Eglises d'Asie

Moluques : l’intervention de musulmans “combattants de la guerre sainte” provoque de nouveaux heurts sanglants à Amboine et dans sa région

Publié le 18/03/2010




Comme il était à craindre (17), de violents et meurtriers affrontements ont eu lieu à Amboine, capitale de la province des Moluques, entre des musulmans, épaulés par environ deux mille “laskar jihad » (les Forces de la guerre sainte) en provenance de Java, et des chrétiens. Ces heurts entre les deux communautés, profondément divisées depuis le début des violences aux Moluques en janvier 1999 (18), ont fait au moins 40 morts et plusieurs dizaines de blessés entre le lundi 16 mai et le samedi 20 mai. De nombreuses maisons ont été incendiées et deux églises détruites. Le calme est revenu à Amboine mais la situation y reste volatile. Depuis, des affrontements ont été signalés aux Moluques septentrionales. Des chrétiens d’Amboine ont appelé les Nations Unies à intervenir sur le terrain afin de garantir la sécurité des Moluquois et ont mis en cause certaines unités de l’armée, les accusant de ne pas avoir été neutres dans ces nouvelles violences.

Selon Sammy Waileruni, un protestant appartenant à l’Eglise de Maranatha, les différentes Eglises protestantes d’Amboine ont faxé le 19 mai un appel au Conseil de sécurité de l’ONU appelant à l’envoi d’une force d’interposition aux Moluques. Nous avons aussi demandé aux Nations Unies d’enquêter à propos de l’engagement d’Amien Rais (dirigeant de la ligue musulmane Muhammadiyah et président de l’Assemblée consultative du peuple) dans le mouvement de la djihad. Nous croyons fermement qu’il est derrière la présence de combattants de la guerre sainte à Amboine », a encore précisé Sammy Waileruni. Selon divers témoignages, les violences ont éclaté lorsque les musulmans d’Amboine se sont sentis en position de force après l’arrivée au début du mois de mai aux Moluques de 2 000 laskar jihad équipés d’armes automatiques.

Ces affrontements ont obligé les autorités indonésiennes à renforcer la présence de l’armée aux Moluques. Plusieurs centaines d’hommes de troupe en provenance de Sumatra ont été transportés par avion à Amboine. Dans la nuit du 19 au 20 mai, le chef d’état-major des armées, l’amiral Widodo Adisucipto, accompagné du chef national de la police et du responsable des services secrets, s’est rendu en personne à Amboine. Le samedi 20, un porte-parole de l’armée à Amboine, le colonel Iwa Budiman, a mis en garde ces combattants du djihad, les menaçant de les éliminer s’ils ne cessaient pas leurs activités. Il a aussi précisé : Les autorités gouvernementales à Java auraient empêcher cette force du djihad de se rendre aux Moluques. (.) Ces combattants clament qu’ils sont pour accomplir une mission religieuse mais ce qu’ils font sur le terrain contredit ce qu’ils disent ». Par ailleurs, le 26 mai, lors d’un entretien à l’AFP, Saleh Latuconsina, gouverneur de la province des Moluques, musulman lui-même, a déclaré que ces combattants, selon lui, n’étaient pas parvenus jusqu’aux Moluques sans aide : Les laskar jihad sont liés à certains cercles politiques. Sans cela, ils n’auraient jamais pu parvenir jusqu’à Amboine sans que personne ne les arrête », a-t-il précisé, en ajoutant que des proches de Suharto, l’ancien président de l’Indonésie, pourraient bien être derrière ce regain d’agitation.

Alors qu’un calme précaire est revenu sur Amboine, les diverses communautés d’Amboine restent terrées chez elles. Au quartier général de la police à Amboine, plus de 2 000 réfugiés, des chrétiens – principalement des femmes et des enfants – des environs de la ville, ont refusé de regagner leur domicile. Certains d’entre eux accusent des unités de l’armée, le bataillon 303 notamment, de s’être rangées aux côtés des musulmans. La semaine suivante, le 26 mai, des affrontements ont été signalés sur l’île d’Halmahera, dans les Moluques septentrionales. Dans la région de Galela et Tobelo, des musulmans armés sont arrivés par mer à bord de canots rapides et ont attaqué des villages chrétiens. Selon un responsable du Synode (protestant) des Eglises d’Halmahera, 26 chrétiens du village de Mamuya ont été tués lorsque le village a été pris d’assaut à 5 heures du matin par un groupe composé de combattants du djihad et de musulmans du village voisin de Soasio ». Selon le Jakarta Post, huit des assaillants ont été tués lorsque les villageois ont répliqué et les cartes d’identité trouvées sur les corps de deux d’entre eux indiquaient qu’ils venaient, l’un du Sud-Sumatra et l’autre du Nord-Sumatra.

Ces émeutes interviennent à un moment où, à Djakarta, le président Abdurrahman Wahid et son gouvernement sont de plus en plus critiqués pour des dérives réelles ou supposées : inconsistance, incompétence, népotisme, corruption sont les accusations qui reviennent le plus souvent et certains à Djakarta soulignent que ces travers ne sont pas sans rappeler l’ère Suharto. L’armée, dont le rôle politique de premier plan a été entamé par l’éviction du général Wiranto, se plaint de la faiblesse du budget qui lui est alloué. Le ministre de la Défense, Juwono Sudarsono, a fait remarquer qu’avec 10,9 trillions de roupies (1,3 milliards de dollars) cette année, son budget est, rapporté au PIB, le plus faible des pays de l’Asie du Sud-Est. L’armée et la police, a-t-il déclaré, sont inefficaces » dans des régions comme les Moluques car les forces de sécurité sont sousdimensionnées, souspayées, mal aimées et surutilisées ».