Eglises d'Asie

Responsables catholiques et musulmans estiment que l’option militaire ne résoudra pas le problème posé par le groupe Abu Sayyaf

Publié le 18/03/2010




Quelques jours après l’assaut lancé par l’armée philippine sur les positions du groupe Abu Sayyaf dans l’île de Jolo, les responsables de l’Eglise catholique et ceux de la communauté musulmane ont pris position pour dire que l’option militaire ne résoudra pas les problèmes posés par Abu Sayyaf. Selon Mgr Fernando Capalla, dont le diocèse de Davao est situé sur la grande île voisine de Mindanao, cette opération militaire “va aggraver” la situation dans toute la région. La Ligue des oulémas, qui réunit les docteurs de la loi musulmans à Mindanao, “ne soutient pas ce qu’Abu Sayyaf a entrepris car ses actions (prises d’otage) sont contraires à l’islam” mais précise qu’elle ne saurait approuver l’assaut donné par les militaires.

Pour l’archevêque de Davao, une solution militaire est inadéquate pour régler “les vieux problèmes que l’on rencontre dans cette région : piraterie, esclavage, banditisme”. Tout en soulignant le fait que “les militaires ne doivent pas avoir l’ascendant sur les civils dans le gouvernement de notre pays”, Mgr Capalla rappelle que les racines de ce conflit se trouvent dans la pauvreté des habitants et le désintérêt, vieux de longues années, des autorités pour cette région. Dans le diocèse d’Ipil, situé dans l’ouest de Mindanao, Mgr Antonio Ledesma a, pour sa part, qualifié l’opération militaire “d’option finale, de dernier recours”. En 1995, la ville d’Ipil avait été le théâtre d’opérations violentes menées, semble-t-il, par le groupe Abu Sayyaf (24). Une soixantaine de personnes avaient été tuées.

A Manille, après que des médias eurent rapporté que la Conférence des évêques des Philippines (CBCP) soutenait l’offensive militaire décidée par le président Estrada, son porte-parole, Mgr Nestor Carino, a publié un communiqué de mise au point affirmant que les évêques philippins étaient “contre la violence, et par conséquent contre l’assaut mené par les militaires”. Il a aussi précisé que les évêques “ne voyaient pas de substitut au dialogue en vue de la paix” et que, tout en condamnant les prises d’otages, ils estimaient que seule la négociation pouvait mener à la libération complète des otages.

A Mindanao, Moctar Mutuan, professeur musulman de l’université d’Etat de Mindanao, a déclaré qu’il soutenait l’intervention des militaires car les actes de banditisme du groupe Abu Sayyaf mettaient en danger toute l’économie du sud des Philippines et discréditaient les efforts de certains musulmans en vue de la paix. Il se demandait cependant si la stratégie choisie par le gouvernement était la bonne. Le terrain, à Jolo est favorable aux hommes d’Abu Sayyaf mais les militaires et le président veulent des résultats rapides, expliquait ce professeur : “Si un usage inconsidéré de la force provoque la mort d’un père ou d’un fils, ceux de sa famille voudront se venger. Telle est la culture [à Jolo]. Dès lors que vous tuez un musulman, vous créez deux rebelles”.