Eglises d'Asie

DIXIEME VOYAGE AU VIETNAM D’UNE DELEGATION DU SAINT-SIEGE

Publié le 18/03/2010




Un communiqué

Contrairement à ce qui s’est passé lors des autres voyages de la délégation, cette fois-ci, le Bureau de Presse du Saint-Siège n’a publié de communiqué que lors du retour de la délégation :

Une délégation du SaintSiège composée de Mgr Celestino Migliore, de la Secrétairerie d’Etat et de Mgr Barnabé Nguyên Van Phuong de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples est revenue à Rome le 7 mai 2000, après un voyage de cinq jours au Vietnam.

La délégation a rencontré le bureau permanent de la Conférence épiscopale et a mené des négociations avec le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, Chu Tuân Câp, et M. Quang Vinh, directeur du Bureau gouvernemental des Affaires religieuses. La délégation s’est entretenue de différents aspects de la présence et de la vie de l’Eglise catholique au Vietnam. Il a été aussi parlé de nominations épiscopales et le SaintSiège attend la réponse du Vietnam dans un avenir proche. En outre, la discussion a aussi porté sur la question des relations diplomatiques entre le SaintSiège et le Vietnam.

La délégation a rendu visite au diocèse de Phu Cuong, le 4 mai 2000. De nombreux fidèles ont participé à la messe concélébrée dans la cathédrale du diocèse et ont exprimé leur profonde communion avec le Souverain Pontife ».

Déroulement de la visite

La délégation, qui avait quitté Rome le 30 avril 2000, pour éviter d’arriver au Vietnam le jour de la fête du travail, a fait escale à Hongkong, le 1er mai, et n’est parvenue à Hanoi que le 2 mai. Mais, arrivés sur place, les membres de la délégation ont appris que ce jour-là était également férié pour compenser le fait que le 30 avril, anniversaire de la fin de la guerre, était tombé un dimanche.

Le 2 mai 2000, la délégation a rencontré le bureau permanent de la Conférence épiscopale au grand complet, à savoir le président de la Conférence, le cardinal Paul Pham Dinh Tung, archevêque de Hanoi, avec ses deux vice-présidents, ainsi que Mgr Nguyên Son Lâm, le secrétaire et les évêques responsables des diverses commissions.

Le 3 mai 2000, la délégation a entamé une séance de négociations avec le Bureau gouvernemental des Affaires religieuses dont M. Lê Quang Vinh est directeur. En dehors des propositions de nominations épiscopales, ont été aussi abordées des questions relatives aux activités de l’Eglise vietnamienne, comme, par exemple, la possibilité pour les prêtres vietnamiens résidant à l’étranger de venir au Vietnam pour y enseigner ou encore pour y accomplir une charge pastorale. L’Etat a informé la délégation que, d’une façon définitive, il n’admettrait pas que les prêtres vietnamiens à l’étranger viennent au Vietnam pour y avoir des activités pastorales ou pour y être évêque. Pour l’enseignement dans les grands séminaires, l’Etat étudiera chaque demande cas par cas. Les représentants de l’Etat ont fait valoir que des prêtres vietnamiens étaient en train de poursuivre des études à l’étranger. Après leurs études, à leur retour au pays, ils pourront enseigner dans les séminaires. C’est pourquoi, il n’est pas besoin de recourir aux prêtres vietnamiens résidant en permanence à l’étranger.

Il a été également discuté de l’ouverture éventuelle d’un grand séminaire à Xuân Lôc. Ces dernières années, le gouvernement central à Hanoi a autorisé la présence d’un grand séminaire à Xuân Lôc, au titre d’annexe du Grand Séminaire Saint Joseph de Hô Chi Minh-Ville. Mais les autorités provinciales de Xuân Lôc ont exprimé leur désaccord, et le projet a pris du retard. Aujourd’hui les autorités locales pensent que le grand séminaire de Xuân Lôc doit être un établissement autonome, et non pas une branche annexe du séminaire de Hô Chi Minh-Ville. le pouvoir central est en désaccord sur ce point, ce qui a conduit à une impasse.

Le jeudi 4 mai 2000, la délégation a pris l’avion pour le Sud dans l’intention d’accomplir une visite d’un jour au diocèse de Phu Cuong. Lors de la préparation du voyage, la délégation avait proposé de visiter les diocèses de Lang Son et Hung Hoa, ou bien ceux de Phu Cuong et de Xuân Lôc. Mais, avant le départ, l’Etat vietnamien a informé les membres de la délégation que l’autorisation n’était donnée que pour le diocèse de Phu Cuong, ajoutant que la visite de deux diocèses en un seul jour exigerait trop de précipitation.

