Eglises d'Asie

Le projet d’une ordonnance sur la religion ne suscite pas l’enthousiasme dans l’ensemble du clergé catholique

Publié le 18/03/2010




Les premiers éléments d’un projet d’ordonnance sur la religion, promise depuis le mois de juillet 1998 par une directive du Bureau politique, viennent d’être mis entre les mains du clergé pour qu’il exprime son opinion à leur sujet. La lettre qui accompagne le projet est signée du “Comité d’élaboration de l’ordonnance sur la religion dirigé par Lê Quang Vinh, directeur des Affaires religieuses du gouvernement. Datée du jour de Noël, le 25 décembre, elle a été adressée à la Conférence épiscopale du Vietnam. En fait, les prêtres du diocèse de Huê, et sans doute des autres diocèses, n’ont pris connaissance de ce texte que le 5 janvier lors de réunions de doyennés auxquelles ils avaient été convoqués. Ils ont été priés de faire connaître leurs réactions avant le 24 janvier 2001. Après cette date, le document devra être soumis au bureau permanent de l’Assemblée nationale pour jugement et décision, précise le texte. La lettre accompagnant le document demande aussi aux lecteurs de ce premier texte de ne pas le communiquer aux médias.

Ce projet d’ordonnance (19) ne comporte que peu d’éléments nouveaux par rapport à la multitude de tex-tes de ce type déjà publiés par le gouvernement vietnamien depuis la fondation de la République démocra-tique du Vietnam en 1954. Ils n’ont, en effet, jamais fait défaut, depuis le premier décret signé en 1954 par Hô Chi Minh, suivi en 1977 du décret 297 CP signé de Pham Van Dông, auquel succéda le décret 69 HDBT, signé le 21 mars 1991 par Dô Muoi. Vint ensuite, le décret n° 26/1999/ND-CP du 19 avril 1999, signé du Premier ministre, Pham Van Khai, sans compter de multiples lettres d’application, amendements et compléments divers, etc. (20). L’actuel texte se différencie de ses prédécesseurs par des remarques plus formelles qu’essentielles. A la différence des autres textes qui se présentaient comme des décrets (Quyêt Dinh) du Premier ministre, il s’agit aujourd’hui d’une ordonnance (Phap Lênh) qui, à ce titre, sera promulguée par le bureau de l’Assemblée nationale, sans toute fois être soumise aux votes des députés.

La plus grande originalité de cette ordonnance réside en fin de compte dans l’effort accompli pour fournir des définitions, pas toujours heureuses, des termes employés. C’est en effet une tâche difficile dans la mesure où les définitions concernent des réalités conçues différemment selon les diverses religions que vise l’ordonnance. On s’étonne cependant de voir que, dans l’ordonnance, le mot “religion” désigne une communauté de personnes, que l’Eglise est composée de son clergé, de certains autres responsables, des établissements du culte qui en font, eux aussi, partie, alors que le troupeau des fidèles en est écarté. Le document éprouve également une certaine difficulté à regrouper dans des mêmes catégories, le clergé des différentes religions. Ses membres sont définis d’une façon générale comme des “nha tu hanh”, désignation traditionnelle au Vietnam pour ceux qui quittent le monde et consacrent leur vie à des idéaux religieux. Certains d’entre eux se consacrent à l’administration des affaires de l’Eglise : ce sont les “chuc sac” (dignitaires ecclésiastiques) qui, eux-mêmes, reçoivent la collaboration des “chuc viêc responsables laïcs se consacrant aux affaires religieuses.

Selon les échos parvenus en Occident, la première lecture de ce texte par le clergé vietnamien a été suivie d’un grand nombre de réactions négatives. Un prêtre de Saigon, interrogé par l’agence Vietcatholic News (21) après une réunion de prêtres consacrée à l’ordonnance, résumait l’opinion générale en disant que l’ordonnance était beaucoup trop longue (8 pages) ; une ligne aurait été suffisante, qui aurait affirmé que, pour garantir la liberté religieuse, le Parti communiste renonçait à son monopole et rétablissait des partis d’opposition ayant la charge de contrôler la politique de liberté religieuse de l’Etat. D’autres échos venus de Huê suggèrent également que le clergé n’est guère favorable au nouveau texte. A l’issue des réunions de doyennés qui ont eu lieu le 5 janvier, beaucoup de participants seraient tombés d’accord pour boycotter le texte. Selon les prêtres, les fois précédentes, les autorités n’ont jamais tenu compte des remarques faites, et, souvent, elles ont pris des décisions contraires. Par ailleurs, les textes législatifs au Vietnam bénéficiant des leçons d’une longue expérience ont avec le temps multiplié les dispositions contraignantes pour la religion. Les opinions apportées par les prêtres lors des débats sur ce type de textes ne contribuent en fin de compte qu’à intensifier le contrôle de l’Etat sur l’exercice de la religion.

L’ordonnance dont le projet vient d’être dévoilé avait été annoncée pour la première fois dans une direc-tive du Bureau politique, publiée le 2 juillet 1988, à l’issue d’une réunion de deux jours, qui avait débattu de la question religieuse. Un certain nombre d’initiatives avaient été annoncées parmi lesquelles l’élabo-ration d’une ordonnance sur la religion qui serait promulguée par le bureau permanent de l’Assemblée nationale (22). Lors de la parution du décret 26/1999/ND-CP (23), le Bureau des Affaires religieuses faisait savoir que ce nouveau texte n’avait pour but que de compléter les décrets et arrêtés précédents concernant la question religieuse. Une ordonnance était en préparation pour laquelle les autorités religieuses seraient consultées. On précisait même que cette ordonnance serait suivie d’une loi pour laquelle un sondage de l’ensemble de la population serait organisée. Ces intentions avaient été réitérées à plusieurs reprises par Lê Quang Vinh, directeur des Affaires religieuses, notamment le 12 octobre 1999, lors de la réunion de la Conférence épiscopale à Nha Trang (24) et dans une interview accordée à la Revue des Etudes religieuses n° 2 (25) A chaque fois, M. Vinh a souligné que la publication de cette ordonnance ne sera qu’une étape transitoire avant l’adoption par l’Assemblée nationale d’une loi sur la religion.