Eglises d'Asie

Papouasie occidentale : tandis que le gouvernement indonésien a choisi de réprimer par la force le mouvement indépendantiste papou, l’Eglise catholique appelle au dialogue

Publié le 18/03/2010




Le 1er décembre 2000, au moment où des heurts entre les forces gouvernementales et des militants indépendantistes faisaient plusieurs morts en différents lieux de la province, Mgr Leo Laba Ladjar, évêque franciscain de Jayapura, a appelé le gouvernement « à se montrer suffisamment courageux pour ouvrir des pourparlers avec les Papous afin de toucher leurs cours ». Selon cet évêque catholique, les autorités indonésiennes doivent prendre les demandes des Papous au sérieux, en particulier leur revendication à plus de justice – et cela, dans tous les domaines, pas uniquement le domaine économique. Mgr Leo Ladjar a rappelé que l’engagement de l’Eglise aux côtés des Papous était, « par nature », humanitaire, l’Eglise ne faisant pas de politique. Le domaine de l’action politique est de la responsabilité du gouvernement et des Papous, a ajouté l’évêque de la capitale de la province.

Le même jour, à Jayapura, le P. Jack Mote, vicaire général du diocèse, et le révérend Corinus Berotabuy, secrétaire général de l’Eglise évangélique chrétienne (protestante), ont déclaré, dans un communiqué commun, que toutes les parties en présence en Papouasie occidentale devaient se montrer ouvertes au dialogue. Ils ont également demandé aux soldats gouvernementaux d’arrêter les entreprises d’intimidation dans les villages. Selon John Rumbiak, qui dirige l’Institut pour les droits de l’homme à Jayapura, ce sont des provocateurs se faisant passer pour des militants indépendantistes qui sont à l’origine de l’attaque du poste de police d’un village situé dans les collines entourant la capitale Jayapura. Lors de cette attaque, le 7 décembre, deux policiers et un garde ont été tués par des hommes armés d’arcs et de machettes se réclamant du Mouvement pour la Papouasie libre ; en représailles, trois étudiants ont été tués et quatre autres blessés par les forces de police. Selon John Rumbiak, cet incident fait partie des manouvres de certains responsables des forces de sécurité stationnées en Papouasie occidentale qui veulent pourrir la situation pour justifier un recours massif à la force (16).

Selon de nombreux observateurs appartenant à l’Eglise catholique, les célébrations du 1er décembre commémorant l’« indépendance » de la Papouasie occidentale se sont pourtant déroulées dans le calme. A Jayapura, des milliers de Papous se sont réunis sur le site historique du parc d’Imbi (Taman Imbi) pour la levée du Bintang Kejora, ‘l’Etoile du matin’, le drapeau symbole du mouvement indépendantiste. Mais, en différents lieux situés en dehors de la capitale, dans la ville de Merauke en particulier, un total de dix-huit personnes ont trouvé la mort (17). Outre les deux policiers tués, on compte quatre non-Papous (des transmigrants) et onze étudiants ou partisans de la cause indépendantiste parmi les victimes.

Par ailleurs, Theys Hiyo Eluay, chef du présidium du Congrès papou, principale organisation indépendantiste, qui avait pourtant appelé les indépendantistes à garder leur calme, a été arrêté le 1er décembre. Lui et quatre autres membres de ce Congrès ont été placés sous les verrous et mis en examen au titre des articles 106 et 110 du Code pénal, articles relatifs au crime de « subversion » et passibles de la prison à vie. Une certaine confusion règne quant à leur sort. En effet, le président Abdurrahman Wahid a ordonné le 5 décembre la remise en liberté de Theys Eluay et de ses compagnons au motif que leur détention ternit l’image de l’Indonésie à l’étranger. Mais son ordre n’a pas été suivi d’effet et le ministre de la Sécurité, Susilo Bambang Yudhoyono, a déclaré le 8 décembre que la justice devait suivre son cours, précisant seulement que la police nationale avait promis d’accélérer les enquêtes au sujet de Theys Eluay, de Thaha Al Hamid, secrétaire général du Congrès papou, et des trois autres membres de ce Congrès sous les verrous, Don Flassy, John Mambor et le révérend Herman Awom. Il est prévu que le président Wahid se rende en visite en Papouasie occidentale le jour de Noël et qu’il y rencontre divers dirigeants locaux, religieux et civils.

Une des conséquences de l’arrestation des dirigeants du Congrès papou est la décapitation du mouve-ment indépendantiste modéré, laissant seuls les militants du Mouvement pour la Papouasie libre, favo-rables à la lutte armée, sur le devant de la scène. Selon John Rubiak, les éléments non violents de la communauté papoue ont été réduits au silence. A Djakarta et dans le reste de l’Indonésie, les dirigeants et l’opinion publique ne sont pas prêts, après la « perte » du Timor-Oriental, à laisser partir une provin-ce de plus. Dans une déclaration recueillie par FrancePresse le 10 décembre, Richard Hans Joweni, dirigeant du Mouvement pour la Papouasie libre, a affirmé incarner la lutte pour l’indépen-dance, accusant le Congrès papou de pactiser avec l’Indonésie en ne demandant que l’autonomie. Ses combattants, a-t-il déclaré, « sont déterminés à prendre le contrôle de la lutte pour l’indépendance et à diriger la Papouasie occidentale avant l’année 2001. Sans compromisnous prendrons des mesures fermes contre les personnes ou les groupes qui trahiront ou dévieront de cette cause ».

La Papouasie occidentale (anciennement Irian Jaya) couvre à l’extrémité orientale de l’Indonésie un territoire presque aussi grand que la France et représente 22 % de la surface totale de l’Indonésie. Très peu peuplée, avec 2,5 millions d’habitants, elle abrite des ressources minières considérables (or, cui-vre), l’opérateur américain de la mine de Freeport étant le premier contribuable indonésien. Les Méla-nésiens, autrefois majoritaire dans la province, sont aujourd’hui à égalité, en nombre, avec les Indoné-siens originaires d’autres îles du pays, venus s’installer à la faveur des transmigrations. Les Mélané-siens sont en grande partie chrétiens tandis que les transmigrants sont majoritairement musulmans.