Eglises d'Asie

Un prisonnier de retour en Corée du Nord se sent écartelé entre la peine de devoir quitter sa vieille mère au Sud et la joie de retrouver sa femme et ses enfants au Nord

Publié le 18/03/2010




Le président sud-coréen Kim Dae-jung, lors de sa rencontre historique de juin dernier avec son homologue nord-coréen, Kim Jong-il, a signé un protocole d’accord permettant aux prisonniers nord-coréens retenus en Corée du Sud, de retourner au Nord. En vertu de cet accord, d’anciens prisonniers communistes au Sud commencent à rejoindre le Nord. Shin In-young, né en Corée du Sud il y a 72 ans, est l’un de ceux là. Avant son départ, il a confié aux journalistes qu’il était heureux à l’idée de pouvoir enfin retrouver sa femme et ses enfants mais il a ajouté être désespéré de devoir à nouveau abandonner sa mère, âgée de 93 ans, au Sud. La mère de Shin dit comprendre la décision de son fils mais, explique son fils, « la séparation, pour toujours sans doute, lui arrache des larmes ». Sa vieille mère aurait voulu, ajoute-t-il, venir avec lui quelques jours pour rencontrer sa belle-fille et ses enfants qu’elle ne connaît pas, mais les autorités sud-coréennes ne lui ont pas donné l’autorisation de se rendre au Nord.

Pendant la guerre de Corée (1950-1953), Shin avait rejoint l’armée du Nord puis avait été envoyé au Sud, en 1967, pour évaluer l’impact des activités gauchistes dans les universités sud-coréennes. Un mois plus tard, il était capturé par les troupes sud-coréennes alors qu’il essayait d’entrer en contact avec un bateau nord-coréen chargé de l’exfiltrer. Ayant toujours refusé de renoncer au communisme, il est resté 30 ans en prison (12). Libéré en 1998, il vivait avec trois autres ex-prisonniers condamnés à de longues peines, dans une petite maison louée par le diocèse de Séoul. Quoique ces ex-prisonniers aient de la famille en Corée du Sud, ils vivaient entre eux, très isolés, leurs proches refusant de les rencontrer.

Shin n’apprécie pas d’être traité d’agent nord-coréen : « Je ne suis pas un espion mais un artisan de la réunification. Nous ne sommes pas des ennemis mais des frères et des sours embarqués sur le même bateau ». Shin avoue être atteint d’un cancer du cerveau : « Pour moi, le cancer n’est rien. J’ai enduré toute ma vie des souffrances plus terribles encore : la torture », explique-t-il (13). Durant une rencontre organisée par le Groupe catholique de soutien aux prisonniers politiques condamnés à de longues peines (CSGHLPP), Shin avait confié ne pas savoir comment se préparer à cette séparation prochaine d’avec sa mère. Il était un des 40 communistes, le noyau dur des anciens prisonniers politiques, à participer à une randonnée sur la montagne de Jiri, à 250 km au sud de Séoul, entre le 28 et le 31 juillet. Cette randonnée avait été organisée par le CSGHLPP pour ces prisonniers avant leur retour en Corée du Nord au mois de septembre 2000. Près de 150 personnes, militants des droits de l’homme et catholiques, les accompagnaient. Durant la randonnée, une liturgie chamaniste fut célébrée pour les âmes de leurs compatriotes pro-nordistes morts sur cette montagne, la plus haute de la Corée du Sud, pendant cette guerre de Corée.

C’est le 17 août dernier que le ministre sud-coréen pour la Réunification a annoncé le rapatriement le 2 septem-bre et la reconduite jusqu’à la ligne de démarcation séparant les deux Corée de 62 anciens prisonniers (14