Eglises d'Asie

Jolo : le dernier jour du ramadan, un prêtre du vicariat apostolique de Jolo est assassiné par, semble-t-il, un musulman appartenant au groupe Abu Sayyaf

Publié le 18/03/2010




Le 28 décembre dernier, en plein jour, à quelques mètres de la cathédrale du vicariat apostolique de Jolo, le P. Benjamin Inocencio a été abattu d’une balle en pleine tête par un tireur isolé. Le P. Inocencio et son chauffeur, Jun Domingo, étaient à bord d’une jeep et revenaient d’avoir acheté des cadeaux destinés aux employés du vicariat lorsqu’un homme armé s’est approché d’eux. Le P. Inocencio a été tué sur le coup et son chauffeur grièvement blessé. La police, accourue sur les lieux, s’est lancée à la poursuite du tireur et l’a abattu quelques instants plus tard. Lors de l’échange de coups de feu qui s’est produit à l’occasion de cette chasse à l’homme, un passant a été tué et deux autres personnes blessées. Les autorités n’ont pas révélé l’identité du meurtrier mais indiquent qu’il pourrait s’agir d’un homme appartenant au groupe Abu Sayyaf.

Le P. Inocencio, âgé de 42 ans, appartenait à la congrégation des Oblats immaculés de Marie. Chancelier du vicariat, il était en poste à Jolo depuis six mois, après avoir servi sept ans comme curé de paroisse sur l’île de Cagayan, dans la province voisine et majoritairement musulmane de Tawi-Tawi. Selon des sources catholiques locales, le P. Inocencio avait reçu, dans le passé, des menaces de mort. Il y a quelques mois encore, lui-même, son évêque, Mgr Angelito Lampon, et quelques autres prêtres du vicariat bénéficiaient d’une protection rapprochée de l’armée philippine, mais ces gardes leur avaient été retirés lorsque les troupes philippines avaient donné l’assaut, en septembre dernier, au groupe Abu Sayyaf, détenteur d’une vingtaine d’otages occidentaux, philippins et malaisiens (14).

Depuis cette crise des otages, la tension reste grande à Jolo et dans sa région. L’armée n’a pas cessé ses opérations contre le groupe Abu Sayyaf, qui retient toujours en otage un Américain et un Philippin. Depuis le versement de fortes rançons payées pour obtenir la libération des otages occidentaux, les armes circulent en abondance dans la région. Sur l’île voisine de Basilan, en septembre dernier, Mgr Romulo de la Cruz, évêque de la prélature d’Isabela, a été contraint de prendre des “vacances” en dehors de Basilan après avoir été menacé de mort par le chef d’une des factions du groupe Abu Sayyaf (15). En mai dernier, toujours sur l’île de Basilan, le P. Rhoel Gallardo et trois enseignants avaient été tués lors de l’opération armée menée par les forces gouvernementales pour les libérer, eux et une vingtaine d’enfants retenus en otages (16).

L’assassinat du P. Inocencio rappelle celui de Mgr Benjamin de Jesus, l’ancien évêque de Jolo. Le 4 février 1997, sur les marches de sa cathédrale, Mgr de Jesus, Oblat de Marie immaculée lui-aussi, avait été tué par balles. Son meurtrier n’a jamais été arrêté. A l’époque, le ramadan s’achevait à cette période et les responsables musulmans de Jolo avait annulé les fêtes de (Id al-Fitr), en signe de respect pour les funérailles de Mgr de Jesus. Selon les termes de Mgr Carmelo Morelos, de Zamboanga, archevêché situé sur l’île de Mindanao, le meurtre du P. Inocencio anéantit “cette saison de paix et d’harmonie”. En 2000, la fin du ramadan a en effet coïncidé avec Noël et l’événement était significatif pour la petite communauté catholique de Jolo qui représente moins de 2 % des 700 000 habitants des provinces de Sulu et de Tawi-Tawi, musulmans à 90 %.