Eglises d'Asie

Le Premier ministre indien affirme que la construction d’un temple hindou sur l’emplacement de la mosquée d’Ayodhya reste une tâche inachevée

Publié le 18/03/2010




C’était le 6 décembre 1992, il y a huit ans, que des milliers de fanatiques hindous démolissaient la mos-quée de Babri Masjid, construite à Ayodhya au XVIe siècle, sous le prétexte qu’elle avait été édifiée sur l’emplacement d’un ancien temple hindou (7). Des heurts entre groupes religieux d’une violences inouïe avaient, par la suite, éclaté dans tout le pays, faisant 2 000 morts. Le huitième anniversaire de ces tragiques événements vient d’ouvrir à nouveau une plaie encore loin d’être cicatrisée et marque peut-être le début d’une crise politique d’une grande ampleur. Provoquée et attisée par des campagnes de l’opposi-tion, celle-ci s’est ouverte le 4 décembre et, depuis, se prolonge sans que l’on puisse en deviner l’issue.

Deux jours avant l’anniversaire des événements de Ayodhya, les députés de l’opposition que dirige le Parti du Congrès réclamaient la démission de trois ministres de l’actuel gouvernement, membres du Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP), le ministre de l’Intérieur, Lal Krishna Advani, le ministre des Sports, Uma Bharti, et le ministre des Ressources humaines, Murli Manohar. Ceux-ci font, en effet, l’objet d’une enquête judiciaire pour avoir, il y a huit ans, encouragé et incité à l’action les destructeurs de la mosquée d’Ayodhya. Ce à quoi le Premier ministre, Atal Behari Vajpayee, a répondu que la demande était sans fondement puisque l’affaire, encore en cours d’instruction, n’était pas d’ordre criminel. Il ajoutait que, le 6 décembre 1992, les trois hommes mis en cause étaient sur les lieux uniquement dans l’intention de calmer la foule et de l’empêcher d’agir. Cependant, c’est la suite des propos du chef de l’exécutif indien qui a mis le feu aux poudres. Il a, en effet, évoqué l’éventuelle construction d’un temple à Rama sur les lieux de la mosquée détruite.

Ce projet de construction a longtemps fait expressément partie du programme politique officiel du BJP avant qu’il ne prenne la tête de la coalition au pouvoir. Depuis leur accession au gouvernement, les dirigeants du parti nationaliste hindou avaient observé beaucoup de discrétion sur ce sujet par crainte d’entrer en conflit avec leurs partenaires modérés de la coalition gouvernementale. Or, après sa réponse aux critiques de l’opposition, le 6 décembre, le Premier ministre a, comme l’ont écrit le Hindu et plusieurs autres organes de presse indiens, laissé tomber le masque » (8) en déclarant que la campagne pour la construction d’un temple à Rama était une tâche nationale encore inachevée L’expression employée a provoqué un tollé général non seulement parmi les politiciens de l’opposition mais aussi à l’intérieur de la coalition que dirige le BJP. En cette conjoncture difficile, le Premier ministre doit expliquer ce qu’il a voulu dire dans sa déclaration », a exigé Chandrababu Naidu, dirigeant d’un parti membre de la coalition, au pouvoir dans l’Etat d’Andhra Pradesh.

Le lendemain 7 décembre, le Premier ministre refusait de se rétracter et soulignait même qu’il préférait adopter le programme politique de son parti plutôt que celui de la coalition au pouvoir. Cependant, lors d’une réunion avec les dirigeants des formations politiques alliées, il expliquait que l’expression tâche inachevée » visait la discussion sur l’opportunité de la construction du temple, plus que la construction elle-même. Le samedi 9 décembre, il refusait de débattre de ce problème et affirmait réserver sa réponse aux parlementaires lors des prochains débats au parlement. De toute façon, ses explications n’avaient pas convaincu l’opposition qui réclame sa démission et a fait ajourner la séance du parlement pendant sept jours consécutifs. La situation semblait s’être débloquée le 12 décembre, après une réunion de tous les partis politiques convoquées par le président de la chambre basse. Il a été décidé que la question de la reconstruction » du temple serait discutée par les parlementaires le mercredi 13 décembre.

Le mécontentement provoqué par les propos du Premier ministre ont, très largement, dépassé les milieux parlementaires. La grande presse indienne s’en est fait l’écho. Le Time of India exprime sa crainte que cette implicite légitimation de la destruction de la mosquée Babri Masjid » ne trouble ceux qui s’étaient laissé séduire par l’apparente modération de la ligne politique suivie par le gouvernement et ne renforce l’extrémisme de certains groupes. Le vice-président du Vishwa Hindu Parishad (Conseil mondial hindou, VHP) a déjà annoncé que son mouvement lancerait, en janvier, une campagne pour la construction du temple qui serait le plus vaste et le plus grand des temples de l’Inde Le Hindu qualifie les propos du chef du gouvernement de hautement inappropriés ». Ils ne manqueront pas de renforcer le soupçon de beaucoup qui pensent que l’actuel programme politique de l’alliance au pouvoir cache mal les vraies intentions politiques propres au BJP, d’un tout autre ordre.