Eglises d'Asie

Tandis que Kim Jong-il, le dirigeant nord-coréen, ne serait pas opposé à une visite du pape, l’Eglise catholique en Corée du Sud invite à transformer “les épées en socs de charrues”

Publié le 18/03/2010




Le 16 juin, au lendemain de son retour à Séoul, après trois jours d’une visite historique à Pyongyang, capitale de la Corée du Nord (28), le président sud-coréen, Kim Dae-jung, a déclaré que Kim Jong-il, le dirigeant de la Corée du Nord, n’avait pas rejeté l’idée d’inviter le chef de l’Eglise catholique dans son pays. “J’ai dit au président Kim (Jong-il) que le pape Jean-Paul II souhaiterait se rendre en Corée du Nord si cela était possible », a précisé le leader sud-coréen, ajoutant que celui-ci n’avait pas rejeté cette suggestion. Kim Jong-il se serait simplement enquis de l’âge du Saint-Père. Peu après cette déclaration du président Kim Dae-jung, le ministre des Affaires étrangères sud-coréen, Lee Joung-bin, a remis un mémorandum officiel à propos de cette “invitation » nord-coréenne au nonce en poste à Séoul, Mgr Giovanni Battista Morandini. Le Saint-Siège n’a toutefois pas réagi officiellement à cette nouvelle.

L’enthousiasme soulevé en Corée du Sud par la visite du président sud-coréen à Pyongyang a été considérable. Même si rien de véritablement concret n’est sorti de cette rencontre, le simple fait qu’elle ait eu lieu et qu’elle se soit déroulée dans une atmosphère cordiale est un réel pas en avant par rapport à la situation qui prévalait auparavant, estiment de nombreux observateurs. Le 25 juin, jour anniversaire du déclenchement de la guerre de Corée (1950-1953), pour la première fois, la Corée du Sud n’a pas organisé de défilés militaires. Le Comité pour la réconciliation du peuple coréen de la Conférence épiscopale coréenne a déclaré qu’il était temps de transformer les épées en socs de charrues et les lances en faucilles » (Isaïe 2,4).

Selon ce Comité pour la réconciliation, le sommet de Pyongyang a été un grand pas en avant vers la réconciliation et l’unité entre les habitants des deux pays. Signé par le président de ce comité, Mgr Pierre Kang Woo-il, évêque auxiliaire de Séoul, le communiqué souligne qu’en cette année jubilaire, le peuple coréen veut être libéré des entraves posées par les systèmes politiques et idéologiques, de la crainte de la guerre ainsi que de l’hostilité et la méfiance entre les deux Corée ». L’accord conclu entre les deux dirigeants, accord qui a trait principalement à la réunion des familles divisées et à la coopération et les échanges mutuels, ne doit pas rester lettre morte, comme cela s’est produit par le passé, précise encore le comité.

La vraie libération est la libération du péché, mais une libération pleine et entière n’est pas possible sans le pardon et la réconciliation », explique Mgr Kang Woo-il. Pendant 50 ans, la relation entre les deux Corée a été difficile. Aujourd’hui, la puissance économique du Sud et la présence de troupes américaines au Sud peuvent être perçues comme une menace pour le Nord, mais les Coréens du Sud ne doivent pas oublier que les Coréens du Nord ont plusieurs fois recourus à la force contre le Sud, explique en substance Mgr Kang. Cependant, si les deux Corée veulent ouvrir une ère de pardon mutuel et de réconciliation, il est nécessaire de dépasser les souvenirs douloureux et les préjudices que chacune des deux parties a pu faire subir à l’autre. Mgr Pierre Kang, au nom du comité qu’il préside, conclut en invitant à la prière pour le jour où nos frères au Nord reconnaîtront la grâce et la providence divines, loueront et rendront gloire librement à Dieu ».

Dans la nuit du 24 au 25 juin, près de 6 000 catholiques accompagnés de 14 évêques, une centaine de prêtres et 500 religieux ont prié durant toute une nuit autour de la gare de Wolchongri, dans la province de Kangwon. A 160 km au nord de Séoul, cette gare est située au pied de la DMZ, la zone démilitarisée qui sépare les deux Corée. L’évêque de Chunchon, dont le diocèse organisait cette cérémonie et dont la juridiction s’étend sur une partie du territoire nord-coréen, a prêché sur le thème Devenons un » et a déclaré : Pour parvenir à la réconciliation et à la paix, je dois d’abord me donner comme Jésus s’est donné ».

Selon le Bureau national des statistiques de Séoul, la question des familles divisées concerne directement un sixième de la population sud-coréenne. Les membres de la première génération de familles divisées sont 1,23 millions, dont 690 000 ont plus de 60 ans. Si on tient compte des enfants de ces personnes, le chiffre total s’élève à 7,67 millions de personnes concernées. Selon le ministère sud-coréen pour l’Unification, en 1999, environ 195 familles des deux Corée se sont rencontrées dans un pays tiers, presque toujours en Chine. En 1997, 61 rencontres de ce type avaient eu lieu et 108 en 1998. Ces dernières années, les rencontres clandestines se sont multipliées au point de créer un véritable marché. Des promoteurs de réunions familiales », en majorité des Chinois d’origine coréenne, organisent ces rencontres. Les familles sud-coréennes paieraient 2 000 dollars pour la confirmation de la vie ou de la mort d’un proche au Nord, 3 000 pour un échange épistolaire et jusqu’à 6 000 pour une rencontre.