Eglises d'Asie – Indonésie
Moluques : selon des responsables de l’Eglise catholique sur place, l’état d’urgence décrété le 27 juin est impuissant à arrêter les massacres
Publié le 18/03/2010
Le 4 juillet, des milliers de combattants musulmans venus de Jasirah Leihitu, Batu Merah et Gallunggung, de quartiers d’Amboine, ont attaqué dès 5 heures du matin trois villages chrétiens, à Poka, Rumahtiga et Wailela. A 10 heures du matin, les musulmans ont pénétré sur le campus de l’université d’Etat de Pattimura, lançant des bombes artisanales et tirant au mortier sur les bâtiments. Le bâtiment administratif principal, récemment construit, la bibliothèque, divers départe-ments et facultés, un laboratoire et un gymnase ont été détruits. Le temple protestant de Bethesda, datant de l’époque coloniale hollandaise, et une église catholique ont aussi été détruits. « Comment est–il possible que l’université de Pattimura et tant d’autres bâtiments publics aient été détruits ? Si Amboine doit devenir une ville à 100 % musulmane, ils auront pourtant besoin de ces infrastruc–tures », s’est lamenté le P. Cornelis J. Böhm, secrétaire du Centre de crise du diocèse d’Amboine.
Lors de ces attaques, nombre de chrétiens ont cherché à fuir par la mer. Certains ont pu traverser la baie d’Amboine en bateaux pour se réfugier sur la base navale d’Halong, mais, selon le témoignage de membres de l’Eglise catholique, de nombreux autres ont été pris au piège. « L’armée n’était pas là quand les émeutiers sont arrivés », rapporte au Djakarta Post un rescapé de Poka. Selon un autre témoignage, « les militaires ne se soucient que de protéger leur vie et plus d’un a été vu aux côtés des combattants musulmans de la djihad ».
Le 6 juillet au matin, ce fut au tour du village chrétien de Waai d’être attaqué. Equipés d’armes sophistiquées (mortiers, grenades, fusils d’assaut), les assaillants sont venus de deux côtés, par la mer et des villages musulmans de Tulehu et de Liang. Mettant le feu aux maisons, ils ont chassé les habitants devant eux. Vingt-deux personnes ont été tuées, une soixantaine d’autres blessées. La plupart des habitants de ce village, éloigné d’une trentaine de kilomètres d’Amboine, ont cherché refuge dans les bois ; d’autres ont pu monter à bord de deux vedettes rapides. Avant l’attaque, les villageois de Waai avaient demandé, en vain et à plusieurs reprises, à bénéficier de la protection de l’armée. Les militaires n’ont pu empêcher les assaillants de pénétrer dans le village. Le Centre de crise du diocèse d’Amboine déclare à ce propos : « Nous sommes forcés de conclure que I Made Yasa (le colonel commandant les forces armées aux Moluques) crée délibérément un contexte favorable aux musulmans en vue d’exterminer les communautés chrétiennes. »
Selon les médias locaux, le gouverneur de la province, Saleh Latuconsina, aurait déclaré regretter ces incidents et rester « sans voix » face à la tournure prise par les événements aux Moluques. Interrogé au sujet des incidents du 4 juillet, il renvoie au responsable militaire de Pattimura pour toute tentative d’explication.
Selon le directeur du Centre de crise du diocèse d’Amboine, le P. Agus Ulahaiyanan, le seul résultat visible et positif de la mise en place de l’état d’urgence est que les militaires ont confisqué une partie des armes qui circulent (des bombes artisanales mais aussi des fusils automatiques et des grenades). Cependant, « de façon générale, l’état d’urgence a conduit à une détérioration de la situation. Les lignes téléphoniques avec l’étranger ont été coupées ; les médias sont soumis à la censure. Tout ceci contribue à la diffusion de fausses informations et de rumeurs déstabilisatrices », a-t-il commenté.