Eglises d'Asie – Philippines
L’Eglise catholique accueille comme une “bonne surprise” l’annonce par le président Estrada de la grâce de tous les condamnés à mort
Publié le 18/03/2010
Le président Estrada a rendu publique cette décision lors d’une messe célébrée à l’église saint Jude Thaddeus, à Bacolod, sur l’île de Negros, profitant d’une pause dans le procès qui lui est fait par le Sénat transformé en Haute Cour de justice, procédure qui a débuté le 7 décembre et qui pourrait, éventuellement, déboucher sur sa destitution (23). Depuis que des accusations de corruption pèsent sur le président, l’Eglise catholique, par la voix de nombre de ses évêques et en particulier celle du cardinal Sin, archevêque de Manille, appelle à la démission du président, estimant que celui-ci a perdu “l’ascendant moral » indispensable à l’exercice de sa fonction (24). Avant même l’ouverture de ce procès, l’Eglise s’opposait au président sur le sujet de la peine capitale. Depuis le rétablissement de la peine capitale par le Congrès en 1994, les sept condamnés à mort qui ont été exécutés aux Philippines l’ont tous été depuis juin 1998, date de l’arrivée au pouvoir de Joseph Estrada. Le soudain revirement du président sur ce sujet et l’annonce de la grâce pour tous les condamnés à mort (au nombre d’un millier) font dire à certains que le président, dans un contexte politique difficile pour lui, cherche à redorer son blason aux yeux de l’influente Eglise catholique des Philippines.
Une organisation anti-abolitionniste, les Volunteers Against Crime and Corruption, a dénoncé le geste du président comme “un stratagème politicien » destiné à regagner la faveur de l’Eglise catholique. Dans un autre registre, le P. Vidal Gornez, du service jésuite pour les prisonniers, a déclaré que, bien qu’il ne voulait pas juger les motifs du président Estrada, son “très beau geste » pouvait bien être “un acte de désespoir » politique. Mais, ce geste va plus loin que ce à quoi d’aucuns pouvaient s’attendre. La plupart des hommes d’Eglise, a ajouté le P. Gornez, faisaient campagne pour que le moratoire sur les exécutions capitales prononcé en mars 2000 par le président Estrada, déjà à l’occasion du jubilé de l’an 2000, soit prorogé au-delà de l’année sainte (25). L’annonce de cette grâce collective relance l’espoir des catholiques de voir la peine de mort définitivement abolie aux Philippines, a conclu le prêtre jésuite. Dès le mardi 12 décembre, le président Estrada a d’ailleurs déclaré devant des journalistes qu’il soutiendrait désormais l’Eglise sur la question de la peine de mort et qu’il était favorable à son abolition.
Dans l’immédiat, selon les sources, entre 1 064 et 1345 condamnés à mort – dont 25 femmes et six mineurs – sont concernés par cette mesure (26). Techniquement, le porte-parole du président Estrada a indiqué que seuls 105 de ces condamnés, dont la sentence capitale a été confirmée par la Cour suprême, verront leur peine commuée effectivement en prison à vie. Les autres, dont la peine capitale n’a pas été confirmée en appel par la Cour suprême, “ne sont pas – encore – concernés par cette mesure de clémence ».
Par ailleurs, lors de la messe en l’église Saint-Jude (le patron des cas désespérés, à qui Joseph Estrada voue un culte particulier, à en croire l’agence Ucanews), le président de l’exécutif philippin a aussi annoncé une amnistie et la remise en liberté d’une centaine de “prisonniers politiques ». Il s’agirait de détenus appartenant à un groupe de “travailleurs révolutionnaires », une faction dissidente de la rébellion communiste avec laquelle Joseph Estrada a signé un accord de cessez-le-feu dans la région de Bacolod.