Eglises d'Asie – Philippines
Après un incident meurtrier entre l’armée et une secte chrétienne, Mgr Orlando Quevedo appelle l’armée à cesser d’instrumentaliser les milices chrétiennes à Mindanao
Publié le 18/03/2010
Le 11 août dernier, selon Diosdado Ofngol, maire de Kimanait, un détachement de l’armée, accompagné de policiers, de membres d’une unité paramilitaire et d’un guide civil, s’est présenté devant les maisons occupées par les membres d’une secte d’origine chrétienne, la milice de l’“Esprit catholique de Dieu ». Les militaires étaient porteurs d’un mandat d’amener au nom de Roberto Madrina Jr., un membre de cette secte, pour une tentative de crime commise onze ans plus tôt, en 1989. Après divers appels infructueux à la reddition, il semble que des membres de la secte soient sortis des hautes herbes, machettes à la main, aient tué trois paramilitaires et le guide civil, et se soient emparés de deux armes automatiques. Les militaires auraient alors ouvert le feu et tué 16 membres de la secte. Une enquête a été ouverte pour déterminer si la riposte des militaires a été proportionnée à la menace rencontrée. Une cassette vidéo tournée lors de l’assaut fait état de scènes assimilables à des exécutions sommaires. Le chef de la police nationale, Panfilo Lacson, a parlé de ces actes comme étant “purement et simplement des meurtres ».
Selon Diosdado Ofngol, Roberto Madrina faisait partie de ce mouvement, “l’Esprit catholique de Dieu depuis 1996 mais ni lui, ni ce groupe n’avaient été impliqués dans des affrontements locaux ou des missions spéciales. Ce groupe aurait été fondé par Gregorio Saguntao, un médecin du cru, qui aurait bâti là une petite maison en 1994 et commencé à guérir les gens de toutes sortes de maladies. Six ans plus tard, 100 à 200 personnes vivaient dans une cinquantaine de huttes autour de sa maison. Toujours selon Ofngol, la plupart de ces gens sont des migrants des provinces centrales et septentrionales des Philippines qui viennent trouver du travail dans les plantations de la région. Le 11 août, lors des incidents, Gregorio Sagunto s’est enfui à cheval tandis que la plupart des membres de son groupe ont fui à travers bois.
Trois personnes du groupe n’ont pas pris la fuite et se sont rendus. L’une d’entre elles a déclaré avoir tenté de dissuader ses camarades, âgés de 17 à 37 ans, d’attaquer les forces de l’ordre, mais “ils pensaient que leurs amulettes les protégeraient ». Les victimes de cet affrontement portaient en effet des colliers, des médailles faisant office de ‘gri-gri’ et ils transportaient des bouteilles “d’eau bénite » censées les protéger des balles et des flèches. Selon Vicky Aquino, de la station de radio du diocèse de Malaybalay, certaines milices para-chrétiennes, dites “tadtad » (coupe-coupe), qui avaient disparu depuis dix ans, réapparaissent actuellement et affrontent les rebelles du Front moro de libération islamique.
Les sectes “tadtad », connues pour leur férocité, sont apparues à Mindanao dans les années 1970, alors que la région était le théâtre d’affrontements entre l’armée et les séparatistes musulmans (23). Leurs membres se recrutaient principalement parmi les migrants venus du nord et du centre du pays, entrés en conflit d’intérêt avec les musulmans habitants sur place. Selon de nombreux témoignages, le gouvernement et les services secrets américains ont utilisé ces sectes en les transformant en milices chargées de lutter contre les rebelles musulmans puis contre les communistes et leurs sympathisants. Mêlant des croyances populaires avec des éléments de la religion chrétienne, les membres de ces groupes se croyaient souvent investis de pouvoir surnaturels. Dans les années 1990, alors que la menace communiste s’estompait, certaines de ces milices se sont reconverties dans le banditisme. Le regain actuel des affrontements entre l’armée et les musulmans séparatistes du Front moro de libération islamique fait craindre à certains un renouveau de ces sectes dites “tadtad ».