Eglises d'Asie

Un processus de normalisation de la communauté protestante du Sud-Vietnam est entamé

Publié le 18/03/2010




Une initiative importante en matière religieuse vient d’être prise par le gouvernement vietnamien qui l’a fait annoncer en première page par le quotidien du Parti de Hô Chi Minh-Ville, Saigon Giai Phong. Dans son numéro du 23 octobre dernier, ce journal mentionne, en effet, la création d’un Comité de mobilisation, présenté comme une première étape avant la réunion d’un Congrès au cours duquel sera fondée l’Association des protestants du Vietnam. La nouvelle a également été reprise par l’Agence d’information vietnamienne, VNI.

Auparavant, cette création avait d’abord été rendue publique, le 21 octobre, par M. Lê Quang Vinh, directeur du Bureau des affaires religieuses du gouvernement, au cours d’une cérémonie à laquelle participaient des représentants du gouvernement, des pasteurs et des fidèles de l’Eglise évangélique de la province du Quang Tri. Le haut fonctionnaire a déclaré que par procuration du Premier ministre du gouvernement, le Comité des affaires religieuses admettait 25 pasteurs au Comité de mobilisation Pour sa part, le nouveau Comité à appelé les pasteurs, les prédicateurs et les fidèles à fournir des suggestions pour mettre au point la constitution de la nouvelle Eglise. Celle-ci, dit le communiqué, devra être conforme aux traditions de l’Eglise, respecter les traditions nationales et la vie sociale, les lignes politiques du gouvernement, ainsi que la devise de l’Eglise, à savoir Pour Dieu, pour le pays, pour la nation et la patrie ».

La communauté protestante du sud-Vietnam avait jusqu’ici échappé au processus de normalisation de toutes les religions du pays, processus qui consiste à donner à chacune d’entre elles une structure commune, une constitution propre et un certain nombre de liens organiques qui la rattachent au Front patriotique. C’est à l’issue d’un processus de ce type qu’a été créée en 1983, sous le patronage du Front patriotique, l’Eglise bouddhiste du Vietnam. Plus récemment, ce même processus a abouti à la mise en place des structures officielles de l’islam, de diverses branches du Caodaïsme et du Bouddhisme Hoa Hao. Seul le catholicisme dont la Conférence épiscopale est reconnue officiellement par l’Etat n’a pas eu à se soumettre à un tel processus. Au Nord-Vietnam, l’Eglise évangélique a été normalisée dès les années 1960 et, depuis, sa direction, selon le mot d’un rapport protestant, est entièrement manipulée » par le bureau des Affaires religieuses.

Voilà déjà longtemps que plusieurs sources indépendantes avaient fait état de négociations en cours entre un certain nombres de dirigeants de l’Eglise évangélique du Sud et le Bureau des affaires religieuses du gouvernement. Des indications précises ont été données au mois de février 2000 par un rapport élaboré par la Commission de l’Union évangélique mondiale sur la liberté religieuse, paru à Singapour le 15 février 2000 (19). On y apprenait, en particulier, qu’un projet de normalisation en trois étapes avait été négocié au mois de janvier entre les autorités civiles et deux dirigeants protestants du Sud. Ce projet a été approuvé par le gouvernement le 28 janvier 2000. Dans un premier temps, un comité d’organisation composé de 25 pasteurs de l’Eglise évangélique du Vietnam devait rencontrer les autorités civiles pour s’accorder sur l’ensemble du projet. C’est, semble-t-il, ce qui vient d’avoir lieu. La seconde étape verrait ce premier comité de 25 pasteurs s’élargir, en accueillir 40 supplémentaires et se transformer en Comité de rédaction d’une constitution. Puis devrait avoir lieu la réunion d’une Assemblée de l’Eglise évangélique à l’échelon national.

Cependant, dans les milieux évangéliques du Sud, on émet des doutes sur l’heureux aboutissement du processus qui vient d’être mis en place. On fait remarquer que la difficulté tient en premier lieu au fait que l’Eglise évangélique du sud composée de quelque 300 communautés n’a pas à proprement parler de direction centrale. De ce fait, le Bureau des Affaires religieuses, de son propre chef, a choisi de traiter avec certains dirigeants qui, précisément à cause de ces relations avec les autorités, sont devenus l’objet des soupçons des autres dirigeants. Selon l’agence Ucanews, un pasteur de Hô Chi Minh-Ville aurait déclaré craindre que le nouveau bureau de mobilisation, dirigée par un pasteur du Centre-Vietnam, le révérend Duong Thanh, n’ait de la peine à trouver une base commune capable d’unifier la totalité de l’Eglise évangélique du Sud (20).

En 1975, la communauté protestante, présente au Vietnam depuis 1911, était évaluée à un peu plus de 150 000 fidèles. Une enquête nationale, menée par le Ban Dân Van (la Commission d’action populaire ou Agit-prop) en 1997, créditait l’Eglise évangélique (Tin Lanh) de 403 238 fidèles (21). Ce chiffre est manifestement trop bas. Les dirigeants actuels de l’Eglise estiment le nombre de fidèles à 800 000. Il faut noter de plus le nombre sans cesse croissant de fidèles des Eglises domestiques, non enregistrées auprès des autorités officielles et de ce fait, soumis à de très graves persécutions sur tout le territoire du Vietnam, en particulier au sein des minorités ethniques (22).