Eglises d'Asie

En promettant d’intervenir, le président de l’Inde relève le moral des adversaires du barrage sur le fleuve Narmada

Publié le 18/03/2010




Après la décision prise par la cour suprême, le 18 octobre dernier, d’autoriser la reprise des travaux de construction du barrage sur le Narmada (10), il ne restait plus aux opposants qu’un dernier recours, solliciter l’aide du président de la République indienne. C’est ainsi que, le 15 novembre dernier, une délégation de onze opposants au projet ont été solliciter l’intervention du président K.R. Narayanan auprès des autorités compétentes afin de mettre un terme à ce projet qu’ils estiment nuisible. A l’issue de la rencontre qui a duré 45 minutes, Medha Patkar, chef de la délégation, s’est montré satisfait des résultats des entretiens et a affirmé que le premier personnage de l’Inde avait promis de soulever la question des déplacements de population locale et des indemnisations auprès du Premier ministre.

La rencontre avec le président de la République avait été précédée d’une série de manifestations organisées par les quelque 150 associations qui aujourd’hui luttent pour la défense des populations affectées par la construction du barrage. Les 11 et 12 novembre, plus de 3 500 personnes venues de toute l’inde, parmi lesquelles des prêtres, des religieuses et des laïcs catholiques, avaient observé deux jours de jeûne devant le mémorial du mahatma Gandhi, le Père de la nation. Parmi eux se trouvait un prêtre rédemptoriste, le P. Thomas Kocherry, le défenseur des droits des artisans pêcheurs traditionnels (11) qui a insisté sur la nécessité de défendre l’environnement naturel et les cultures minoritaires. Le lendemain, les groupes de lutte contre le barrage organisaient une marche à l’occasion de la venue en Inde du président de la Banque mondiale, James D. Wolfenson, pour le dissuader d’accorder des prêts pour l’édification du barrage. Celui-ci a assuré qu’aucune requête en ce sens n’avait été présentée à la Banque mondiale et que de toute façon, cette dernière ne débloquerait aucun fonds pour le barrage sur le Narmada. En 1993, la Banque mondiale avait refusé de s’associer au financement du barrage, jugeant insuffisantes les mesures prises pour le respect de l’environnement et l’indemnisation des personnes lésées (12).

Enfin, la veille de la rencontre avec le président, un débat public a eu lieu dans la capitale. Des orateurs y ont souligné que le gouvernement, tout comme le tribunal ayant conclu à la reprise des travaux du barrage, ont négligé d’écouter les représentants des populations affectées par le construction de la retenue d’eau. Le débat s’est achevé sur la constatation que le gouvernement persiste à se mettre au service d’intérêts cachés plutôt que des vraies besoins de la population. Certains opposants ont vu dans le projet de barrage et l’obstination des autorités à le mener à bien une marque du caractère pathologique de la politique de développement dans l’esprit des gouvernants indiens.

Le projet se veut en effet grandiose : il est prévu de déplacer un demi-million d’habitants, parmi lesquels au moins 40 000 familles appartiennent aux minorités ethniques des Etats de Gujarat, Madhya Pradesh et de Maharastra, avant que les eaux ne submergent 13 774 hectares de forêts et 11 318 hectares de terres agricoles. Le gouvernement local met en avant la création d’un très important système d’irrigation que permettra l’établissement du réseau de digues. Il sera capable d’irriguer des millions d’hectares de terre de l’Inde occidentale souvent frappée par la sécheresse, de fournir électricité et eau potable à 132 agglomérations urbaines et 7 234 villages. Cependant, les opposants à la construction du barrage, comme le P. Francis Gonsalves, religieux jésuite, mettent en doute le bien fondé de ces ambitions et relèvent l’impuissance actuelle des autorités à assurer l’indemnisation des populations déplacées.