Eglises d'Asie

Malgré une inauguration ratée, les travaux de construction du barrage sur le fleuve Narmada ont repris

Publié le 18/03/2010




Une flambée de violence est venue troubler une fête organisée le 31 octobre pour célébrer la reprise des travaux de construction du barrage sur le fleuve Narmada (8). Ceux-ci, en effet, ont été à nouveau autorisés par une décision de la Cour suprême de l’Etat après une interruption de quatre ans due aux procès engagés par les opposants dans le but d’as-surer la réinstallation convenable des populations locales déplacées et de sauver l’environnement menacé par le projet.

Le gouvernement de l’Etat du Gujarat avait voulu fêter ce nouveau départ par un grandiose rassemblement sur le site de Kevadia où une digue de 139 mètres de long relie les deux rives du fleuve. Plus de 6 000 véhicules loués par les autorités locales avaient transporté sur les lieux près de 300 000 personnes depuis les campagnes les plus reculées de l’Etat. Des ministres et de nombreux personnages officiels s’étaient également rendus près du fleuve. Les esprits se sont échauffés et la foule s’est déchaînée lorsque les participants se sont aperçus que rien n’avait été prévu pour les sustenter durant cette journée. Des véhicules gouvernementaux furent brûlés, des boutiques mises à sac et des razzias organisées dans les fermes des alentours. Cela n’a cependant pas empêché les travaux de recommencer aussitôt après cette inauguration manquée.

La joie qu’a voulu afficher le gouvernement de l’Etat en cette occasion est loin d’être partagée par tout le monde, plus particulièrement par la principale association de défense des résidents déplacés, la Narmada Bachao Andolan » (NBA – Mouvement pour le salut de la Narmada) et des membres de la hiérarchie catholique. Ceux-ci ont été spéciale-ment choqués par la décision de la Cour suprême du 18 octobre dernier jugeant suffisant le projet de réinstallation des habitants du site, dont les maisons et les propriétés seront submergées par la retenue d’eau. Le jugement autorisait également à porter la hauteur de la digue de 280 à 297 pieds. Pour l’archevêque de Bophal, qui s’est exprimé deux jours avant l’inauguration, cet arrêt du tribunal est un défi à la justice, à la liberté et à la solidarité ».

La plupart des opposants au projet du barrage ont décidé de continuer leur lutte malgré la récente décision de justice. Dès le 23 octobre, ils organisaient une manifestation devant le tribunal ayant prononcé l’arrêt contesté. La célèbre femme de lettres, Arundhati Roy, qui en 1997 a été récompensée par le Booker Prize, y était présente à côté du militant Medha Patkar, responsable de la NBA, qui lutte depuis dix ans contre le projet. L’écrivain y a déclaré qu’elle continuerait par ses écrits à alerter le public à ce sujet. Le surlendemain de cette manifestation, Patkar et deux autres militants entamaient une grève de la faim de cinq jours. Des marches de protestations ont aussi été organisées dans diverses villes de l’Inde.

Les opposants au barrage sur la Narmada affirment que le projet va déplacer près de 500 000 personnes, dont beaucoup appartiennent aux minorités ethniques des Etats de Gujarat, Madhya Pradesh et de Maharastra, sans vraie garantie de réinstallation. De plus, il va détruire un écosystème fragile, fait de 13 774 hectares de forêts et de 11 318 hectares de terres agricoles. Le projet appelé Sardar Sarovar, dont le coût devrait s’élever à près de 4 milliards de dollars, prévoit de construire un ensemble de digues sur le fleuve Narmada et sur ses affluents : 30 d’entre elles seront de très vaste dimension, 135 seront moyennes et 3 000 plus petites (9). Pour justifier le coût financier, écologique et humain d’un tel projet, le gouvernement local met en avant la création d’un système hydraulique gigantesque (75 000 km) que permettra l’établissement du réseau de digues. Il sera capable d’irriguer des millions d’hectares de terre de l’Inde occidentale souvent frappée par la sécheresse, de fournir électricité et eau potable à 132 agglomérations urbaines et 7 234 villages.