Eglises d'Asie

Gujarat : la police arrête des militants d’une association défendant les intérêts de la population locale menacés par un projet de réaménagement du Narmada

Publié le 18/03/2010




Le 24 août dernier, une manifestation a été organisée dans le district de Vaodarat de l’Etat du Gujarat par l’association Narmada Bachao Andolan (‘Sauvons le Narmada’, NBA) pour faire valoir les droits de la population du lieu, appartenant en majorité à des minorités ethniques. Celle-ci va être dépouillée de ses terres et déplacée de son habitat traditionnel sur les rives du Narmada pour laisser la place à de très importants ouvrages hydroélectriques. 34 militants de l’association ont été arrêtés par la police de l’Etat tandis que quelque cinq cent manifestants étaient repoussés hors du site du futur barrage. Des centaines de policiers avaient été déployés autour de la zone contestée et des barrages établis sur les routes, qui défendaient l’accès aux rives du fleuve. Selon des déclarations recueillies auprès du com-mandement de la police, les forces de l’ordre auraient eu pour mission d’assurer la sécurité d’une fête religieuse en l’honneur de la naissance de Khrishna, dont le bon déroulement aurait été menacé par la manifestation des opposants au barrage.

Le projet appelé Sardar Sarovar, dont le coût devrait s’élever à près de 6 milliards de dollars, prévoit de construire un ensemble de digues sur le fleuve Narmada et sur ses affluents : 30 d’entre elles seront de très vaste dimension, 135 seront moyennes et 3 000 plus petites (19). Le fleuve Narmada, appelé aussi Narbada ou Nerbudda, dont le cours va être ainsi réaménagé, prend sa source dans la chaîne montagneuse de Maikala dans l’Etat du Madhya Pradesh et achève sa course dans le golfe de Cambay, après avoir parcouru 1 300 km et arrosé les Etats de Maddhya Pradesh et du Gujarat. Déjà connu du géographe grec Ptolémée, il est considéré par la population comme le fleuve le plus sacré de l’Inde après le Gange.

Pour mener à bien les travaux, il est prévu de déplacer un demi-million d’habitants, parmi lesquels au moins 40 000 familles appartiennent aux minorités ethniques des Etats du Gujarat, du Madhya Pradesh et du Maharastra, avant que les eaux ne submergent 13 774 hectares de forêts et 11 318 hectares de terres agricoles. Pour justifier le coût financier, écologique et humain d’un tel projet, le gouvernement local met en avant la création d’un système hydraulique gigantesque (75 000 km de canaux) que permettra l’établissement du réseau de digues. Il sera capable d’irriguer des millions d’hectares de terres de l’Inde occidentale souvent frappée par la sécheresse, de fournir électricité et eau potable à 132 agglomérations urbaines et 7 234 villages.

L’association Narmada Bachao Andolan s’est constituée il y a quelque 20 ans non pas pour s’opposer à la construction des barrages mais pour inciter le gouvernement à tenir compte des problèmes écologiques et humains que soulève cette construction. L’association exige en particulier que les autorités locales révisent leur projet en fonction des desiderata de la population et avec sa participation. Elle souligne que certaines des terres promises aux paysans par le gouvernement en compensation de celles qu’ils vont perdre sont pierreuses et infertiles.

Selon certains militants de l’association, la situation serait arrivée aujourd’hui à un point critique. En procédant à l’arrestation et à la détention illégale de leurs compagnons, actes qui s’ajoutent à une série d’autres comme la fouille des locaux de l’association ou la dissolution de manifestations, les autorités tentent de faire disparaître toute forme d’opposition aux barrages. Tout récemment, dans une lettre envoyée au ministre-président du Gujarat, Amnesty International lui faisait remarquer que son gouvernement avait, dans son comportement à l’égard des militants de la NBA, attenté à la liberté d’opinion et d’expression garantie par les lois indiennes. D’autres organisations internationales comme la Banque mondiale (qui s’est retirée du projet depuis 1993) reprochent au futur barrage de n’être pas conforme aux normes exigées par le respect de l’environnement naturel et humain.