Eglises d'Asie

La multiplication des attaques anti-chrétiennes dans toute l’Inde oblige le nouvel archevêque de Delhi à protester auprès du Premier ministre

Publié le 18/03/2010




Les agressions contre les chrétiens se sont succédé à un tel rythme, depuis quelque temps, qu’elles ont forcé le nouvel archevêque de Delhi, Mgr Vincent Concessao, à lancer un cri d’alarme en direction du Premier ministre indien dans une lettre où il lui demande d’engager une action efficace afin de mettre un terme au terrorisme anti-chrétien et anti-musulman qui menace de déchirer le tissu laïque du pays. La lettre lui a été inspirée par une remarque faite par le chef du gouvernement lors d’une visite de courtoisie de l’archevêque peu après son installation à Delhi. Le Premier ministre avait affirmé que les attaques dont faisait état son interlocuteur étaient isolées mais faisaient l’objet d’une intense exploitation politicienne. Quelques jours plus tard, le prélat lui a répondu en énumérant six graves incidents qui se sont succédé au cours des cinq jours qui ont suivi la rencontre, succession qu’il commente ainsi : « Six incidents en cinq jours, ne jugez-vous pas qu’il faille s’en alarmer ! » Ces attaques ne sont relatées que succinctement dans la lettre de l’archevêque. Cependant, elles avaient fait auparavant l’objet de rapports détaillés dans la presse ou les dépêches d’agence.

La première agression mentionnée par l’archevêque a eu lieu, le 26 novembre, dans le district de Kolar de l’Etat méridional du Karnataka où des membres du Vishwa Hindu Parishad (Conseil mondial hindou, VHP) ont brûlé publiquement des bibles et des livres chrétiens. Ils ont également endommagé à coups de pierres l’église du Calvaire appartenant à des chrétiens évangéliques. Les fondamentalistes hindous ont affirmé réagir contre la distribution de bibles et de livres chrétiens aux étudiants non chrétiens des écoles tenues par des chrétiens. Cette diffusion de littérature chrétienne avait effectivement eu lieu et était l’ouvre d’une association connue sous le nom de Gideon’s International, spécialisée dans la distribution de bibles et de livres chrétiens dans les écoles, les pensionnats, les hôpitaux et les prisons. Un certain nombre de prêtres catholiques et même de pasteurs protestants du district ont reproché à l’association ses méthodes agressives qui rendent difficile la coexistence des religions.

Dans la nuit du 26 novembre, à Jwalapur, dans l’Etat de l’Uttar Pradesh, quelques individus ont escaladé les murs du collège Sainte Marie, y ont découvert, cachées dans une pièce, cinq religieuses de la congrégation locale de Notre Dame des grâces. Il les ont frappées et menacées de les tuer si elles ne leur donnaient pas d’argent. Mais celles-ci ne purent leur donner que 400 roupies (8,5 dollars) qui restaient de la quête du dimanche précédent. Les agresseurs ne sont partis qu’une heure plus tard, après avoir vidé les placards de la maison. L’évêque du diocèse pense que les agresseurs sont venus d’ailleurs, les religieuses étant très appréciées par la population locale pour l’éducation qu’elles dispensent aux pauvres. Il pense également qu’il s’agit là plus d’une tentative d’intimidation que d’un cambriolage.

Le même jour, l’église évangélique de Chindia, dans le district de Surat de l’Etat de Gujarat, a été occupée de force par quelque 400 extrémistes du Rashtriya Swayamsevak Sangh (Corps national des volontaires, RSS) et du VHP (10), équipés d’armes blanches. Ils ont détruit les croix à l’intérieur et à l’extérieur du bâtiment et installé des statues de divinités hindous dans le sanctuaire. La police, appelée par le pasteur desservant cette église, ne s’est pas dérangée, même pas le jour suivant lorsque ce dernier a renouvelé son appel. Pour protester contre cette profanation, Mgr Ezra Sargunam, évêque de l’Eglise évangélique, est venu sur les lieux le 28 novembre et y a entamé une grève de la faim. Le 5 décembre, les forces de police l’ont entraîné de force à l’hôpital de Surat, employant pour cela des méthodes musclées. L’évêque a adressé une plainte au ministère fédéral de l’Intérieur ainsi qu’aux autorités policières de l’Etat contre le traitement qui lui a été infligé.

Dans la liste de l’archevêque, la plus grave des agressions est celle qui a été commise contre le P. G. Alphonse, le 28 novembre, dans sa mission de Morena, dans le Madhya Pradhesh, au centre de l’Inde. Entre une heure et deux heures du matin, un certain nombre d’individus armés se sont introduits dans sa maison, l’ont frappé à la tête et sur d’autres parties du corps avec des bâtons et des tringles de fer. Ils ont ensuite ouvert placards et armoires mais sans rien prendre, comme s’ils voulaient faire croire à une tentative de cambriolage. Le prêtre, qui donnait des cours aux enfants pauvres de la région, en logeait quelques-uns chez lui. Ce sont eux qui sont allés donner l’alerte dans le village. A l’arrivée des villageois, les agresseurs se sont enfuis. Le prêtre gisait à terre, perdant son sang. Il a été ensuite transporté à l’hôpital de Gwalior où il est toujours dans un état grave. L’évêque du lieu, Mgr Joseph Kaithathara, a affirmé que c’est la première fois qu’un tel incident survient dans cette mission créée en 1997 et n’a pas de certitude concernant la motivation des agresseurs. Il soupçonne qu’il s’agit là d’une tentative destinée empêcher les chrétiens de dispenser l’éducation aux enfants des basses castes.

L’archevêque a ajouté à cette liste deux autres incidents : le saccage d’une église catholique dans la ville de Bokaro, dans le nouvel Etat de Jharkhand, ainsi qu’une attaque menée contre des musulmans dans l’Etat de l’Uttaranchal.