Eglises d'Asie

Les deux principales organisations musulmanes du pays se prononcent contre une proposition d’amendement visant à “islamiser” la Constitution

Publié le 18/03/2010




Le 11 août dernier, alors qu’une commission spéciale de l’Assemblée consultative du peuple était sur le point de se réunir pour débattre d’une proposition visant à inscrire dans la Constitution un amendement selon lequel les musulmans en Indonésie seraient obligés de vivre selon les préceptes coraniques, les dirigeants des deux principales organisations musulmanes du pays ainsi qu’un universitaire musulman de renom ont publié un communiqué commun mettant en garde les parlementaires contre cette proposition, une proposition qui selon eux ne pourrait que “mettre en danger la liberté religieuse » dans un pays majoritairement musulman mais au régime laïque.

Dans leur communiqué publié le 10 août, Hasyim Nuzadi, dirigeant de la Nahdlatul Ulama, for-te de 40 millions de membres, Syafi’i Ma’arif, dirigeant de la Muhammadiyah, forte de 30 mil-lions de membres (13), et Nurcholis Majid précisent qu’un tel amendement renferme le danger potentiel d’impliquer l’Etat dans la vie religieuse » et qu’une telle implication ne ferait que déformer les pratiques religieuses et politiser les questions religieuses ». Si un tel amendement était voté, des mesures semblables devraient être adoptées pour les autres principales religions pratiquées dans le pays, le christianisme, l’hindouisme et le bouddhisme. Si cela survient, cela créera certainement des frictions interreligieuses qui menaceront l’unité nationale ». De plus, poursuivent les trois auteurs, l’Etat doit se maintenir à l’écart des affaires religieuses, car, disent-ils, il n’a pas autorité pour juger du bon respect des enseignements de l’islam ».

Cette proposition d’amendement a été introduite par le Parti unifié pour le développement et un groupe de petits partis politiques musulmans qui demandent la révision de l’article 29 de la Constitution, article qui garantit depuis 55 ans à chaque Indonésien la liberté de pratiquer sa religion selon ses propres croyances. Dans les années 1940, des groupes musulmans avaient déjà tenté d’introduire une clause “islamique” dans la Constitution en cours de rédaction mais les fondateurs du pays et rédacteurs de la Constitution avaient écarté cette éventualité. Aujourd’hui, font remarquer les observateurs, cette proposition d’amendement n’a pas beaucoup de chance d’être votée car le Golkar et le PDI-P (Parti démocratique indonésien de lutte), qui détiennent à eux deux 367 des 700 sièges de l’Assemblée consultative du peuple, se sont prononcés contre l’adoption de cet amendement. L’un des dirigeants du Golkar, Slamet Yusuf Effendy, a notamment déclaré : Nous pensons qu’un tel amendement produirait l’élévation d’un groupe religieux [au détriment des autres] et que cela signifierait la fin de la nature pluraliste de l’Etat [indonésien] ».

L’Indonésie, dont 86 % des 210 millions d’habitants se réclament de l’islam, est le pays qui abrite le plus grand nombre de musulmans au monde mais elle n’est pas un Etat islamique. Cinq religions sont reconnues officiellement : islam, hindouisme, bouddhisme, catholicisme et protestantisme. On estime que, parmi les 86 % de musulmans, 35 % sont des adeptes de cultes syncrétiques mêlant islam, bouddhisme, hindouisme et animisme ; seuls 43 % seraient des musulmans stricts. Par ailleurs, les chrétiens forment environ 10 % de la population (dont 3,3 % de catholiques).