Eglises d'Asie

New Delhi : tandis que les dirigeants politiques lancent un appel à la tolérance, les chrétiens prient pour les victimes de la haine

Publié le 18/03/2010




Alors que les chrétiens de New Delhi célébraient le jour de l’indépendance indienne (15 août) en priant pour la survie des valeurs laïques traditionnelles du pays, le président de l’Etat indien et son Premier ministre lançaient, au cours de discours prononcés par eux à cette occasion, un appel en faveur de la tolérance religieuse, appel accueilli favorablement aussi bien par les observateurs politiques que par les responsables d’Eglise. A la veille de la fête, dans une allocation où il a stigmatisé le crime et la violence et relevé l’injustice profonde et la discrimination dont souffrent diverses catégories de la société indienne, encore marginalisées, le président K.R. Narayanan a dit que “l’héritage de tolérance entre les diverses croyances et idéologies était en train de donner des signes de déclin ». Il a ajouté : “Une nouvelle intolérance souvent issue de la violence se manifeste à l’intérieur de notre société ». De son côté, s’adressant à la nation tout entière, le jour de l’indépendance, le chef du gouvernement Atal Behari Vajpayee a déclaré que son gouvernement ne tolérerait pas les activités de quelque organisation que ce soit qui répandrait “le venin communautariste et la discorde ».

Le P. Donald D’Souza, secrétaire général adjoint de la Conférence épiscopale indienne, s’est déclaré très heureux des déclarations des dirigeants indiens tout en soulignant que les chrétiens continuent d’accuser le BJP (Bharatiya Janata Party, Parti du peuple indien), parti dominant de la coalition au pouvoir, de soutenir tacitement les groupes nationalistes responsables des agressions contre les chrétiens. Elles n’ont cessé de se multiplier depuis la venue au pouvoir de ce parti et s’élèvent aujourd’hui à 200.

En cette fête de l’indépendance, les chrétiens de la capitale indienne avaient choisi, pour orienter leurs prières pour la nation, un thème tout proche de celui sur lequel ont insisté les dirigeants gouvernementaux. Les 5 000 chrétiens qui ont participé le 13 août, au service ocuménique qui a eu lieu auprès du Mémorial de Gandhi à New Delhi, ont tenu à rappeler les traditionnelles valeurs laïques de l’Inde et ont prié pour la survie de l’esprit laïque en Inde, esprit mis en péril par les violences actuelles. Un communiqué de l’archidiocèse catholique de Delhi soulignait que la journée de prières avait pour but de renforcer les traditions démocratiques et laïques du pays. Auparavant, les organisateurs avaient dénoncé les intérêts camouflés derrière les tentatives actuelles visant à détruire l’héritage pluraliste de l’Inde et à présenter les chrétiens et les autres minorités comme opposées à la nation. Les chrétiens ont prié aux intentions des victimes des violences anti-chrétiennes survenues dans tout le pays, mais aussi des morts tombés lors des heurts entre hindous et musulmans au Gujarat, ou encore des victimes innocentes des groupes séparatistes du Cachemire.

En même temps, une lettre ouverte adressée par l’archidiocèse au gouvernement lui faisait part des sentiments des chrétiens en cette journée de fête nationale. Alors que leur pays célèbre son indépendance, ceux-ci se réjouissent de sa démocratie, de ses traditions pluralistes et de la laïcité garantie par sa Constitution. Cependant, la lettre demandait au gouvernement de renforcer le rôle de la loi et de mettre un terme à la campagne de haine contre le christianisme. Même si les assassins ne sont pas retrouvés par la police, remarquent les auteurs de la lettre, les initiateurs de cette campagne sont loin d’être anonymes. Elle rappelle que les chrétiens sont la cible privilégiée du terrorisme, que des prêtres sont assassinés tandis que religieuses, prédicateurs et travailleurs sociaux sont les victimes désignées des plus violentes attaques.