Eglises d'Asie – Inde
Des responsables chrétiens et d’autres religions ont réagi à la publication du document romain Dominus Iesus
Publié le 18/03/2010
De nombreuses opinions recueillies par l’agence Ucanews (10) dans les milieux des séminaires et des instituts de théologie ont un aspect critique. Chez certains, le jugement est sans nuances. Un professeur de l’institut théologique jésuite, Vidyajyoti, déclare par exemple qu’il s’agit là d’un retour en arrière en matière de dialogue ocuménique et interreligieux tandis que le P. John Fernandez, président de la Conférence des prêtres catholiques, y voit un essai pour imposer la foi du XVIIIe siècle occidental à l’Eglise du XXIe siècle en Asie. Mais la plupart des théologiens interrogés portent des jugements plus nuancés. C’est ainsi par exemple que le P. Donald D’Souza, enseignant en liturgie dans un grand séminaire du nord de l’Inde, ne trouve rien à dire sur le contenu qui, selon lui, est traditionnel, mais pense que les termes utilisés par le document romain pour décrire les autres religions sont gravement déficients et risquent de créer des malentendus. Généralement c’est le ton employé par la déclaration romaine qui est mis en cause ; c’est lui qui a fait dire à un religieux catholique spécialiste de l’islam que le document romain ressemblait à un fatwa, (édit de condamnation dans l’islam. Le complexe de supériorité qui émane du document est, selon un autre théologien, insoutenable dans le contexte pluri-religieux de l’Asie. On trouve cependant des critiques plus radicales. Un professeur de séminaire de Goa, après avoir déclaré sa foi dans la plénitude de la vérité apportée par Jésus, exprime ses craintes que pré-sentée ainsi la foi chrétienne apparaisse comme un fanatisme aux yeux des autres religions. Des catholi-ques vivant en milieu pluri-religieux regrettent que le pluralisme soit condamné par le document romain.
Cependant, dans les milieux catholiques, un certain nombre de voix beaucoup moins critiques se sont fait entendre qui ont reconnu dans les propositions du document l’enseignement traditionnel de l’Eglise. Le directeur d’un centre de dialogue interreligieux du Kerala, le P. Albert Nambiaparambil, estime par exemple que cette nouvelle affirmation d’un des enseignements les plus anciens de l’Eglise ne menace en rien le dialogue nécessaire avec les autres religions. C’est également l’avis de Mgr Varkey Vithayathil, archevêque majeur de l’Eglise syro-malabar, qui précise que chaque Eglise a le droit et la liberté d’affirmer ses positions sur les questions importantes. Mgr Mathew Vattackuzhy de Kanjirappally a écarté l’hypothèse que la déclaration puisse nuire au dialogue interreligieux, celui-ci ne pouvant s’appuyer que sur la vérité et la sainteté.
D’une façon générale, il semble que le document n’ait pas été bien reçu par les diverses communautés chrétiennes non catholiques en Inde. Un évêque de l’Eglise (protestante) du Sud de l’Inde, Mgr C.L. Furtado, s’est déclaré surpris et choqué par l’intervention de la Congrégation pour la doctrine de la Foi. Selon lui, ce type de texte ne possède aucune pertinence dans le contexte indien actuel et plus généralement en Asie. Le responsable d’un collège théologique protestant pense que l’intervention romaine fera plus de mal que de bien. Des réactions du même genre ont été recueillies auprès de responsables des autres Eglises.
Les jugements portés sur le document dans les milieux hindous sont plus rares mais, eux aussi, pour la plupart, peu favorables. C.S. Radhakrishnan, un hindou de l’Etat de Goa a déclaré que le nouveau document “renforcera une animosité inutile entre les religions en Inde Il a ajouté que le christianisme, “en s’affirmant comme l’unique salut de l’âme humaine”, ne pouvait générer que l’intolérance, ce qui est absurde pour des disciples du “Christ miséricordieux”. Un sikh de Goa, après avoir lu Dominus Iesus, en a conclu “qu’il ne laissait pas de place à l’existence d’autres religions ce qui allait contre le contenu des croyances sikhs selon lesquelles toutes les religions sont des chemins vers Dieu. En fin, P.P. Shirokar, un hindou qui avait demandé au pape, lors de sa dernière visite en Inde, de se repentir pour les crimes de l’inquisition à Goa, a déclaré qu’une des conséquences les plus sûres de ce texte sera de diviser les hommes entre eux.