Eglises d'Asie

La Conférence épiscopale catholique de l’Inde s’est préparée, sans illusion, à rencontrer des dirigeants de groupes hindouistes

Publié le 18/03/2010




La Conférence des évêques catholiques de l’Inde s’est préparée avec soin mais dans un certain scepticisme et sans illusion à la réunion à laquelle la Commission nationale des minorités (NCM) l’a convoquée pour le 11 juillet. Ce jour-là, en effet, devait avoir lieu, sous l’égide de la NCM, une rencontre réunissant dirigeants chrétiens et responsables de groupes hindous extrémistes pour remédier, selon les termes de la convocation, “aux discordes, au manque d’harmonie et aux soupçons existant entre les deux communautés ».

En fait, avant de lancer cette convocation, le président de la NCM avait déjà entamé la discussion sur les récentes attaques contre les missionnaires et les institutions chrétiennes avec les dirigeants de deux groupes hindouistes d’extrême-droite qu’il avait rencontrés le 30 juin dernier, le Vishwa Hindu Parishad (Conseil mondial hindou, VHP) et le parti Bajrang Dal. Ces deux groupes liés au parti au pouvoir, le Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP), sont accusés par les chrétiens d’être impliqués dans les soixante cas de violence dirigée contre les chrétiens ayant été recensés depuis le mois de janvier dernier (plus de 200 depuis deux ans), parmi lesquels les meurtres de trois missionnaires et d’un laïc. Ils ont réfuté les accusations et rejeté la faute sur les services de renseignements pakistanais qui tenteraient ainsi de déstabiliser le pays. En faisant rencontrer les responsables chrétiens et les dirigeants de ces groupes, le président de la NCM désirait, selon ses dires, lancer un processus susceptible de mettre un terme à la violence, processus qu’il désire également étendre au niveau local.

L’absence de concertation préalable et la forme désinvolte de l’invitation ont troublé les responsables chrétiens. Le secrétaire adjoint de la Conférence épiscopale, le P. Donald D’Souza, interrogé à ce sujet au début du mois de juillet, a fait remarquer que les évêques n’avaient pas été consultés auparavant et venaient d’être informés de la rencontre. Selon lui, cette annonce ressemblait beaucoup à un coup de publicité. Les responsables catholiques se sont interrogés sur le sens de l’initiative de la Commission. Qui a donné à la Commission le mandat de convoquer une réunion à notre place », a demandé le P. D’Souza. Le président de la Conférence, Mgr Cyril Mar Baselios, de Trivandrum, s’est dit surpris par l’annonce de la réunion, dont la presse a dit qu’elle avait été décidée après consultation de la Conférence épiscopale catholique et du Conseil national des Eglises en Inde. En outre, selon le porte-parole de l’épiscopat indien, l’Eglise éprouve de la difficulté à dialoguer avec des groupes qui refusent de modifier leurs a priori et leurs préjugés contre elle et de retirer leur soutien aux auteurs des attaques contre les chrétiens. L’épiscopat indien a cependant accepté le principe de cette réunion, tout en étant conscient des circonstances dramatiques qui l’entoureront, à savoir le climat agressif qui règne en certains milieux.

Le peu d’enthousiasme des responsables chrétiens pour l’initiative de la Commission des minorités a suscité la réprobation de certains de ses membres. John Joseph, chrétien pentecôtiste, membre de la Commission, a déclaré que, contrairement aux déclarations faites par lui plus tôt, le président de la Conférence épiscopale avait été informé de la réunion projetée et s’était montré heureux de cette initiative, allant même jusqu’à proposer qu’une autre organisation hindouiste, le Rashtriya Swayamsevak Sangh (Corps national des volontaires, RSS), y soit également invitée. Il a également expliqué que quelques dirigeants chrétiens voulaient torpiller » le dialogue afin de maintenir la tension entre les deux communautés et attirer l’attention de l’opinion internationale.

Voilà déjà quelque temps que le torchon brûle entre les responsables de diverses confessions chrétiennes et la NCM, une commission fondée en 1978 pour évaluer l’application de diverses mesures en faveur des minorités prévues par la Constitution indienne. Des critiques particulièrement virulentes avaient été lancées contre elle, le 11 et le 14 juin, à Kochi, lors de deux réunions organisées par l’archevêque syro-malabar Varkey Vithayathil pour alerter l’opinion à ce sujet. Il avait décrit la NCM comme une institution sans aucune efficacité, ayant échoué dans sa tâche de protéger les minorités. Selon lui, si les violences continuent aujourd’hui, c’est parce que cette commission n’est plus une organisation impartiale et juste. Ayant perdu toute crédibilité, elle devrait être rapidement remplacée.