Dans la matinée du 5 mai 2000, la délégation a quitté Phu Cuong pour revenir à la capitale du Vietnam. Dans l’après-midi, la délégation a travaillé avec les Affaires étrangères de Hanoi, plus concrètement avec le secrétaire d’Etat Chu Tân Câp, un diplomate qui est resté vingt ans en Allemagne de l’Est. Ensuite, les délégués du Saint-Siège ont rencontré à nouveau les responsables des Affaires religieuses pour donner une conclusion à leurs négociations. Les représentants de l’Etat vietnamien ont informé leurs interlocuteurs que seules deux propositions de nominations épiscopales étaient acceptées, à Da Nang et à Vinh Long. A Da Nang, Mgr Nguyên François-Xavier Nguyên Quang Sach, 75 ans, est malade depuis longtemps. A Vinh Long, Mgr Giacobê Nguyên Van Mâu a 86 ans tandis que son évêque coadjuteur Raphaël Nguyên Van Diêp, âgé de 74 ans, est de santé très fragile.

Les propositions de nominations pour Bui Chu, Hung Hoa et Phan Thiêt ne sont pas encore acceptées. Actuellement, les trois diocèses de Hung Hoa, Hai Phong et Bui Chu sont sans évêques. A Hanoi, le cardinal Tung, qui est âgé de 81 ans, est assisté par un évêque auxiliaire, Mgr Paul Lê Dac Trong, qui a un an de plus que lui.

Dans l’après-midi du 6 mai, la délégation a quitté Hanoi pour Rome.

Il faut faire remarquer que durant son séjour à Hanoi, la délégation a concélébré une messe avec les membres du Bureau permanent de la Conférence dans la chapelle du grand séminaire de Hanoi. Au cours des heures creuses, la délégation a eu la possibilité de se promener en ville et de rendre visite à la communauté des Amantes de la Croix de Hanoi, à l’heure où celles-ci récitaient leurs prières du soir.

D’une façon générale, le climat des négociations a été moins bon que celui qui avait régné au cours du précédent voyage. Les résultats ont été minimes, et parmi les diverses activités du voyage, seule la visite à Phu Cuong a été jugée comme un point positif, même si elle a été extrêmement courte.

Réactions diverses

1 – Dans une interview accordée à Radio Vatican, le 11 mai 2000, Mgr Migliore a déclaré :

La délégation du SaintSiège envoyée au Vietnam la semaine dernière a pris la suite d’une série de délégations envoyées chaque année dans ce pays depuis 10 ans pour y rencontrer les évêques, la communauté catholique et les autorités locales. Bien que l’on ait noté ces dernières années un progrès dans le domaine de la liberté de culte, de la vie religieuse quotidienne, de la communication intérieure et avec l’Eglise romaine, il reste cependant un certain nombre de points cruciaux à régler d’une façon satisfaisante. Je veux surtout parler des nominations épiscopales, de la liberté d’entrer dans les séminaires et les maisons religieuses, ainsi que la liberté d’ordonner des prêtres. Aujourd’hui, les deux parties s’accordent pour reconnaître que, sur les questions énumérées cidessus, comme sur d’autres, il importe qu’un accord soit trouvé sous une forme claire et garantie, en résumé sous la forme d’un protocole. Selon ce protocole, les principes régissant les relations et les critères d’action commune seraient indiqués sous une forme claire et évidente et on pourrait aller ainsi vers une normalisation de nos relations. Une telle situation serait claire et l’on s’entendrait sur les progrès à réaliser encore. Nous attendons et, pendant cette attente, nous travaillons (…) ».

Répondant à une question concernant l’état de l’Eglise du Vietnam, Mgr Migliore a ajouté :

En considérant l’état actuel de l’Eglise du Vietnam, je pense surtout qu’il faut remercier Dieu, le Seigneur de l’histoire. Durant de longues années pleines de difficultés de toutes sortes, les évêques du Vietnam ont su non seulement protéger, mais encore restaurer et fortifier les structures de l’Eglise et des diverses communautés. Dans la communion avec l’Eglise de Rome, nous avons pu garantir pour les 25 diocèses du Vietnam une orientation pastorale avec de bons évêques, bien qu’il y ait eu des retards et des obstacles dus aux procédures mises en ouvre au Vietnam. Ainsi, l’année dernière quatre évêques ont pu être ordonnés ; cette année, nous avons la perspective de deux consécrations épiscopales et attendons de pouvoir procéder à deux autres nominations importantes dans les diocèses ».

2 – Dans un entretien avec une agence de presse américaine, le 10 mai dernier, le directeur de l’agence Fides a délaissé le langage diplomatique et a directement affirmé : Cette visite de la délégation au Vietnam est un retour en arrière, à la situation qui existait il y a cinq ans Dans la dépêche publiée le 10 mai 2000, l’agence Fides a rappelé que la plupart des propositions de nomination et des demandes de la délégation du Saint-Siège ont été refusées par l’Etat vietnamien. Un certain nombre d’autres n’ont pas été examinées. Les résultats de ce voyage sont véritablement pauvres car les réponses données par le gouvernement vietnamien ont été rares et chiches ». Le voyage de cette année a été plusieurs fois repoussé.

