Eglises d'Asie

Aceh : trois membres d’une ONG ouvrant contre la torture et une personne ayant été torturée par l’armée ont été exécutés par l’armée indonésienne

Publié le 18/03/2010




Selon Abdurrahman Nurdin, président de l’organisation non gouvernementale RATA (Action de réha-bilitation pour les victimes de la torture à Aceh), trois membres de son organisation et une personne, victime de tortures infligées par les forces de sécurité indonésiennes, ont été froidement exécutés par les unités anti-émeutes de la police indonésienne (‘Brimob’) à Cot Matahe, mercredi 6 décembre. Une cinquième personne, membre de RATA, faisait partie du groupe mais elle a réussi in extremis à s’échapper avant l’exécution des quatre autres.

Les quatre membres de RATA (une femme, Ernita, 23 ans, et trois hommes, Nazaruddin, 22 ans, Idris, 27 ans, et Bachtiar, 24 ans) revenaient de Tanah Pasir, dans le nord d’Aceh, où ils étaient allés chercher – pour le soigner – un certain Rusli, victime de tortures, et se dirigeaient vers la ville de Lhokseumawe quand ils sont tombés sur un barrage tenu par des policiers et des soldats en civil. Battus, accusés d’avoir divulgué des informations sur la situation à Aceh, puis embarqués dans un camion des Brimob, ils ont été transportés jusqu’à Cot Matahe où ils ont été exécutés, à l’exception d’un seul, Nazaruddin, qui a pu échapper et trouver refuge auprès de la Croix-Rouge locale. Les quatre corps ont été quelque temps plus tard récupérés par la Croix-Rouge et remis à leurs familles respectives. Tous quatre étaient originaires du nord d’Aceh. Selon le témoignage de Nazaruddin, la scène de l’arrestation et celle de l’exécution ont été filmées par les policiers. Selon le superintendant Yatim Suyatno, porte-parole de la police à Aceh, ses services ne lui ont fait remonter aucun rapport au sujet de cet incident. Le 11 décembre, le président A. Wahid a condamné ces meurtres, déclarant qu’ils contribuaient à aggraver la tension dans cette province et à ternir l’image du pays à l’étranger.

Ce n’est pas la première fois que les forces de l’ordre à Aceh s’en prennent à des militants des droits de l’homme. En août dernier, Jafar Siddiq Hamzah, directeur du Forum international pour Aceh, organisation basée à New York, aux Etats-Unis, avait disparu alors qu’il était en visite à Medan, dans la province de Sumatra-Nord. Son corps avait été retrouvé quelques jours plus tard en dehors de la ville. Cependant, l’assassinat de ces quatre personnes intervient alors que le climat s’est très nettement détérioré ces derniers jours dans la province d’Aceh (14). Dans la région où les membres de RATA ont été interpellés, les militants indépendantistes acehnais avaient attaqué des postes de police, faisant trois morts parmi les forces de l’ordre. Ailleurs dans la province, des civils, des militaires, des policiers ainsi que des militants du GAM (Mouvement pour Aceh libre) sont tués quasi-quotidiennement. Dans le récent rapport annuel de l’organisation américaine Human Rights Watch, on peut lire que si, à Aceh, tous, militaires, policiers, militants du GAM, sont responsables des violences, y compris des exécutions sommaires de civils, les violations [des droits de l’homme] sont très largement le fait des forces gouvernementales ».

Le GAM et le pouvoir indonésien sont pourtant tombés d’accord pour reprendre – à une date non spécifiée – les pourparlers en vue d’un règlement politique de la question d’Aceh et ces pourparlers doivent avoir lieu en Europe. Une visite du président Wahid est prévue à Banda Aceh, capitale de la province, le 19 décembre 2000, à l’occasion de l’instauration de la charia dans cette province presque exclusivement musulmane. Il doit également apporter une aide de 10,5 millions de dollars à cette province dont les indépendantistes veulent prendre le contrôle des riches ressources en hydrocarbures. On se souvient que le chef de l’exécutif indonésien, s’il a promis aux Acehnais la mise en place d’une large autonomie en 2001, a catégoriquement rejeté la perspective de l’indépendance (15).

Par ailleurs, dimanche 12 décembre, huit policiers et soldats ont été blessés par l’explosion d’une grenade lancée par des hommes du GAM. Ces policiers et soldats montaient la garde devant des installations appartenant à la compagnie ExxonMobil Oil exploitant du gaz naturel à Matangkuli, dans la partie nord de la province. Dans un communiqué, un dirigeant du GAM a déclaré : Nous avons mis en demeure Exxon-Mobil de mettre fin immédiatement au contrat par lequel cette société fait garder ses installations par des hommes des TNI (les forces armées gouvernementales) car ces hommes ont abusé de leur position pour harceler les habitants de la région. Nous n’avons pas l’intention d’empêcher ou de gêner les opérations -Mobil aussi longtemps que cellesci ne contribuent pas aux abus des soldats des TNI contre la population ».