Eglises d'Asie

Les causes immédiates des troubles survenus dans les provinces de Gia Lai et de Daklak ne sont pas encore totalement évidentes

Publié le 18/03/2010




Dimanche 11 février 2001, le calme semblait être revenu sur les hauts plateaux après des troubles dont, jusqu’à présent, il est difficile de mesurer l’ampleur et de préciser les motivations. Selon des témoignages recueillis auprès des vendeurs de café de Buôn Ma Thuôt, chef-lieu de la province de Daklak, la présence militaire et policière s’était fait plus discrète, contrastant avec les patrouilles militaires, les rondes des jeeps et les vols d’hélicoptères qui avaient marqué la semaine précédente. Cependant, dans deux districts de la province, Ea H’leo et Ea Sup, où les heurts entre manifestants et policiers ont été particulièrement violents, le téléphone était encore coupé. Les rapports en provenance de la province voisine de Gia lai, théâtre des plus sérieux affrontements de ces jours derniers, indiquaient que rien de nouveau s’était passé.

Il est encore trop tôt pour reconstituer le déroulement précis des événements et, surtout, pour déterminer les causes exactes qui ont provoqué cette soudaine flambée de violences et de mécontentements ouvertement exprimés. Selon la version officielle exposée dans le Nhân Dân et dans l’agence d’information officielle du Vietnam, l’arrestation de deux membres des minorités à la fin du mois de janvier aurait tout déclenché. Le 29 janvier, un premier groupe de montagnards se serait rassemblé devant le siège du Parti communiste et le comité populaire de Pleiku pour réclamer la libération des deux militants emprisonnés et la restitution de terres injustement confisquées pour y planter du café. La version officielle des événements précise ensuite que, bien que les deux prisonniers aient été libérés, les manifestations se sont multipliées ensuite du 3 au 6 janvier 2001, qu’elles ont touché la ville de Buôn Ma Thuôt ainsi qu’un certain nombre d’autres agglomérations de la province de Dac Lac.

Lorsque les agences de presse et les reporters étrangers ont commencé à rendre compte des événements à partir du 7 février, les troubles duraient déjà depuis plusieurs jours. Selon l’AFP, des milliers de protestataires manifestaient déjà à Pleiku depuis quatre jours. La veille, c’était 2 000 manifestants qui avaient envahi la ville de Buôn Ma Thuôt. Cette même source rapporte le propos d’un témoin : “Des files ininterrompues de membres des communautés ethniques ont défilé à partir de vendredi (1er février) et pendant le week-end le long des routes menant à Pleiku, la capitale de la province de Gia Lai D’une façon générale, les médias internationaux donnent aux troubles une dimension moins étriquée que les agences gouvernementales, aussi bien dans le domaine des chiffres que des faits. Selon les témoins cités, les manifestants appartiennent à différentes ethnies et se sont heurtés à la police un peu partout dans les deux provinces des hauts plateaux. Le parc national des Hauts plateaux, situé à la frontière du Cambodge et abritant de nombreuses ethnies (Ede Jarai, Khmer, Mnong, Lao, Srepok et Tai), a également été le théâtre de manifestations. Dès le 7 février, il a été fermé au public pour des raisons qui ne seront pas précisées. On cite les Jarai et les Bahnars comme étant les peuples les plus actifs lors de ces manifestations. Celles-ci ont été particulièrement violentes à Chu Prong dans la province de Gia Lai. Déjà le 7 février, on parlait de blessés, surtout chez les policiers, et de nombreuses arrestations.

Le 8 février fut la journée où les autorités vietnamiennes ont commencé à réagir face à des troubles qui duraient déjà depuis plus d’une semaine. Des instructions ont été données interdisant l’accès des hauts plateaux aux touristes étrangers ainsi qu’aux Vietnamiens demeurant en d’autres régions. Les hôteliers affirment qu’ils ne sont pas autorisés à accueillir de clients mais n’en révèlent pas les véritables motifs. De nombreux policiers anti-émeutes sont déployés et des unités militaires sont dépêchées dans les différents points chauds des deux provinces concernées. De nombreux hélicoptères survolent la région, davantage sans doute pour impressionner la population que pour obtenir des effets concrets. Les autorités révèlent, par l’intermédiaire du porte-parole des Affaires étrangères, qu’une vingtaine d’arrestations ont été opérées à Pleiku.

Le 10 février, le gouvernement a pris de nouvelles mesures destinées à réprimer l’agitation des ethnies des hauts plateaux. La presse locale a annoncé le recrutement de nouveaux soldats parmi les peuples minoritaires de la région. 1 300 nouvelles recrues ont ainsi rejoint les forces armées depuis le 24 janvier, affirme vietnamienne d’information. Les autorités semblaient décidées à mettre un terme définitif à toute cette agitation. De nombreuses arrestations ont eu lieu dont le chiffre ne sera sans doute jamais connu.

La raison la plus apparente de cette flambée de violence est la colère des habitants traditionnels des hauts plateaux face à la confiscation de leurs terres au profit des nouveaux habitants, d’ethnie vietnamienne, qui, selon certaines statistiques, constitueraient aujourd’hui plus de 91 % de la population de ces régions. Le problème est loin d’être récent. Il se posait dès 1954 avec l’arrivée des premiers colons vietnamiens. Mais le succès rencontré par la vente du café robusta sur le marché international a incité à la création de nombreuses plantations de café sur des terres arrachées à leurs propriétaires traditionnels. Ces créations furent en fait si nombreuses qu’elles ont entraîné un surcroît de production et un effondrement des prix mondiaux du café robusta.

La seconde raison généralement alléguée serait de nature religieuse. La révolte actuelle serait due aux persécutions subies par les chrétiens protestants des hauts plateaux de la part des autorités locales qui, il est vrai, s’acharnent souvent sans raison contre les lieux et les exercices de culte des petites communautés de cette région. Un certain nombre de groupes religieux, surtout aux Etats-Unis, ont lié ces troubles à des motivations religieuses. La Montagnard Foundation, dont le siège est aux Etats-Unis, a même prétendu que les deux personnes dont l’arrestation a déclenché les troubles étaient des membres actifs d’une communauté chrétienne. Cette thèse qui est encore loin d’être prouvée pourrait trouver un commencement d’accréditation dans le comportement tenu par les autorités locales durant les troubles. Au moment où l’existence de troubles commençaient à être connue, le 7 février, l’agence d’information officielle révélait qu’une réunion des dignitaires religieux de la région convoquée par les responsables du Front populaire s’était tenue dans la province de Gia Lai. Les personnalités religieuses présentes auraient été mises en garde “contre certains éléments malfaisants utilisant la religion pour falsifier les faits ou semer la zizanie au sein de la communauté ethnique