Eglises d'Asie

Le gouvernement se félicite de sa politique religieuse et distribue bons et mauvais points aux diverses religions

Publié le 18/03/2010




Dans un article publié dans la revue idéologique du parti, Tâp Chi Công San (Revue du Parti communiste) (20), le directeur du bureau gouvernemental des Affaires religieuses, Lê Quang Vinh, dresse un tableau général de la vie religieuse au Vietnam au cours de ces dernières années. Après avoir défini les grands principes bien connus qui guident la politique du Parti en cette matière, il brosse un aperçu de l’histoire récente et de l’état actuel de ce qu’il appelle les quatre principales religions du Vietnam qu’il énumère dans l’ordre suivant : le bouddhisme, le catholicisme, le caodaïsme et le bouddhisme hoa hao. Chemin faisant, il ne manque pas de distribuer à chacune d’entre elles bons et mauvais points, inégalement répartis en fonction des mérites acquis par chacune à l’égard de l’Etat.

La première partie de l’exposé du haut fonctionnaire des Affaires religieuses insiste sur les fondements de la politique religieuse du gouvernement au service de la Grande union du peuple tout entier », destinée à faire vivre en bonne intelligence croyants et non-croyants. La population vietnamienne, de plus de 78 millions d’habitants au recensement de l’année dernière, ne compterait que 15 millions de croyants toutes religions confondues, à savoir 20 % de son ensemble, et serait donc, en grande majorité composée de non-croyants, affirme le directeur des Affaires religieuses, se référant à des données statistiques qui auraient été recueillies en 1997 par la commission d’agit-prop du parti, mais dont le détail n’est pas connu par ailleurs. Il est vrai que l’article, ne parle pas de fidèles mais de pratiquants en utilisant le terme français. La politique religieuse du Parti se donne pour objectif de faire vivre en ce monde-ci où doivent être réalisés les grands idéaux nationaux, ceux qui croient dans le monde de l’au-delà, avec ceux qui n’y croient pas.

Esquissée à grands traits, une présentation du bouddhisme vietnamien entame la description des quatre religions principales du Vietnam. Elle est surtout consacrée à faire l’éloge du bouddhisme patronné officiellement par l’Etat, l’Eglise bouddhiste du Vietnam, légitimée aux yeux du pouvoir par un Congrès qui en 1981 aurait rassemblé en une seule Eglise les diverses tendances de cette religion (21). Avec une certaine brutalité, l’article rappelle l’existence de ce qu’il appelle une minorité d’opposants à savoir bouddhiste unifiée du Vietnam, dont les dirigeants manifestent avec éclat leur désaccord avec le gouvernement. A leur propos, l’article ne parle que d’un procès tenu en 1984 qui avait condamné à mort deux des plus éminents des religieux de cette tendance et infligé de lourdes peines de prisons à quelques autres. L’accusation de rébellion armée, totalement sans fondement, que M. Lê Quang Vinh continue à prétendre justifiée, avait paru tellement invraisemblable à l’époque, que sous la pression de l’opinion internationale, les autorités avaient été obligées de revenir sur les peines de mort et à les commuer en peines de prison. Cette description du bouddhisme comporte un recensement soigneux des divers établissements de formation religieuse de l’Eglise bouddhiste ainsi que des effectifs de son clergé, dans lesquels sont distingués les religieux adeptes du grand véhicule, les plus nombreux, et ceux qui adhèrent au petit véhicule.

Contrairement au portrait des autres religions, celui du catholicisme est idyllique. Rien n’est mentionné des grands procès intentés après 1975 à des prêtres et religieux catholiques, dont le dernier date de 1987. L’histoire du catholicisme racontée par le directeur des Affaires religieuses commence avec la première assemblée de la Conférence épiscopale en 1980 et la lettre commune invitant les catholiques à vivre l’évangile au sein du peuple… ». Elle se poursuit avec la fondation du Comité d’union des catholiques patriotes en 1983 et atteint son apothéose lors des deux grands rassemblements nationaux de 1998 et 1999 qui ont marqué le deuxième centenaire de Notre Dame de La Vang près de Huê, célébrations où, fait-on remarquer, la sécurité et l’ordre public ont été assurés.

D’après l’article, ce n’est qu’en 1995 que les autorités civiles se sont préoccupées ce donner un statut légal au caodaïsme, qui à cette époque, était divisé en plus de 20 branches différentes et quelquefois opposées. La politique du gouvernement à l’égard de la communauté caodaïste a consisté à ne pas chercher à réunifier les fidèles divisés mais à légitimer chacune des branches et à organiser pour chacune d’entre elles un congrès de restauration. La branche la plus importante, celle de Tây Ninh, qui, autrefois a entretenu des forces armées ayant, un temps, collaboré avec l’armée française, a été, selon l’article, la plus difficile à réorganiser.

Le passage concernant le bouddhisme hoa hao note que c’est tout récemment, en 1999, qu’a commencé le processus de récupération de cette religion par l’Etat et l’on connaît toutes les difficultés que rencontre aujourd’hui cette reconnaissance légale (22). De 1975 à 1999, la communauté hoa hao n’a eu, à proprement parler, aucune existence légale. Il est vrai que les événements historiques passés dont le premier fut l’élimination physique du fondateur par la guérilla communiste, suivi du ralliement des forces armées hoa hao à l’administration coloniale, ont creusé un fossé profond entre les fidèles de cette religion et le nouveau pouvoir.

L’exposé de l’actuel responsable du bureau religieux, même s’il n’apprend que peu de choses sur l’état actuel des religions, est révélateur du contrôle total que l’Etat vietnamien entend exercer sur leur développement. Il a participé à leur refondation après le changement de régime en favorisant la convocation d’un Congrès dont il a tiré les ficelles et en installant une nouvelle hiérarchie. Grâce au bureau des Affaires religieuses, il en surveille soigneusement l’évolution.

(22) Voir EDA 291, 293, 304