Eglises d'Asie

Un prêtre du diocèse de Huê lance une campagne de protestation pour la liberté religieuse

Publié le 18/03/2010




Depuis la petite chrétienté de Nguyêt Biêu dans le diocèse de Huê, où il est en résidence forcée depuis quelques années au milieu de quelques dizaines de familles chrétiennes, le P. Thadée Nguyên Van Ly vient de lancer une campagne de protestation pour la liberté religieuse, campagne à laquelle il a réussi à donner une vaste ampleur grâce aux possibilités offertes par le courrier électronique.

L’action du prêtre de Huê qui a débuté vers le milieu du mois de novembre, revêt une double dimension à la fois locale et nationale. Elle s’est appuyée, au commencement, sur des revendications locales. Le 13 novembre avec les chrétiens du village, dans une lettre adressée aux autorités, Le P. Ly demandait que soient rendues à la paroisse de Nguyêt Biêu 1 905 m² de rizières situés dans le périmètre de l’Eglise ; ces terres, avec bien d’autres, lui avaient été confisquées par l’Etat. En même temps, il reprenait une proclamation en dix points écrite six ans plus tôt et déjà connue de la diaspora vietnamienne. Grâce à Internet, elle était diffusée à nouveau, le 24 novembre, jour de la fête des saints martyrs vietnamiens, à tous les hommes de bonne volonté du monde Il y faisait un compte précis de toutes les violations de la liberté religieuse commises par le Parti communiste et le gouvernement vietnamiens, au détriment de l’Eglise catholique, depuis la confiscation du séminaire de Huê, en décembre 1979, en passant par les innombrables interventions des autorités du pays dans la vie interne de l’Eglise, à savoir la nomination des évêques et des prêtres, la formation des séminaristes, l’entrée de novices et la vie des religieux dans les monastères. Il protestait aussi contre l’interdiction faite à l’Eglise de travailler dans les domaines éducatif, social et caritatif. Il s’indignait de voir certains prêtres accepter de travailler dans certaines instances du pouvoir comme les Comités populaires ou encore le Front patriotique du Vietnam. Enfin il incitait l’Eglise catholique et sa hiérarchie à conquérir sa liberté en résistant aux sollicitations du pouvoir.

Dans les premiers jours de décembre, le P Ly et les fidèles du lieu, pour soutenir leurs revendications lo-cales concernant les terres confisquées, organisaient une petite manifestation autour de l’Eglise. Des pi-quets étaient enfoncés au milieu du terrain réclamé, soutenant des banderoles ou était inscrite en grosses lettres, la phrase : Nous avons besoin de la liberté religieuse » Les photos et le récit de l’événement fu-rent aussitôt largement diffusés sur la réseau Internet et répercutés dans la diaspora vietnamienne. Les au-torités, après avoir essayé en vain de faire retirer les banderoles par le prêtre, les firent arracher par un émissaire alors que le prêtre était occupé à recevoir un groupe de personnes. Le soir même, la banderole avec la même phrase que précédemment se trouvait suspendue au dessus du porche de l’Eglise. La photo-graphie circulait bientôt sur Internet. Entre temps, le P. Ly, sur le conseil des prêtres et des chrétiens de la région avait interrompu une grève de la faim qu’il avait entamée le jour-même en guise de protestation.

Durant ce même temps, le P. Ly a multiplié les proclamations et appels de caractère plus général puisqu’ils concernaient l’Eglise du Vietnam et son attitude actuelle face au contrôle et à la pression que lui fait subir le gouvernement. Deux appels, n° 1 et n°2, ont été diffusés par lui sur le réseau Internet, chacun d’eux accompagné ou suivi d’une explication. Le premier appel, daté du 4 décembre, s’adresse à l’ensemble des chrétiens vietnamiens dans le pays et à l’extérieur. Après avoir rappelé que l’Eglise au Vietnam ne jouit pas des libertés fondamentales et évoqué la résistance héroïque des martyrs vietnamiens, il se réfère à l’injonction faite par Moïse au Pharaon : «Laisse mon peuple aller librement rendre un culte à Dieu » (Exode 5,1), pour inviter les catholiques vietnamiens à ne pas se contenter d’une liberté fallacieuse octroyée par le gouvernement » et de lutter pour la liberté religieuse. Le deuxième appel daté du 8 décembre s’adresse directement à la hiérarchie vietnamienne. Citant toutes les limites imposées par les autorités communistes à l’exercice de leurs fonctions, le P. Ly demande aux évêques de ne plus accepter cette sujétion au pouvoir civil et d’accepter les sacrifices qui pourraient découler d’une liberté et d’une dignité retrouvées.

Un dernier message reçu du Vietnam, le 13 décembre, vient de faire savoir que depuis le 10 décembre, le P. Nguyên Van Ly est totalement isolé du monde extérieur. Ses trois lignes téléphoniques ayant été coupées par les autorités locales, ses deux branchements à Internet sont devenus inutilisables. Depuis le 12 décembre, une nouvelle banderole flotte, accrochée au clocher de l’église de Nguyêt Biêu, portant ces mots : La liberté religieuse ou la mort Elle y a été placée par le prêtre lui-même. Le message avertit également que le P. Ly reprendra une grève de la faim illimitée à la première violence exercée contre lui ou un de ses paroissiens et que, cette fois-ci, sa lutte ne s’arrêterait que lorsqu’une liberté entière serait rendue à toutes les religions.

Le P. Thadée Nguyên Van Ly, qui a aujourd’hui 53 ans, se réclame de la tradition de Mgr Philippe Nguyêm Kim Diên (32), archevêque de Huê, au moment du changement de régime de 1975 (33) et dont il fut le secrétaire pendant deux ans. Emprisonné une première fois en 1977 pour avoir diffusé certaines déclarations de son évêque, il le fut à nouveau en 1983 pour avoir résisté aux injonctions du pouvoir lui adjoignant de quitter sa paroisse (34). Condamné à 10 ans de prison et 4 ans de résidence surveillée par le tribunal populaire de Huê, il sera libéré en 1992 (35). C’est en 1997 qu’il fut placé dans la petite chrétienté de Nguyêt Biêu, où il a organisé un cours d’informatique ainsi que des classes de recyclage culturel.