Eglises d'Asie – Inde
TEXTE DE LA DERNIÈRE LETTRE DE Mgr ALAN DE LASTIC AU PREMIER MINISTRE INDIEN
Publié le 18/03/2010
Honorable Premier ministre de l’Inde,
Monsieur le Premier ministre,
Permettez-moi de vous remercier d’avoir accepté de nous recevoir pour vous rencontrer. Nous sommes très sensibles au fait que vous soyez prêt à nous écouter.
Au cours des différentes rencontres que nous avons eues avec vous ces deux dernières années, vous nous avez souvent dit que vous partagiez notre souffrance. Nous espérions que le gouvernement fédéral et les gouvernements locaux traduiraient vos assurances en actions concrètes. Nous nous attendions à ce que les violences prennent fin et que soit mis un terme à la campagne, bien orchestrée, de haine et de calomnie contre la communauté chrétienne, campagne qui nourrit ces violences.
En réalité, il y a eu une très forte augmentation des violences anti-chrétiennes, que ce soit dans leur nombre, leur intensité, leur extension géographique ou leur nature. Ceci constitue un développement alarmant qui doit inquiéter au plus haut point le chef du gouvernement, les dirigeants politiques, la société civile et tous ceux qui portent à cour les intérêts de notre bien-aimé pays.
Une Inde unie, démocratique et laïque est remise en question par les forces de la haine et du communautarisme. Du sang innocent a été versé à de nombreuses reprises. L’assassinat de Frère George Kuzhikandam à Navada, Mathura en Uttar Pradesh, le 7 juin 2000, n’est que la plus marquante d’une série d’attaques identiques commises à l’encontre de prêtres, de religieuses et de laïcs en plusieurs endroits des Etats de l’Uttar Pradesh et de Haryana ces derniers six mois. Des bombes à retardement ont explosé le 8 juin 2000 dans une église baptiste à Ongole, dans une église catholique à Tadipalligudem à Godavari (deux lieux situés en Andhra Pradesh), dans l’église Saint Andrew à Goa et dans une église catholique à Wadi (dans l’Etat de Karnataka) ; ces explosions avaient été précédées d’un attentat lors d’une réunion de prières à Machilipatnam en mai dernier. Il est tout à fait providentiel qu’aucune vie n’ait été perdue. La pensée que ces explosions auraient pu se produire un dimanche ou lors d’une fête religieuse nous effraie.
Nous sommes attristés par le silence du gouvernement vers lequel nous nous tournons pour obtenir un soutien afin de faire face au plus sérieux défi auquel notre communauté est confrontée depuis l’indépendance de l’Inde, il y a 53 ans. Les responsables de la police et du système judiciaire ont choisi de ne pas voir en ces événements plus que “des incidents criminels isolés ». Nous nous interrogeons pourquoi ils ne voient pas les motifs qui sont derrière ces violences et pourquoi ils hésitent à explorer complètement toutes les dimensions de l’environnement anti-chrétien qui a été créé en Uttar Pradesh, en Orissa, au Gujarat, en Haryana et dans d’autres Etats. Ce qui apparaît comme étant de plus en plus clairement comme un plan de haine communautaire est palpable par toutes les personnes de bonne volonté – lesquelles sont autant inquiètes que nous de ces développements.
Vous êtes au courant de la rhétorique employée à propos des soi-disant “reconversions » de chrétiens d’origine aborigène en Orissa et au Madhya Pradesh. Il y a eu des propos irresponsables tenus par ceux qui sont responsables de “guerres qui ont fait date » contre les minorités. Une littérature haineuse et largement distribuée dans de nombreuses parties du pays évoque ouvertement des programmes visant à “éliminer les missionnaires chrétiens ». Comment se fait-il que de telles activités n’ont pas retenu l’attention du gouvernement et de ses services ? Comment se fait-il que ces faits n’ont pas déclenché les mesures prévues par la Loi sur la terre ?
C’est la haine qui tue, quelle que soit la personne qui brandit le poignard ou qui amorce la bombe. Les discours porteurs de haine sont désormais universellement reconnus comme étant criminels, contraires aux droits de l’homme, tout particulièrement quand des minorités religieuses, linguistiques ou ethniques, paisibles et sans défense, en sont la cible. C’est ceci qui salit le beau nom de cette terre ancienne dans le concert des nations.
La violence n’est pas notre voie. Jamais, il ne pourra y avoir un discours appelant à la revanche, si c’est cela que cherchent à provoquer ceux qui ont posé des bombes dans les églises. Les relations entre les chrétiens et leurs frères et sours dans d’autres religions demeurent chaleureuses ; c’est dans cet amour des hindous, des musulmans, des sikhs, des bouddhistes, des jaïns et des parsis que nous voyons la plus forte garantie de sécurité. Seule une mince frange de fondamentalistes nous prennent pour cibles. Mais, même pour eux, la réponse chrétienne a été le pardon, la prière et la paix.
Face au sang versé, nous restons attachés à notre mission – une mission d’Amour et de Service à ceux que la société délaisse, les pauvres et les marginaux. Nous ne nous cesserons pas notre ouvre dans le domaine de la santé, de l’éducation, du développement dans les zones rurales aussi bien que dans les villes et les villages.
Nous attendons du gouvernement fédéral et des gouvernements locaux que les libertés de religion et de travail, garanties par la Constitution, soient maintenues. Que le gouvernement assure l’état de droit et contrôle ceux qui cherchent à diviser les communautés et qui menacent de déclarer la guerre contre les minorités, qui font pression sur les institutions et qui attaquent des prêtres et des prédicateurs sans défense, des religieuses et des laïcs désarmés.
Merci
(signé)
Mgr Alan de Lastic Mgr Karam Masih
Président du Forum chrétien uni pour les droits de l’homme Evêque de Delhi (Eglise de l’Inde du Nord)
Président de la Conférence épiscopale indienne (CBCI)
Mgr Nimroth Christian Mgr Ignatius Paul Pinto
Evêque de l’Eglise méthodiste en Inde Archevêque de Bangalore (Karnataka)
Conférence de Delhi et Agra
Mgr Vincent Concessao Mgr Marampudi Joji
Archevêque d’Agra (Uttar Pradesh) Archevêque d’Hyderabad (Andhra Pradesh)
Rev. Dr. G. Samuel P. Donald H.R. DeSouza
de l’Eglise baptiste (Hyderabad) Secrétaire général adjoint de la Conférence
Président du Conseil chrétien pan-indien (Andhra Pradesh) épiscopale indienne (CBCI)
John Dayal
Coordinateur du Forum chrétien uni pour les droits de l’homme,
du Conseil chrétien pan-indien et de l’Union catholique pan-indienne