Eglises d'Asie

Selon de nombreux responsables chrétiens, la mort accidentelle de Mgr Alan de Lastic laisse l’Eglise catholique vulnérable

Publié le 18/03/2010




De nombreux responsables catholiques, issus des trois rites que compte l’Eglise catholique en Inde, ont déploré la mort de Mgr Alan de Lastic, déclarant que la disparition accidentelle de l’archevêque de Delhi et président de la Conférence épiscopale indienne (CBCI) laissait les catholiques démunis et vulnérables. “La mort de Mgr de Lastic intervient à un moment crucial, alors que sa présence et son influence étaient essentielles à l’Eglise », a déclaré Mgr Cyril Baselios, archevêque de Trivandrum et chef de l’Eglise catholique de rite syro-malankara.

Agé de 70 ans, Mgr Alan de Lastic a trouvé la mort le 20 juin au soir dans un accident de voiture en Pologne où il passait quelques jours de vacances et de pèlerinage. Il revenait de Cracovie et se dirigeait vers Varsovie quand la voiture dans laquelle il se trouvait a heurté un deux-roues circulant tous feux éteints. L’homme conduisant le deux-roues a été tué sur le coup et Mgr Alan de Lastic est mort des suites d’une crise cardiaque. Son corps ayant été rapatrié en Inde, ses obsèques ont eu lieu le 27 juin en la cathédrale du Sacré-Cour, à Delhi. Une foule de 15 000 personnes, 70 évêques, 400 prêtres, des centaines de religieuses ont assisté à la messe de funérailles. Des représentants de toutes les principales religions présentes en Inde ainsi que le président de la République, trois ministres du gouvernement et Sonia Gandhi, dirigeante du Parti du Congrès, étaient également présents à la cérémonie pour rendre un dernier hommage à Mgr de Lastic.

Mgr Baselios, qui succède à Mgr de Lastic à la présidence de la Conférence épiscopale indienne, a déclaré que l’Eglise en Inde a perdu un porteparole puissantMgr de Lastic était en contact permanent avec le gouvernement à propos des différents problèmes concernant la communauté chrétienne en Inde et le vide créé par sa mort sera difficile à combler ». Le 9 juin, six jours avant de quitter l’Inde pour l’Europe, Mgr de Lastic, qui était aussi président du Forum uni des chrétiens pour la défense des droits de l’homme, un organisme ocuménique qu’il avait contribué à fonder et qui rassemble catholiques et protestants, avait donné une conférence de presse pour dénoncer l’escalade de la violence antichrétienne » dont sont victimes les chrétiens depuis 1998, date de l’accession au pouvoir des nationalistes hindous du BJP. Le 12 juin, trois jours avant de partir pour Rome, il avait une nouvelle fois rencontré le Premier ministre indien pour dénoncer l’inaction dont faisaient preuve les autorités face aux agressions dont sont victimes les chrétiens dans plusieurs Etats de l’Inde (5).

Les réactions des principaux responsables de l’Eglise catholique en Inde n’ont pas manqué. L’archevêque majeur d’Ernakulam-Angamaly, chef de l’Eglise catholique de rite syro-malabar, Mgr Varkey Vithayathil, a salué en Mgr de Lastic un administrateur zélé et prudent qui a conduit l’Eglise en Inde à résoudre des problèmes regardant tant l’Eglise ellemême que le pays tout entier ». Selon Mgr Thomas Dabre, de Vasai, secrétaire général de la Conférence des évêques catholiques de rite latin, l’archevêque de Delhi était fermement ancré dans la culture indienne. Fort d’un héritage multiculturel, il portait témoignage du Christ en dépit des menaces des fondamentalistes hindous d’imposer une suprématie hindoue en Inde ». Pour Mgr Thomas Menamparampil, de Guwahati, le Seigneur a rappelé à lui un champion de la lutte pour la liberté religieuse et les droits civiques des chrétiens alors que la bataille n’est pas achevée ».

Certains responsables protestants ont déploré la mort de Mgr Alan de Lastic, le saluant comme le Desmond Tutu de l’Inde ». En de nombreux sens, l’Eglise en Inde a perdu un prophète de notre temps, un prophète qui se prononçait pour la défense de certaines valeurs, pour la restauration de la justice en Inde », pouvait-on lire dans un communiqué du Conseil national des Eglises en Inde, qui rassemble 29 Eglises protestantes et orthodoxes.

Ardent défenseur de la tolérance religieuse, l’archevêque de Delhi était connu pour ses prises de position en faveur de la minorité chrétienne en Inde mais aussi pour la défense des minorités de façon générale, des dalits (les ex-intouchables) en particulier. Elu en janvier 1998 président de la Conférence épiscopale indienne, réélu à cette fonction en janvier dernier pour un deuxième mandat consécutif, Mgr de Lastic était également membre du Conseil national pour l’intégration, un organe consultatif du gouvernement fédéral de New Delhi qui réunit diverses personnalités religieuses et issues du milieu associatif. De par ces fonctions, l’archevêque de Delhi avait été amené de nombreuses fois à se faire l’avocat des minorités de façon générale et des chrétiens en particulier auprès du gouvernement actuel, dirigé par Atal Behari Vajpayee du BJP (Parti du peuple indien) (6).

Né le 24 septembre 1929 à Maymyo, près de Mandalay, en Birmanie, qui faisait alors partie de l’Empire des Indes sous domination britannique, Mgr de Lastic était le cadet d’une famille de deux enfants. Ayant fui en Inde en 1942 avec sa famille pour échapper à l’invasion japonaise, Mgr de Lastic fut ordonné prêtre le 21 décembre 1958 et servit tout d’abord dans le diocèse de Calcutta où il était proche de Mère Teresa. Professeur au séminaire de Calcutta, il en assuma également la direction. Consacré évêque auxiliaire de ce diocèse le 27 mai 1979, il y resta cinq années supplémentaires. En 1984, il était transféré sur le siège du diocèse de Lucknow, dans l’Etat de l’Uttar Pradesh. Nommé à la tête de l’archevêché de Delhi en novembre 1990 où il succédait à Mgr Angelo Fernandes, il y fut effectivement installé le 27 janvier 1991. Eurasien, Mgr de Lastic avait des origines françaises de par son père, dont un membre de la famille avait quitté le sud-ouest de la France pour s’installer en Angleterre puis en Inde au XVIIIe siècle. La branche paternelle de sa famille comptait aussi des ancêtres irlandais. Il y a quelques années, Mgr de Lastic était venu en France pour visiter le lieu d’où son ancêtre était parti, à Cas, dans le Tarn-et-Garonne.