Actuellement trois diocèses sont vacants : Hung Hoa depuis 1992, Hai Phong et Bui Chu depuis l’année dernière. D’autres diocèses comme Da Nang, Vinh Long ont des évêques très âgés et faibles. Un certain nombre d’autres diocèses ont besoin d’un évêque coadjuteur. On attend également qu’une autre question soit examinée : l’établissement de relations diplomatiques. L’année dernière, le gouvernement vietnamien a promis d’étudier cette éventualité et de prendre contact avec le Saint-Siège pour déterminer les diverses étapes à parcourir pour parvenir à ce but. Lors de cette dernière visite, la question n’a pas été abordée.

Selon les déclarations de l’agence Fides, le seul point consolant pour la délégation aurait été la visite accomplie à la cathédrale de Phu Cuong, où les deux représentants du Saint-Siège ont été accueillis par des milliers de fidèles. Il faut également ajouter que la rencontre de la délégation du Saint-Siège avec le bureau permanent de la Conférence épiscopale a renforcé les liens de communion des évêques avec le Souverain Pontife.

Le détour par le diocèse de Phu Cuong

A sa descente d’avion à l’aérogare de Tân Son Nhât, dans la matinée du 4 mai, la délégation a été accueillie par l’évêque de Phu Cuong, quelques prêtres et une délégation du Comité populaire de la province de Binh Duong. Ce sont les autorités civiles qui ont organisé le repas de midi. Au cours de la messe concélébrée, l’évêque de Phu Cuong a présenté son diocèse à la délégation en ces termes :

Phu Cuong’, ces termes signifient riche et fort’. En réalité, il ne s’agit encore que d’un petit diocèse, pauvre et faible. Pourtant, il y a un peu plus d’un an, le SaintPère s’est spécialement soucié de notre diocèse en lui procurant un nouvel évêque qu’il a luimême consacré à Rome. C’est la deuxième fois que cela se produit dans l’histoire de l’Eglise du Vietnam. Le 11 juin 1933, le premier évêque du Vietnam, Mgr Nguyên Ba Tong, avait été ordonné évêque à Rome par Pie XI. (…). D’autres grâces accordées au diocèse sont significatives. Le diocèse de Phu Cuong n’a pas encore 35 ans, mais il possède un certain nombre de lieux parmi les plus représentatifs de l’histoire de l’Eglise du Vietnam. Il faut parler, en premier lieu, de Lai Thiêu. Selon les documents historiques, en 1747, il y avait déjà 300 fidèles en ce lieu. C’était une des 30 chrétientés de la Cochinchine de l’époque. En 1798, Lai Thiêu fut choisi pour accueillir le séminaire déplacé en ce lieu depuis Phnom Penh. Ce fut le prédécesseur immédiat de l’actuel Séminaire Saint Joseph de Chi MinhVille. Un certain nombre de paroisses du diocèse ont accueilli l’évangile il y a plusieurs centaines d’années et ont abrité des témoins de l’évangile, comme la paroisse de Bung avec le saint martyr Pierre Doan Công Quy, la chrétienté de Tha La avec ses glorieuses pages d’histoire écrites par Cosimô Tri, Thi Tinh et ses dizaines de chrétiens prêts au sacrifice de leur vie pour confesser leur foi (…)

Phu Cuong se montre digne des deux termes qui composent son nom, riche et fort : riche de cour et fort au service des pauvres, des handicapés et des malades. Sur le territoire du diocèse, on peut trouver des établissements célèbres au service des déshérités rejetés en marge de la société : le centre pour les sourdsmuets de Lai Thiêu créé par l’Eglise. Bien qu’aujourd’hui sous la direction des services de l’Etat, on y trouve toujours des religieuses de SaintPaul de Chartres qui travaillent depuis près d’un siècle (…). Un établissement caritatif qui attire l’attention de beaucoup de monde est la léproserie de Bên San. Cet établissement fut fondé en 1950 par les Sours de la Charité. Il est aujourd’hui administré par l’Etat mais les sours de SaintVincent de Paul y soignent toujours les lépreux. C’est un centre renommé pour le traitement de la lèpre et les soins qu’il procure aux lépreux et à leurs familles. Si l’Eglise considère les pauvres, les malades comme son trésor le plus précieux, le diocèse de Phu Cuong s’enorgueillit de posséder ces établissements sur son territoire et les considère comme des grâces reçues de l’amour de Dieu qui lui permet ainsi de participer à son dessein qui consiste à apporter bonheur et salut à tout homme.

Il existe enfin un centre destiné à combattre la maladie du siècle, le centre de soins pour les malades atteints du sida, en dernière phase de leur maladie. Il vient d’être créé et est le premier du genre au Vietnam. Le diocèse est fier de ce centre situé à Cu Chi, sur une parcelle de terre du diocèse. Il est placé sous la responsabilité des sours de SaintVincent de Paul. Nous espérons qu’il se développera et rendra d’éminents services aux personnes affligées de cette terrible maladie (.) ».