Eglises d'Asie

Le “processus de normalisation” de l’Eglise évangélique du Sud-Vietnam contrarié par les manipulations des Affaires religieuses et les protestations vigoureuses des chrétiens

Publié le 18/03/2010




Le processus de normalisation de l’Eglise évangélique du Sud-Vietnam, longtemps différé, s’était, semble-t-il, engagé sur une voie rapide (1) et aurait dû se conclure dans les meilleurs délais. Or, selon un rapport d’un observateur occidental (2), les manipulations exercées par le Bureau des Affaires reli-gieuses furent d’une telle maladresse et les compromissions consenties par certains dirigeants protes-tants furent si voyantes qu’une tempête de protestation s’est élevée au sein de l’Eglise évangélique, pasteurs et laïcs confondus – une tempête qui n’a pas empêché le Premier ministre de signer le 22 janvier dernier une lettre annonçant la tenue d’une Assemblée générale de l’Eglise évangélique du 7 au 9 février 2001, dans le temple situé au 155 du boulevard Trân Hung Dao à Hô Chi Minh-Ville.

La rédaction d’un projet de charte destinée à régir les activités de l’Eglise constituait l’étape la plus importante du processus en question. Un Comité ad hoc fut mis en place, chargé de l’élaboration de ce texte fondamental. Dès le début, le contrôle de l’ensemble du Comité et de ses travaux a échappé, du moins en partie, à la maîtrise des fonctionnaires des Affaires religieuses si bien que le projet de charte mis au point et adopté par le Comité le 11 novembre 2000 était beaucoup plus démocratique que le texte donné au début comme document de travail (3). Cependant le présidium du Comité considéré par beaucoup comme extrêmement proche du pouvoir, de son propre chef, prit l’initiative de réviser le texte déjà adopté, soi-disant pour le rendre plus clair, en réalité, pour le rendre acceptable aux autorités civiles “commanditaires”. C’est ce texte ainsi transformé qui parvint aux Affaires religieuses lesquelles y ajoutèrent encore un certain nombre de changements de leur crû. Ayant subi toutes ces transformations, le texte revint enfin au Comité, avec charge pour celui-ci de le soumettre à la discussion des Eglises locales.

Lorsqu’ils furent instruits de toutes ces irrégularités, les membres du Comité, dans leur majorité, s’en montrèrent fort irrités et décidèrent d’envoyer, eux-mêmes, aux Eglises locales, le texte originel tel qu’ils l’avaient adopté. Pasteurs et fidèles protestants reçurent celui-ci juste avant que ne leur parvienne le texte officiel par deux fois remanié. Ils purent ainsi, à loisir, comparer les deux versions. Leurs réactions furent vigoureuses et unanimes. Des protestations se sont fait entendre au cours des réunions organisées par les sections locales des Affaires religieuses. Des requêtes furent envoyées au Comité de rédaction de la charte, lui demandant de démissionner en signe de protestation. L’une d’entre elles était signée des 46 pasteurs de la province de Khanh Hoa. De nombreux écrits dénonçant l’attitude de certains dirigeants furent mis en circulation. Certains portaient des titres significatifs comme “Le chant du coq” se référant au reniement de Saint Pierre, ou encore “Les pierres crieront” (4) visant le silence de certains dirigeants devant les interventions de l’Etat dans les affaires de l’Eglise. D’autres textes circulant clandestinement ont mis en cause nommément neuf pasteurs, les accusant d’être des fantoches du gouvernement ou, plus charitablement, des naïfs, imperméables aux leçons de l’expérience du Nord Vietnam.

Plus encore que le manque de fermeté des dirigeants, c’est le caractère interventionniste de la politique du Bureau des Affaires religieuses qui a révolté les divers milieux de l’Eglise évangélique. Dans les changements apportés au projet par les autorités civiles, certains concernaient même la section doctrinale. L’insistance des fonctionnaires des Affaires religieuses pour que le préambule du projet affiche l’allégeance de l’Eglise évangélique au pouvoir d’Etat a, elle aussi, été très mal reçue.

Le climat dans l’Eglise était tel que, le 28 décembre, une réunion du comité d’élaboration du projet de charte fut convoquée en urgence, où le présidium n’eut pas la tâche facile. Le comité décida de suspendre ses travaux sans prononcer sa dissolution. Deux motions furent adoptées, l’une affirmant l’attachement du Comité au texte de projet adopté par la majorité le 11 novembre, l’autre exigeant que soient retirées du texte irrégulièrement transformé les signatures des membres du Comité.

En convoquant une Assemblée générale pour le début février, malgré la situation confuse actuelle et le vent de révolte qui souffle dans les rangs de l’Eglise évangélique, les fonctionnaires des Affaires reli-gieuses semblent se montrer pressés par le temps parce que, selon certains, ils risqueraient de perdre leur place si le “problème protestant” n’était pas réglé à cette date, le protestantisme étant la dernière religion à n’être pas encore normalisée si l’on tient compte de la situation exceptionnelle du catholicis-me. On se demande quels sont les délégués qui accepteront de participer à cette assemblée et combien seront-ils.

Quoiqu’il en soit, cette affaire, selon beaucoup aura eu l’avantage de permettre aux pasteurs et fidèles, aussi bien dans les communautés officielles que dans les organisations d’Eglises domestiques, de réagir avec force et dans l’unité. Il y auront été largement aidés par la divulgation par l’association américaine Freedom House, à la veille du voyage de Bill Clinton au Vietnam, du texte vietnamien (une cinquantaine de pages) et de la traduction anglaise de huit documents secrets récents du gouvernement vietnamien destinés à guider l’action des cadres chargés de réprimer l’expansion actuelle du christianisme protestant (5). Leur a été particulièrement précieux le document 184 A, où étaient révélés le programme à suivre et la stratégie à employer pour placer le protestantisme sous contrôle gouvernemental.