Eglises d'Asie – Philippines
Après un nouveau massacre de civils, évêques catholiques et responsables musulmans coordonnent leurs efforts pour combattre la violence à Mindanao
Publié le 18/03/2010
Mgr Fernando Capalla, archevêque de Davao, a déclaré que la nécessité de faire la vérité sur ce qui se passe au sud et sur ce qu’en disent les uns et les autres est indispensable. “Nous sommes bombardés de communiqués de presse émis par l’armée mais nous avons décidé que nous avions besoin d’autres sources d’information », a expliqué Mgr Capalla, responsable de la Commission pour le dialogue interreligieux au sein de la Conférence épiscopale. Il a annoncé que le “Forum évêques–oulémas » (BUF) (20) avait décidé d’implanter un certain nombre de centres d’information, à Davao et Cotabato (centre de Mindanao), à Iligan (province de Lanao del Norte) et Zamboanga (extrême ouest de Mindanao). Le MILF et les troupes gouvernementales continuent de s’affronter autour d’Iligan et de Cotabato, et Zamboanga est la base principale des forces armées gouvernementales dans le sud. “Nous nous méfions depuis longtemps des informations qui nous viennent de l’armée, explique l’archevêque. Les militaires ont tendance à rendre le MILF responsable de tout et justifient ainsi la guerre qu’ils mènent ». Mgr Capalla déplore également que, même parmi les artisans de paix, “les vieilles blessures » aient été rouvertes par le massacre de vingt villageois le 16 juillet dernier, au nord-ouest de Davao, et ce qui a été perçu comme la “profanation » par les soldats gouvernementaux du camp d’Abudakar, l’ancien quartier général du MILF.
Le 16 juillet, l’armée philippine annonçait que les rebelles du MILF s’étaient emparés de vingt “chrétiens » dont une femme enceinte, dans le village de Somogot, près de la petite ville de Bumbaran, et les avaient massacrés dans une “mosquée Les militaires affirment qu’il s’agis-saient de rebelles fuyant le camp d’Abubakar, “reconquis » le 10 juillet. Selon Mgr Capalla, le BUF devra enquêter sur ces meurtres car, d’après lui, le gouverneur de Lanao del Sur, Mahid Mutilan, a déclaré, au cours de la rencontre du BUF à Manille, qu’il était impossible pour des musulmans, civils ou combattants, de commettre un crime dans une mosquée, considérée par tous comme un lieu sacré. Mahid Mutilan a rappelé que les bandits étaient très actifs dans la région et que des familles en mal de vendetta, accompagnées d’hommes de main “bien armés et connus depuis longtemps », prospéraient aux environs de Bumbaran. Un porte-parole du MILF, Eid Kabalu, de son côté, a déclaré qu’il était “très improbable » que les auteurs de ce massacre fussent des combattants du MILF : “Les responsables de cette action ont voulu discréditer le ‘djihad’ (guerre sainte) du MILF et attiser les conflits interreligieux à Mindanao » (21).
Interrogées à la télévision, le 22 juillet, les familles des paysans tués le 16 juillet ont dit qu’une centaine d’hommes vêtus comme les hommes du MILF étaient venus au village et s’étaient présentés comme appartenant au MILF. Ils ont rassemblés leurs victimes au petit matin et les ont exécutées dans la soirée. Selon le Philippine Daily Inquirer, un quotidien de Manille, les victimes ont été tuées dans “une pièce (d’une maison) improvisée en lieu de prière » et non dans une mosquée.
Le 19 juillet, Mgr Orlando Quevedo, archevêque de Cotabato et président de la Conférence des évêques catholiques des Philippines (CBCP), a offert ses condoléances aux familles et prié pour leurs morts. Réaffirmant que “prendre une vie, blesser ou faire souffrir ne peut jamais être justifié», il a réitéré l’appel de la CBCP à cesser les combats et à reprendre les négociations entre le gouvernement et le MILF : “Le massacre de civils innocents suivi de l’appel au djihad pour venger la perte du camp d’Abubakar sont les conséquences inéluctables de cette poursuite absurde de la guerre » (22). Mgr Quevedo a également souligné que la guerre “est entrée dans une phase nouvelle et incertaine », qu’elle “allait se prolonger, devenant toujours plus dangereuse, sans zones de front identifiables ».