Eglises d'Asie – Inde
Le document romain Dominus Iesus continue à susciter de vives réactions dans les milieux fondamentalistes hindous
Publié le 18/03/2010
La revue hebdomadaire Organizer, organe du RSS, en date du 24 septembre, a, par exemple, déclaré que la déclaration romaine, “toute imprégnée d’une arrogance pontificale datant du XVIe siècle », ne pouvait que créer des tensions dans la société pluraliste de l’Inde. L’article appelle même les autorités fédérales à protester auprès du Vatican contre les troubles internes provoqués par ce texte dans le pays. Les critiques se sont poursuivies dans le numéro de la semaine suivante où l’on pouvait lire un appel adressé aux chrétiens leur demandant “d’accepter le Christ mais de rejeter le pape L’auteur de l’article ajoutait que pour les disciples du Christ en Inde était venu le temps où ils devaient choisir entre l’Inde et le Vatican. Ce n’est qu’en s’éloignant du souverain pontife qu’ils pourraient être considérés comme d’honorables citoyens indiens.
Ces attaques se sont renouvelées avec encore plus d’agressivité lors d’un meeting rassemblant plus de 21 000 membres du RSS, le 2 octobre dernier, à New Delhi, et enfin, tout récemment, le 7 octobre, à Nagpur où avait lieu un rassemblement du même type. A New Delhi, le chef du mouvement, K.S. Sudarshan, alors qu’il critiquait la récente déclaration romaine, a demandé qu’une Eglise swadeshi (nationale) et indépendante de Rome soit établie en Inde sur le modèle de l’Eglise officielle existant en Chine. Il a aussi ajouté que le gouvernement devrait imposer aux Eglises étrangères et aux missionnaires de faire leurs bagages et de quitter le pays. A Nagpur, il a appelé tous les chrétiens à donner à leurs Eglises l’autonomie déjà conquise par l’Eglise orthodoxe syrienne et l’Eglise Marthoma du Kerala. Il s’est exclamé : “Pourquoi les Eglises étrangères sont–elles autorisées à mener leurs activités sur notre sol ? »
Commentant pour l’agence Ucanews les propos du responsable de son mouvement, le porte-parole du RSS, Mahadev Govind Vaidya, a approuvé les objectifs exposés publiquement par celui-ci, tout en affirmant qu’ils n’avaient rien de nouveau. Il a déclaré que la Chine était le meilleur modèle d’une Eglise nationaliste. L’Inde comme la Chine devrait, elle aussi, expulser les missionnaires étrangers et obliger les autochtones à fonder leur propre Eglise. Ces convictions sont largement partagées par les associations dans la mouvance du RSS. B.P. Singhal, dirigeant du Conseil mondial hindou et membre du Congrès, voudrait lui aussi que les chrétiens indiens rompent leurs relations avec l’étranger. Les chrétiens indiens, dit-il, ne s’opposent pas aux intérêts nationaux, mais les missionnaires étrangers et l’argent provenant de l’extérieur du pays sont une menace contre la sécurité du pays.
Dans un article rapportant les propos tenus ces derniers temps par le responsable du RSS à l’égard des chrétiens, le journal The Hindu du 8 octobre concluait en affirmant qu’au cour de l’attitude du RSS comme du BJP, “il y a la ferme croyance que d’une certaine façon, les Indiens chrétiens, comme les Indiens musulmans, ne sont pas des Indiens au même titre que les Indiens hindous… Leur croyance implicite est qu’ils n’appartiennent pas au courant principal du pays ». Le même journal dans son éditorial du 10 octobre, soulignait que c’était à la communauté chrétienne, elle-même, et non à M. Sudarshan, de décider si elle voulait ou non garder des liens avec les Eglises étrangères.
Cette recrudescence de l’animosité anti-chrétienne des fondamentalistes hindous, en particulier des dirigeants du RSS, a provoqué surprise et indignation chez les responsables catholiques du pays. Le P. Donald D’Souza, adjoint au secrétaire général de la Conférence épiscopale, a fait remarquer que ces déclarations qu’il a qualifiées de contraires à la démocratie et aux formes les plus élémentaires de la décence viennent bien mal à propos à une époque où la situation semblait revenir à la normale après les deux années d’une campagne de haine qui a fait de nombreuses victimes. Il a aussi souligné que les missionnaires étrangers n’étaient plus qu’une poignée. Vivant en Inde, pour la plupart, depuis 30 à 40 ans, ils ne sont, en aucune façon, une menace pour la sécurité indienne.