribution généreuse et disponible des femmes, des jeu-nes, et des personnes consacrées. De plus, dans ce continent de l’Asie où l’on aime et respecte les plus anciens, nous re-connaissons aussi les aînés comme des personnes de foi et d’humanité, pleins d’énergie, d’expérience et de maturité. Nous les invitons à mettre leurs capacités au service de la mission du Christ dans l’Eglise et la société.

C – Quelques orientations pratiques

Le meilleur moyen d’évangélisation et de service au nom du Christ a toujours été et continue d’être le témoignage de vie. L’expression de notre foi dans le partage et la compassion (sacrement) supporte la crédi-bilité de notre obéissance au Verbe (proclamation). Ce témoignage doit devenir le chemin évangélique pour les personnes, les institutions et toute la communauté ecclésiale. Les Asiatiques reconnaîtront l’Evangile que nous annonçons quand ils verront dans nos vies la transparence du message de Jésus et l’image inspirante et apaisante d’hommes et de femmes immergés en Dieu.

Nous considérons la formation de ceux qui évangélisent – laïcs, prêtres et religieux – comme cen-trale et cruciale dans le processus “d’asianisation” et dans l’accomplissement de notre mission d’une façon asiatique. “Dans le passé, la formation a souvent suivi le style, les méthodes et les programmes importés de l’Occident.” (EA 22). Ce qui se fait et doit continuer de se faire sans tarder est « d’adapter la formation aux contextes culturels de l’Asie” et au milieu social, économique et religieux où le ministère doit s’exercer. La formation qui facilitera l’arrivée de ministres et d’évangélisateurs capables de construire une nouvelle façon d’être Eglise en Asie, doit prendre place dans l’Eglise locale, dans le contexte et à l’intérieur de la plus large communauté. Elle doit être entreprise avec l’adhésion et la participation des différentes sections de l’Eglise. La question de la formation permanente de tous les évangélisateurs (évêques, prêtres, religieux et laïcs) mérite une attention toute spéciale. Dans les programmes de formation s’adressant aux laïcs, il doit y avoir des laïcs hommes et femmes aux cotés des prêtres et religieux.

De même dans la formation des futurs prêtres et des religieux, et dans leur formation permanente, le partenariat de laïcs compétents doit être assuré pour qu’une telle formation s’adapte à la réalisation d’une Eglise participante. A moins que la communauté toute entière ne soit impliquée dans le processus de formation, nous ne pouvons atteindre le but que nous nous sommes fixé : une image asiatique de l’Eglise. (Une telle image de l’évangélisateur asiatique est formulée par Jean Paul II dans Ecclesia in Asia).

De plus, les gens en Asie veulent voir leurs pasteurs non pas comme des administrateurs d’institutions et des pourvoyeurs de services, “mais comme des personnes dont les pensées et les cours reposent sur les profondes choses de l’Esprit” (Rm 8,5). L’Eglise doit répondre au respect que les Asiatiques ont pour ceux qui exercent l’autorité avec une claire droiture morale dans les responsabilités du ministère dans l’Eglise (EA 43). Les formateurs doivent promouvoir une “compréhension en profondeur des éléments de spiritualité et de prière inhérents à l’âme asiatique, et à se laisser entraîner plus intensément dans la recherche à laquelle se livrent les peuples d’Asie en vue d’une vie plus pleine” (EA 22).

La primauté de l’Esprit, qui caractérise l’Asie, a besoin de trouver une expression concrète dans tous les programmes de formation. “En Asie, siège de grandes religions, où les personnes et des peuples entiers ont soif du divin, l’Eglise est appelée à être une Eglise de prière, profondément spirituelle bien qu’elle soit engagée dans des préoccupations humaines et sociales immédiates. Tout chrétien a besoin d’une authentique spiritualité missionnaire de prière et de contemplation.” (EA 23).

La mission d’évangélisation de l’Eglise est profondément affectée par l’impact des mass media et des nouvelles technologies de communication. Néanmoins, les médias peuvent grandement aider dans la proclamation de l’Evangile jusqu’aux limites du continent, tel que cela se fait aujourd’hui par Radio Veritas à l’initiative de la FABC. Cependant, ce n’est pas suffisant d’utiliser les médias simplement pour répandre le message chrétien et l’enseignement authentique de l’Eglise. Il est nécessaire d’intégrer ce message dans la “nouvelle culture” créée par les communications modernes (EA 18).

L’engagement sérieux et inspiré par la foi des professionnels dans la vie publique est essentiel pour la construction de la société. Ainsi, les professionnels deviennent les témoins au sein de leur milieu social, de leurs collègues, clients et bénéficiaires. La tâche de l’Eglise de promouvoir justice, paix et développement humain, de sauvegarder aussi les droits de l’homme, sera plus efficace quand les hommes politiques, les planificateurs et les dirigeants seront correctement informés des aspects moraux et humains de leur carrière ou de leur service professionnel. C’est là que les hommes politiques, les hommes d’affaires, les fonctionnaires, les dirigeants et les autres actifs catholiques ont une mission spéciale. Qu’ils ouvrent les portes de leur cabinet ou de leurs chambres de commerce au Christ pour renouveler et sanctifier l’ordre temporel. Les pasteurs doivent aussi leur permettre d’enrichir l’Eglise par leur expertise, conseils et expérience. D’un autre coté, la spécialisation dans des domaines variés a laissé la plupart des professionnels catholiques avec une connaissance de la foi inadéquate comparée au niveau de leur éducation. Nombreux sont ceux qui sont à peine au courant de l’enseignement social de l’Eglise. Aussi, “les responsables chrétiens dans l’Eglise et dans la société, spécialement les laïcs hommes et femmes ayant une responsabilité dans la vie publique, ont besoin d’être bien formés à cet enseignement, de sorte qu’ils puissent inspirer et animer la société civile et ses structures avec le levain de l’Evangile.” (EA 32).

