Eglises d'Asie

Pour la première fois, un important responsable de l’Eglise catholique préside officiellement à une cérémonie confucéenne

Publié le 18/03/2010




A Séoul, le cardinal Kim Sou-hwan a présidé un service commémoratif en l’honneur d’un professeur confucéen. Il s’est incliné profondément devant son mausolée et a présenté l’offrande rituelle. Le cardinal Kim, ancien archevêque de Séoul, a présidé cette cérémonie à l’occasion de la remise du prix qui lui a été décerné en mémoire de Kim Chan-sook, mort en 1962, militant important du mouvement indépendantiste et réformateur du confucianisme coréen. Quand le cardinal s’est vu attribuer ce prix, certains journalistes se sont demandé si, en tant que personnalité catholique de haut rang, il procéderait à la prosternation rituelle devant la tombe du confucianiste. Mais, dès le lendemain, la plupart des médias diffusaient une photo du cardinal prosterné et rapportaient le souhait qu’il avait exprimé à cette occasion : voir l’harmonie et l’esprit de coopération s’instaurer entre les religions. « C’était un patriote respecté et, quoiqu’il n’ait pas été catholique, j’ai prié pour que la grâce de Dieu fasse que son esprit soit toujours vivant », a-t-il déclaré le 24 mai, à l’issue de la cérémonie.

Le cardinal s’est prosterné devant la tombe et, selon la tradition confucianiste, a offert de l’alcool. L’Eglise prône déjà depuis longtemps le respect des ancêtres et encourage les fidèles à associer rites traditionnels et prières chrétiennes pour leurs morts, mais les chrétiens ont toujours montré une certaine réticence à le faire. Mgr Kim est ainsi le premier haut dignitaire catholique à présider officiellement à une cérémonie confucéenne. La cérémonie s’est déroulée le lendemain de la remise du prix que lui avait décerné le Centre de recherche Simsan pour le rôle joué par lui dans la promotion de la démocratie et des droits de l’homme. Il est le premier dignitaire religieux à recevoir ce prix.

Lors de l’allocution prononcée à cette occasion à l’université confucéenne Sung Kyun Kwan, au centre de Séoul, le cardinal Kim a demandé aux catholiques et aux confucianistes de se réconcilier à l’occasion du nouveau millénaire : « J’espère que les uns et les autres voudront travailler ensemble pour changer la culture de mort actuelle en culture de vie Il a rappelé que ce sont des intellectuels confucéens qui ont pris d’eux-mêmes l’initiative d’introduire le catholicisme dans le pays au XVIIIe siècle. « Pourtant, confucianistes et chrétiens n’ont pu se comprendre parce qu’à cette époque l’Eglise interdisait aux catholiques les rites traditionnels en l’honneur des ancêtres », a ajouté le cardinal. Ce refus a conduit au martyre une dizaine de milliers de Coréens sous la dynastie Chosun, au XIXe siècle. « Catholiques et confucianistes ont appris l’obéissance envers les parents. Donc, quand il s’agit de piété filiale, il n’y a pas de différence entre les deux religions», a-t-il poursuivi.

En 1939, lorsque le Saint-Siège a autorisé une certaine forme de culte des ancêtres en Asie de l’Est, il avait été précisé que tout « élément superstitieux » devait en être exclu. L’exposition des tablettes où sont calligraphiés les noms des défunts et la prosternation devant l’autel familial avaient été autorisées. Dans ce contexte, la pratique de l’Eglise catholique coréenne semble différente de celles des Eglises protestantes locales qui, pour beaucoup, considèrent encore les rites confucéens aux ancêtres comme autant d’actes d’idolâtrie.