Eglises d'Asie – Philippines
Les évêques philippins s’élèvent contre un projet de loi promettant une remise de peine aux condamnés en échange d’un don d’organe
Publié le 18/03/2010
Le ministère de la Santé avait annoncé en juin dernier qu’un projet de loi proposé par l’Association philippine des malades rénaux comportait la possibilité de commuer la peine capitale en emprisonnement à vie pour un condamné à mort qui donnerait un de ses organes vitaux, un rein par exemple, en vue d’une transplantation. Le document de la CBCP dit que la proposition ne laisse pas d’autre choix à un innocent, dès lors qu’il aurait donné son rein, que d’affronter la perspective d’être, jusqu’à sa mort, tenu pour coupable d’un crime qu’il ou elle n’aurait pas commis. “Le pire est, qu’ayant consenti à donner un de ses organes pour commuer une peine, cela pourrait apparaître de la part du détenu comme un aveu indirect de sa culpabilité ». Pour la CBCP, “le projet de loi semble vouloir accepter l’idée qu’un détenu n’est qu’un être inutile qui n’aurait rien à perdre mais tout à gagner ». Ce document réitère l’appel de la CBCP pour le vote d’une loi abolissant la peine de mort. Pour remédier au manque de donneurs, en particulier de reins, une loi capable de susciter d’éventuels donneurs, autres que des condamnés à mort, devrait être étudiée, ajoute la CBCP.
D’après Enrique Ona, le directeur de l’Institut national de transplantation rénale, les Philippines ont le taux de dons d’organe le plus bas du monde. Ona explique que les patients, même en danger de mort, préférent recevoir l’organe d’un étranger plutôt que de demander à un parent de donner le sien. “Nous ne faisons que 250 transplantations par an parce la plupart des gens, même parmi les proches, rechignent à donner leurs organes », précise-t-il. D’après lui, la plupart des donneurs potentiels ont peur des accidents de santé qui pourraient s’ensuivre. Ona estime à au moins à 7 500 le nombre annuel des malades rénaux, la moitié d’entre eux exigeant une transplantation. La transplantation est souvent la meilleure solution, explique-t-il, parce que les taux de remboursement de l’assurance maladie sont faibles et que la dialyse est coûteuse et astreignante (trois fois par semaine). Au Centre médical Cardinal Santos, proche de Manille, une séance de dialyse coûte entre 2 400 et 5 500 pesos (55-125$US) suivant la méthode adoptée, sans compter les honoraires des médecins et les autres frais de laboratoire. Deoven Ariscon, un des responsables de l’Association philippines des malades rénaux, l’association qui a proposé le projet de loi au Congrès, a récemment perdu sa femme après sept ans de dialyse. “J’ai dépensé des millions de pesos pour la soigner, des dépenses bien supérieures à ce que peut engager un Philippin moyen estime Ariscon.
Le P. Jose Rojas, de Caceres, spécialiste de théologie morale, a expliqué aux journalistes que la transplantation d’organes est devenue “très fréquente et tout à fait commune » et ne pose plus de problèmes moraux, encore que, dit-il, un transplant reçu d’un donneur vivant est, d’un point de vue de théologie morale, plus compliqué que celui pris sur un donneur décédé. La CBCP s’est beaucoup inspirée des recherches de ce prêtre pour répondre à cet avant-projet destiné aux détenus et aux dons d’organe. Le P. Rojas dit que, dans les cas des donneurs vivants, leur consentement est vital pour rendre moralement licite cette transplantation. “Dans ce processus de transplantation, l’intégrité fonctionnelle réelle du donneur ne doit pas être diminuée, quoique la procédure puisse affecter l’intégrité anatomique ou physique du donneur. La diminution de l’intégrité physique est permise », dit-il, dans la mesure où existe “une raison proportionnellement grave de l’autoriser ».
Depuis que la peine capitale a été restaurée aux Philippines en 1994, plus de 1 300 condamnations à mort ont été prononcées. La Cour suprême en a annulé 26 et sept hommes ont été exécutés.