Eglises d'Asie

La communauté bouddhiste de la pagode “du pilier unique” s’insurge contre les ingérences du pouvoir civil dans la vie religieuse

Publié le 18/03/2010




Un dossier concernant les ingérences des autorités civiles dans les affaires religieuses de la très célèbre pagode Môt Côt (pagode du pilier unique) de Hanoi a été envoyé par les intéressés aux responsables du bouddhisme unifié à Hô Chi Minh-Ville, qui l’ont eux-mêmes fait parvenir en occident. Entre autres pièces, le dossier comporte une lettre signée des autorités du Comité populaire de l’arrondissement de Ba Dinh et adressée au vénérable Thich Thanh Khanh. Au nom de l’Association bouddhiste de la ville, reconnue officiellement par l’Etat vietnamien, elle le somme d’expulser hors de la pagode avant le 30 avril 2000 un des moines de la communauté, le vénérable Thich Tâm Kiên. Cette ingérence du pouvoir civil dans la vie interne d’une communauté religieuse a d’autant plus irrité les milieux bouddhistes de la capitale qu’il ne s’agissait pas de la première intervention de ce genre.

Déjà en juillet 1999, le même Comité populaire d’arrondissement avait publié un décret nommant un certain Thich Thanh Phuc supérieur de la pagode Môt Côt en remplacement de l’actuel responsable, le vénérable Thich Thanh Khanh. Aucune consultation n’avait été entreprise auparavant et aucune raison n’était donnée à cette décision pour le moins inattendue. Deux mois plus tard, le 4 octobre 1999, un autre document émanant des mêmes autorités civiles exigeait une première fois le départ immédiat hors de la pagode du vénérable Thich Tâm Kiên, sous le prétexte qu’il aurait violé la règle religieuse et que sa présence déshonorait la pagode. Le lendemain, un autre document du Comité populaire expliquait que le remplacement du supérieur actuel Thich Thanh Khanh s’imposait à cause de son grand âge.

A l’intérieur de la pagode comme à l’extérieur, les réactions à ces diverses interventions du pouvoir civil furent très vives. Le supérieur, dans une première lettre envoyée aux autorités dénia toute légalité aux décisions prises par le Comité populaire concernant sa pagode. Une requête rédigée par l’ensemble des fidèles de la pagode fut ensuite envoyée aux autorités civiles et religieuses ainsi qu’à la presse de la capitale. Elle déclarait d’emblée que les décisions du Comité populaire étaient illégales et de surplus dépourvues de toute culture La lettre s’appuyait ensuite sur le récent décret 26/NDCP pour affirmer que les autorités civiles avaient le droit d’approuver ou de refuser une nomination de religieux, mais non pas de procéder, elles-mêmes à la nomination, comme elles voulaient le faire. Le vénérable Thich Thanh Khanh, l’actuel supérieur, avait été désigné comme tel par son prédécesseur peu avant sa mort, une désignation ratifiée ensuite lors d’une réunion qui s’était tenue à la pagode, où des représentants des pouvoirs civils étaient présents. A la même réunion, le vénérable Thich Tâm Kiên, dont les autorités exigent aujourd’hui l’expulsion, avait été nommé gestionnaire de la pagode.

Cette réaction publique est la première connue de la communauté bouddhiste du Nord-Vietnam après une période de plus de 45 ans de silence. Elle aurait été envenimée par la crainte que les diverses mesures des autorités civiles concernant la très touristique pagode Môt Côt, qui date du XIe siècle, ne fassent partie d’un plan destiné à mettre la main sur cet établissement. Déjà, affirme-t-on, en 1986 – 1987, il avait été question de la transformer en musée Hô Chi Minh.

La pagode du pilier unique fut construite en 1049 à la demande du roi Ly Thai Tông qui, pendant un rêve, avait vu la Bodhisattva Quan Am (en chinois Kouan Yin) siégeant sur un nénuphar lui présenter un enfant. Pour rappeler ce rêve, l’édifice fut construit sur un pilier de pierre représentant une fleur de lotus.