Eglises d'Asie

Réaction modérée des autorités vietnamienne au rapport du département d’Etat sur la liberté religieuse dans le monde

Publié le 18/03/2010




Avec sans doute plus de modération qu’à l’accoutumée, les autorités vietnamiennes ont exprimé leur désaccord concernant le chapitre de 16 pages consacré au Vietnam dans le rapport annuel du département d’Etat américain sur l’état de la liberté religieuse dans le monde, publié le 5 septembre 2000 (42). Deux jours après sa publication, au cours d’une conférence de presse, le porte-parole des Affaires étrangères du Vietnam faisait connaître l’appréciation négative portée par son ministère sur ce rapport, appréciation reprise dans les mêmes termes, le jour-même, par le quotidien du Parti, le Nhân Dân, et par l’agence d’information officielle.

Les critiques gouvernementales n’ont pas porté sur les détails du tableau assez bien informé de la situation religieuse au Vietnam, dressé par les experts américains. Elles se sont réduites surtout à des remarques d’ordre général. En premier lieu, le gouvernement vietnamien a contesté le droit que se donnent les Etats-Unis de juger de la situation religieuse d’un autre pays, un droit qui, selon lui, est contraire au droit international. Puis, après avoir qualifié d’incorrectes et dépourvues d’objectivité les observations du rapport, les déclarations gouvernementales ont repris les affirmations habituelles à ce sujet, soulignant que la liberté de religion et de non-religion est inscrite dans la Constitution du pays et que le gouvernement considère les croyances et les religions comme un besoin spirituel d’une partie de la population. On peut cependant observer que le ton de ces remarques était relativement peu agressif et que la dépêche de l’Agence vietnamienne d’information concluait en mentionnant la rencontre du président Trân Duc Luong avec Bill Clinton à New York à l’occasion du sommet du millénaire et en affirmant que ce dernier serait le bienvenu au Vietnam.

Le rapport du département d’Etat mis en cause par le gouvernement vietnamien, associe une description sociologique précise des divers groupes religieux en activité au Vietnam à une analyse de fond concernant les mécanismes de la politique religieuse de l’Etat vietnamien. Une grande place est donnée à la description des différentes Eglises, à leur histoire récente, aux statistiques les concernant, aux pressions, persécutions, tracasseries subies par elles. Mais l’analyse de la politique religieuse reste l’élément le plus intéressant du rapport du Département d’Etat.

Au jugement des rédacteurs du rapport, la situation religieuse au Vietnam n’a que peu évolué depuis le précédent rapport couvrant la période 1998 1999. Certaines améliorations sont notées comme la libération de douze protestants d’ethnie h’mong, la libération de 3 prêtres catholiques, une plus grande facilité de la pratique dans les religions reconnues, surtout le bouddhisme et le catholicisme. Cependant les restrictions imposées à la liberté religieuse dans les années passées perdurent dans leur majorité. Il est noté que l’obligation pour les religions d’obtenir une reconnaissance de l’Etat en se faisant enregistrer officiellement est une arme puissante entre les mains de ce dernier. Elle lui permet de contrôler strictement les activités religieuses des religions ainsi reconnues et, en même temps, de persécuter et pourchasser les croyants qui n’ont pas reçu cette reconnaissance ou qui refusent de la demander. Le rapport insiste sur la différence de traitement adoptée par les autorités à l’égard des croyants selon qu’ils appartiennent ou non à une religion enregistrée par l’Etat.

Les religions reconnues, au nombre de six, le bouddhisme, le catholicisme, le protestantisme, le caodaïsme, la bouddhisme Hoa Hao et l’islam, le sont dans une structure ecclésiale précise, avec une organisation déterminée et des rapports de subordination à des organismes comme le bureau des Affaires religieuses. Elle jouissent de certains avantages concernant le culte ou la formation du clergé mais sont strictement contrôlées dans leur hiérarchie et l’organisation de leurs activités. L’attitude de l’Etat à l’égard de certains groupes religieux qui ne jouissent pas de cette reconnaissance, parce que leur introduction dans le pays est récente ou parce qu’ils refusent certaines conditions de cette reconnaissance, est toute différente puisque les autorités les considèrent comme illégaux. C’est en particulier le cas de l’Eglise du bouddhisme unifié dont les religieux et fidèles mènent une résistance tenace aux pressions exercées sur eux pour qu’ils rejoignent les rangs du bouddhisme officiel patronné par l’Etat. Dans un cas semblable, se trouvent aujourd’hui certains dirigeants du bouddhisme Hoa hao d’avant 1975 et de nombreux fidèles qui ont refusé d’adhérer à l’organisation officielle de cette religion reconnue par le gouvernement en 1999. La situation des Eglises protestantes est complexe. Au nord, l’Eglise évangélique est reconnue depuis 1954. Au Sud, elle vient seulement de s’engager dans des discussions avec le gouvernement pour faire reconnaître quelque 300 communautés. Beaucoup d’entre elles particulièrement celles qui sont implantées chez les minorités ethniques du nord et des Hauts plateaux du sud rencontrent de très sérieuses difficultés.

En général le rapport se montre fort bien informé de la situation des diverses religions relevant avec précision les faits et les incidents appartenant à leur histoire récente. Par contre on ne trouvera aucune analyse des différentes directives gouvernementales réglementant les activités religieuses, pas même du dernier document, le décret n° 26/1999/ND-CP du 19 avril 1999 qui, pourtant a suscité de très vigoureuses réactions dans les milieux religieux.