L’assistance juridique est devenue une méthode et un puissant moyen pour répondre aux problèmes et défis mis à jour pendant cette 7e assemblée plénière. La société civile en Asie la pratique déjà. Les évêques ont un rôle important dans ce domaine et doivent le prendre en tant que priorité pastorale. Fondé sur les impératifs éthiques et moraux que l’on trouve dans l’enseignement social de l’Eglise, l’assistance juridique doit s’exprimer clairement. En particulier, l’accent sur le bien commun peut être une base pour cette assistance vu que nous rejoignons les hommes et femmes d’autres croyances. Les Conférences des évêques qui constitue la FABC doivent adopter l’assistance juridique pour le bien commun, en fonction des circonstances actuelles.

L’éducation dans ses différentes formes – formelle, informelle, paroissiale, publique et privée – a beaucoup contribué à la maturité et à la formation de la personnalité. Dans chaque problème et défi que nous rencontrons, il y a les dimensions de l’humanisme chrétien, de la croissance mentale et spirituelle qu’une perspective chrétienne peut aider à se développer. Les éducateurs catholiques, dans le dialogue professionnel et créatif avec les membres des autres religions et des autres communautés chrétiennes, sont appelés à être compagnons et guides dans le processus en cours de cette croissance. Ceci s’étend à toutes les étapes de la croissance humaine, et est aussi une dimension du service pastoral de l’Eglise, qui doit exprimer dans les programmes adaptés de formation permanente pour ses propres membres et pour le public dans son ensemble. De plus, les éducateurs doivent se souvenir qu’un élément essentiel de n’importe quel programme éducatif est la formation des valeurs.

Pour notre mission d’amour et de service, les autres moyens effectifs continueront d’être les communautés ecclésiales de base (BEC), les petites communautés fondées sur l’Evangile et les mouvements d’Eglise. La vision de la “nouvelle façon de devenir Eglise”, encouragée par la FABC, prouve être une très bonne aide à la croissance et au développement des BEC et mérite notre attention et notre aide. Les mouvements d’Eglise, dûment discernés par l’Eglise locale en accord avec sa hiérarchie, peuvent aussi offrir des contributions créatives et spécifiques à l’Eglise.

Dans ce ministère d’amour et de service varié, exigeant et global, la naissance et le développement de groupes spécifiques qui se dévouent au service de Dieu, de son Royaume et de l’Eglise continueront d’être une tâche importante de la hiérarchie. Ici, nous mentionnons les différents groupes des personnes consacrées, les sociétés missionnaires nées en Asie, et les nombreux laïcs qui offrent d’importantes années de leur vie pour un travail missionnaire ou pour d’autres volontariats.

Enfin, l’échange de personnel et d’autres ressources sous différentes formes, telles que les prêtres Fidei Donum, “le jumelage” des diocèses, le parrainage, les opportunités de formation-éducation et autres, sont des supports pour l’ensemble de la mission de l’Eglise.

Conclusion

Alors que nous célébrons le grand Jubilé de la naissance de Jésus Christ notre Sauveur, et que les Portes Saintes des églises sont ouvertes, nous portons notre attention sur l’image de la porte et redécouvrons avec plaisir notre appel à entrer dans la communauté des disciples du Christ et de partager sa mission et sa vie. C’est là de l’autre coté des portes que nous entendons sa parole rassurante et encourageante. Pendant, ces jours de réunion mutuelle il en fut ainsi pour nous : nous avons entendu son souffle dans tout ce que nous avons partagé. C’est à travers les mêmes portes que nous allons maintenant dans le monde des peuples de l’Asie, dans leurs joies et leurs combats, qui sont aussi les nôtres.

Ici à Samphran, nous avons partagé nos vies, nos espoirs et difficultés, et nous avons été fortifiés par l’Esprit, l’amour mutuel et l’amitié dans notre rencontre. Nous rassemblons tous nos souvenirs dans les Ecritures et dans l’Eucharistie en ouvrant nos cours au Christ et à l’autre.

Confiante dans le Seigneur qui n’abandonne pas ceux qu’il a appelés, l’Eglise en Asie prend joyeusement son chemin de pèlerin qui aborde le troisième millénaire. Sa seule joie est de partager avec la multitude des peuples d’Asie l’immense don qu’elle a reçu – l’amour de Jésus le Sauveur. Son unique ambition est de continuer sa mission de service et d’amour, afin que tous les Asiatiques aient la vie et l’aient en abondance (EA 50).

Dans cette mission nous tirons inspiration et force de Marie, la Mère de l’Eglise, qui en hâte vint à la maison d’Elizabeth pour proclamer la Bonne Nouvelle – Jésus Christ le Sauveur.