Eglises d'Asie

Lors de son voyage, le président Clinton a présenté la liberté religieuse comme une des exigences du libéralisme économique

Publié le 18/03/2010




La rencontre, furtive bien que prévue, de Mgr J.B. Pham Minh Mân et du président Bill Clinton, le 19 novembre dernier, à l’hôtel de ville de Hô Chi Minh-Ville dans le cadre d’une réunion d’hommes d’affaires, symbolise assez bien les liens, qui, avant et tout au long de la visite du président des Etats-Unis au Vietnam, ont associé, à tort ou à juste titre, la question de la liberté religieuse à la cause du libéralisme économique. La liberté de croyance est apparue comme indissolublement liée au faisceau de libertés accompagnant nécessairement le libre marché, des libertés, a assuré Clinton, qui un jour où l’autre devront s’imposer. La liberté religieuse semble même avoir prédominé sur les autres.

Il est significatif que, dès avant le début du voyage, les principaux appels adressés au président des Etats-Unis soient venus non pas tellement des milieux dissidents politiques, mais surtout des milieux religieux. Leurs auteurs ont marqué, eux-mêmes, le caractère indissociable du lien entre la liberté religieuse et les réformes économiques entreprises par le Vietnam et encouragées par les Etats-Unis. C’était sans doute l’intention de l’association américaine des droits de l’homme, Freedom House, en rendant publiques, une semaine avant la visite, des directives secrètes du gouvernement vietnamien pour la répression du christianisme évangélique (19). Mais les principales suggestions en ce sens sont venues du cour du pays lui-même. Dans une lettre ouverte envoyée à Bill Clinton pour qu’il intervienne en faveur de la liberté religieuse, le vénérable Thich Quang Dô le saluait, dans un langage quelque peu “rétro”, comme le dirigeant du monde libre C’est à ce titre qu’il lui rappelait sa responsabilité vis-à-vis de ceux à qui cette liberté est refusée (20). Dans d’autres lettres adressés au président américain – comme celle de 165 reli-gieux bouddhistes de Huê – apparaissait aussi cette même association. L’archevêque de Saigon, qui avait déjà adopté ce point de vue dans une interview à l’agence Reuters, vient de le confirmer dans un entretien avec le service de presse de la Conférence américaine, Catholic News Service, où il affirmé : Alors que l’on réforme l’économie et ouvre les portes à l’Occident, on ne peut laisser de côté les droits de l’homme 

C’est lors de son discours devant les étudiants de l’université de Hanoi retransmis en direct à la télévision vietnamienne que le président a souligné avec le plus d’éclat cette liaison des libertés économiques et civiles. Il faut remarquer que la phrase relevée par toute la presse mondiale, mais que les traducteurs de la Maison Blanche ont eu de la peine à reproduire en vietnamien : Notre expérience nous a appris que garantir le droit à l’exercice de la religion et le droit à la dissidence politique ne menace pas la stabilité d’une sociétéAu contraire, ce droit renforce la confiance du peuple dans l’équité de nos institutions », avant d’être une critique indirecte de la situation des libertés au Vietnam, était d’abord une exaltation du libéralisme intégral vécu par la société des Etats-Unis. C’est bien ainsi que l’a compris le secrétaire général du Parti communiste vietnamien qui s’est refusé à donner à ce système libéral un caractère universel et a réclamé pour le Vietnam le droit de choisir d’autres idéaux : Nous respectons les choix, le style de vie et le régime des autres peuples. Nous exigeons que les autres pays respectent le choix et le régime politique de notre peuple a répliqué le chef du parti lors d’une rencontre officielle avec le président américain, rappelant même qu’au Vietnam non seulement le socialisme existe mais qu’il continue à se développer ». Sur cette constatation s’est achevée cette passe d’armes.