Eglises d'Asie

Tandis que l’état d’urgence est décrété aux Moluques, les responsables de l’Eglise catholique sur place demandent l’intervention d’une force d’interposition de l’ONU

Publié le 18/03/2010




Alors que le 22 juin, l’évêque d’Amboine, capitale des Moluques, appelait l’intervention d’une force d’interposition de l’ONU afin de mettre fin à “une entreprise préméditée de nettoyer les Moluques de toute présence chrétienne » (11), le président Abdurrahman Wahid a décrété lundi 26 juin l’état d’urgence dans les deux provinces des Moluques et des Moluques septentrionales. Dès le lendemain, face à la grave détérioration de la situation sur place, le président indonésien a donné ordre de mettre en place un couvre-feu. Ordre a aussi été donné pour que personne d’extérieur aux Moluques ne rentre désormais dans ces deux provinces, déclarant que “ce sont les gens extérieurs [aux Moluques] qui y créent des troubles ».

Après plus d’un an de troubles sanglants opposant la communauté chrétienne à la communauté musulmane (12), la situation aux Moluques était redevenue à peu près calme au mois d’avril (13). Mais depuis le mois de mai et l’arrivée de 2 à 3 000 combattants de la guerre sainte » (laskar jihad), venus de Java, l’archipel tout entier et Amboine en particulier sont le théâtre de violences renouvelées (14). Le texte de l’appel à l’aide des responsables du diocèse d’Amboine laisse entendre que le conflit aux Moluques, du fait de l’arrivée de ces combattants de la guerre sainte, a changé de nature : d’un conflit intercommunautaire, on est passé au massacre planifié des chrétiens des Moluques. Les forces de l’ordre sont dépassées par les événements ou prennent fait et cause pour les assaillants musulmans. Selon le Jakarta Post du 26 juin, le gouverneur de la province, Saleh Latuconsina, a nommément accusé un des chefs militaires sur place d’être un provocateur : le général de brigade Rustam Kastor est celui qui sème la confusion. Il participe activement aux réunions de prières » des musulmans. Toujours selon le même article, des appels à la guerre contre les chrétiens sont lancés de certaines mosquées. Le responsable de la police locale, le général de brigade I Dewa Astika, et le commandant militaire des Moluques, le général de brigade Max Tamaela, un protestant, seraient réfugiés depuis le 24 juin dans un hôtel de la ville.

Les troubles ont pris une tournure particulièrement grave le 19 juin. Ce jour-là, environ 5 000 musulmans ont attaqué le village chrétien de Duma, dans le district de Galela, sur l’île d’Halmahera, aux Moluques septentrionales. Halmahera avait déjà été le théâtre de violences ces derniers mois (15), mais l’attaque du village de Duma a tourné au massacre : 176 chrétiens ont été tués, dont de nombreux brûlés vifs dans le temple protestant où ils avaient trouvé refuge ; 137 autres ont été blessés ; une trentaine de femmes et d’enfants ont été kidnappés par les assaillants ; près de 300 maisons ainsi qu’un temple protestant ont été brûlés. Les forces armées présentes dans les environs n’ont rien fait pour s’interposer ou tenter de stopper les assaillants. Selon la lettre de l’évêché d’Amboine, elles se sont même retirées afin de laisser les combattants du djihad perpétrer leur holocauste ».

Détaillant les troubles qui ont ensanglanté d’autres lieux des Moluques, les responsables catholiques des Moluques écrivent que les forces musulmanes à l’ouvre sont parvenues à leur objectif aux Molu-ques septentrionales, à savoir vider l’archipel de toute présence chrétienne. Les îles de Ternate, Tidore, Morotai, Obi, Bacan et Sula sont entièrement musulmanes aujourd’hui », écrivent-ils, tout en soulignant que, sur les îles de Mangole et de Taliabu, situées dans la partie occidentale de la province et plus isolées, musulmans et chrétiens vivent en paix. Toujours selon cet appel, l’île d’Amboine est aujourd’hui encerclée par des combattants du djihad, et, même si les chrétiens tentent de se défendre » et sont prêts à mourir », ils sont surpassés en nombre par les musulmans. Etant donné que le gouvernement indonésien ne dispose plus des moyens de rétablir la paix, estiment encore les auteurs de cette lettre, la seule issue à ce conflit est l’intervention d’une force d’interposition des Nations Unies.

A Djakarta, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a rejeté la possibilité d’une intervention étrangère dans ce conflit. L’Indonésie, a-t-il déclaré, accepterait éventuellement une aide humanitaire pour venir en aide aux réfugiés qui sont de plus en plus nombreux, mais refuserait toute intervention militaire ou politique des Nations Unies. Ceci est un problème interne. Nous ne voulons voir aucun pays étrangers s’ingérer [dans nos affaires] ». Le 28 juin, le ministre des Droits de l’homme, Hasballah Saad, a laissé entendre que si la situation continuait à échapper à tout contrôle, la loi martiale pourrait être décrétée.