Eglises d'Asie

Une proposition de loi au sujet de l’harmonie interreligieuse suscite les réserves de l’Eglise catholique

Publié le 18/03/2010




Selon le P. Ignatius Ismartono, secrétaire de la Commission pour les Affaires interreligieuses de la Conférence épiscopale indonésienne (KWI), la proposition de loi actuellement à l’étude au sujet de l’harmonie interreligieuse est à la fois “pleine de contradictions » et “contre-productive ». Lors d’un colloque organisé par des musulmans fin mai à Djakarta, le P. Ismartono a expliqué que l’har-monie est une valeur universelle positive, résultat de l’interaction sociale constante entre tous les membres d’une même société. “Une loi [à propos de l’harmonie interreligieuse] fait sens pour le peuple indonésien si elle le libère de tous les actes qui vont à l’encontre du droit à vivre ensemble, a-t-il précisé. Mais la loi ne doit pas diviser les gens et les enfermer dans des catégories. »

La première tentative visant à faire voter une loi sur l’harmonie interreligieuse remonte à 1988, sous la présidence de B.J. Habibie ; elle était l’ouvre d’hommes politiques musulmans, inspirés par des groupes islamiques, à un moment où, selon le P. Ismartono, le gouvernement dirigé par B.J. Habibie cherchait à utiliser la religion afin d’asseoir son pouvoir. La nouvelle proposition de loi, explique encore le P. Ismartono, si elle était votée, n’aboutirait qu’à réduire les religions à des groupes identitaires, mettant l’accent sur les rites et interdisant en fait les religions de jouer leur rôle de bâtisseur moral ».

Si une telle loi était votée, le risque d’abus serait grand, explique encore le secrétaire de la Commission pour les Affaires religieuses de la KWI. En effet, la liberté religieuse est aussi la liberté de ne pas avoir de religion et l’Etat ne doit pas intervenir dans le domaine de la religion si, de toute évidence, son intervention ne contribue pas à permettre à l’individu de se réaliser. Une loi sur l’harmonie interreligieuse ne peut qu’être injuste envers ceux qui ne professent pas de religion, et ne pas professer de religion est un droit de l’homme ». Or la loi doit s’appliquer à tous, pas seulement à ceux qui appartiennent à une religion ou à une autre ».

A nos yeux, ce qui est urgent à l’heure actuelle afin de maintenir une bonne harmonie entre les fidèles des diverses religions en Indonésie est de prendre des mesures fermes contre ceux qui utilisent les symboles religieux pour diviser la nation », a déclaré le P. Ismartono. Mais voter une loi fondée sur ce qu’il désigne comme les torts fabriqués » à partir de l’appartenance ethnique, de la race, de la religion ou de l’identité communautaire ne peut que renforcer ces torts et aggraver les conflits.

A l’occasion d’un autre colloque, le jésuite Franciscus Xaverius Mudji Sutrisno a pris la parole pour dire que tenter de renforcer l’harmonie par voie légale n’est qu’un faux-semblant et ne va pas à la racine du problème. La racine de l’intolérance se trouve dans l’histoire douloureuse de l’Indonésie contemporaine, a expliqué ce prêtre qui est professeur de philosophie à la Faculté catholique de philosophie Diryarkara, à Djakarta. Nous nous sommes causés du tort les uns aux autres et nous n’avons jamais résolu ces problèmes d’une façon religieuse ». L’harmonie interreligieuse dépend avant tout de l’honnêteté et de la fidélité des croyants ; elle se situe au-delà des lois, a-t-il précisé.

Lors de récentes réunions en Commission des lois avec des membres de la Chambre des représen-tants, l’idée de faire adopter une loi en faveur de l’harmonie interreligieuse a été soutenue par des oulémas musulmans ainsi que par des représentants des clergés bouddhiste et hindou. La Conféren-ce épiscopale indonésienne (KWI) et la Communion des Eglises protestantes ont fait savoir leur opposition à ce projet, réaffirmant que l’Etat ne doit pas s’ingérer dans les affaires religieuses.