Eglises d'Asie

Lors de l’anniversaire de leurs 25 années d’épiscopat, des évêques se souviennent des circonstances troublées de leur ordination en mars-avril 1975

Publié le 18/03/2010




Aux mois de mars et avril 1975, alors que les événements se précipitaient et que la perspective d’un changement de régime au Sud-Vietnam se faisait de plus en probable, nominations et consécrations d’évêques s’étaient multipliées dans le pays en prévision des temps troublés qui s’annonçaient. Ces circonstances historiques expliquent pourquoi, 25 ans plus tard, les jubilés épiscopaux se sont célébrés un peu partout dans l’Eglise du Vietnam, dans le même temps où les grandes villes du pays organisaient successivement le 25ème anniversaire de leur “libération” selon l’ordre chronologique où celle-ci avait eu lieu. On sait que l’anniversaire de la fin de la guerre, le 30 avril 1975, a été célébré avec une grande pompe à Hô Chi Minh-Ville, mais sans grande participation de la population.

L’un des derniers à célébrer le 25ème anniversaire de son épiscopat a été Mgr Nguyên Son Lâm, aujourd’hui évêque de Thanh Hoa et secrétaire de la Conférence épiscopale, qui est venu le 17 mai dernier dans son ancien diocèse de Dalat (23) parmi les prêtres qui l’avaient accueilli le 19 mars 1975, date où il était venu assumer sa première charge, deux jours après avoir reçu la consécration épiscopale à Saigon. Dans l’homélie prononcée au cours d’une messe d’action de grâces célébrée à la cathédrale de Dalat, l’évêque a fait allusion à la situation extrêmement difficile du pays à cette époque. L’évêque du lieu, Mgr Nguyên Van Nhon, s’est lui aussi référé à ce mois de mars 1975 où les autorités et une partie de la population de Dalat avaient quitté la ville en direction du Sud, par peur d’éventuels combats. Seul un petit groupe de prêtres et de fidèles l’avait accueilli, qui, par la suite, l’ont toujours accompagné.

Un autre jubilaire, l’évêque de Long Xuyên, Mgr Jean-Baptiste Bui Tuân, fut ordonné évêque, le jour même du 30 avril 1975, le jour où un tank des forces communistes du Nord força les portes du Palais de l’indépendance à Saigon, et que la capitulation fut exigée du général Duong Van Minh par un capitaine aujourd’hui dissident célèbre. Dans un entretien accordé à l’hebdomadaire Catholicisme et nation (24), l’évêque évoque ce jour : La cérémonie d’ordination eut lieu dans une petite église de la paroisse de Long Xuyên. Quelque 40 personnes y participaient L’évêque avoue aujourd’hui avoir éprouvé une grande angoisse. Quelques jours plus tard, il a aperçu, dans un rêve, la face du Christ, triste, angoissée et compatissante Un ministère commencé sous d’aussi humbles auspices a pourtant, selon l’évêque, porté des fruits abondants. L’évêque qui affirme avoir voulu être un pont » entre l’Eglise et son pays, a rappelé que durant cette période de 25 ans, si difficile pour tout le pays, cent prêtres et deux évêques ont été ordonnés dans son diocèse.

C’est avec une grande solennité qu’a été célébré, le 5 mai dernier, le jubilé d’un autre évêque consacré à cette même époque, Mgr Paul Nguyên Van Hoa du diocèse de Nha Trang (25). Neuf évêques, dont l’archevêque de Hô Chi Minh-Ville, 200 prêtres ont concélébré avec lui une messe d’action de grâces à laquelle participait une grande partie des fidèles du diocèse. Les circonstances de l’accession à l’épiscopat de Mgr Hoa avaient été particulièrement tourmentées. Nommé, le 30 janvier 1975, évêque du diocèse de Phan Thiêt, nouvellement érigé, il fut ordonné évêque le 5 avril par l’évêque de Buôn Ma Thuôt, diocèse auquel il appartenait. Les événements se précipitant, Rome fut obligé de revenir sur sa décision et de le nommer évêque de Nha Trang en remplacement de Mgr Nguyên Van Thuân, nommé archevêque coadjuteur de Saigon. Cette décision prise le 24 avril par les autorités romaines ne fut communiquée oralement à l’intéressé que le 5 mai suivant, alors qu’il se dirigeait vers Phan Thiêt pour y assumer sa charge. Il fut donc obligé de rebrousser chemin vers Nha Trang où quelques jours plus tard, l’ancien évêque procéda à la passation des pouvoirs. Après les dix premières années, difficiles comme pour toute l’Eglise du Vietnam, les débuts difficiles ont fait place à une situation plus sereine. Vingt-huit églises nouvelles ont été construites, vingt autres restaurées, vingt nouveaux presbytères sont venus s’ajouter aux anciens. Cependant la plus importante réalisation de ces 25 années a été la construction et mise en fonctionnement d’un grand séminaire qui accueille les futurs prêtres de trois diocèses et de sept provinces.