Eglises d'Asie

Les groupes hindouistes, en essayant de monopoliser les secours aux sinistrés du tremblement de terre, ont rendu difficile l’action caritative de militants chrétiens

Publié le 18/03/2010




Presque toute la presse (1), l’opposition politique et de nombreuses franges de la population ont mis en question le rôle joué par le Sangh Parivar (rassemblement de divers groupes hindouistes d’extrême droite) au cours des opérations de secours aux victimes du tremblement de terre qui a ravagé plusieurs régions du Gujarat le 26 janvier dernier (2). Les groupes qui le composent sont accusés d’avoir cherché à tirer un profit politique de la catastrophe qui a fait, selon certaines estimations, 100 000 morts.

Selon des plaintes reçus par un bureau de contrôle situé à Gadhinagar, les militants du Rashtriya Swayamsevak Sangh (Corps national des volontaires, RSS) et du Vishwa Hindu Parishad (Conseil mondial hindou, VHP) auraient fait main basse sur les camions de secours et en auraient assuré la distribution sous leur bannière. Les conditions chaotiques qui règnent à Bhuj, chef-lieu de la région la plus touchée de Kutch, et le manque total de coordination entre les diverses agences ont favorisé les groupes hindouistes dans leurs ambitions. Plusieurs exemples ont été cités par la presse. Un camion transportant des aides venant d’Espagne a été piraté par un groupe du RSS au début du mois sur la route de Bhuj, sous prétexte que les responsables espagnols refusaient d’entrer dans la ville pour raisons de sécurité. Le camion a ensuite disparu et n’a été retrouvé nulle part. Un avion japonais chargé d’approvisionnement a été bloqué à l’aéroport d’Ahmedabad par des groupes appartenant au VHP, qui en réclamaient le contenu sous prétexte qu’il avait été envoyé par un de leurs membres vivant au Japon. De nombreuses ONG se sont plaint de voir leurs aides prises en main par le VHP ou le RSS et distribuées sous leur patronage.

Un peu partout les fonctionnaires ont reçu des instructions de l’Etat du Gujurat pour que les opérations de secours et les distributions de vivres se déroulent en présence des dirigeants locaux du BJP ou des responsables des groupes dépendant du Sangh Parivar. Dans la plupart des cas, les secours ont été ensuite distribués comme des dons du groupe hindouiste aux victimes du tremblement de terre. On a même essayé, à Ahmedabad, de faire du RSS la seule association habilitée à venir au secours des victimes bloquées dans les décombres des habitations. Ses militants ont fait leur apparition le jour même du séisme, vêtus de leur short kaki et leur T-shirt noir.

Le comportement des groupes hindouistes a provoqué une vive irritation de la population, en particulier, des minorités religieuses et des basses castes. A Kutch, les musulmans et des membres des basses castes ont organisé une manifestation devant le bureau du chef de district pour protester contre ce qu’ils ont appelé la discrimination religieuse et de caste qui a marqué les distributions d’aide. Les manifestants portaient des bannières accusant le gouvernement de l’Etat, contrôlé par le BJP, d’avoir réservé le monopole de la distribution des vivres aux groupes hindouistes. Dans le village de Dhrang, tout près de l’épicentre du séisme, les 300 habitants de confession musulmane n’ont pas été ravitaillés par les équipes des groupes hindouistes qui ont uniquement distribué des vivres aux hindous du village. Ailleurs, dans le village de Lodhia, les colis portaient une étiquette où était inscrite une phrase à la louange d’une divinité hindoue, phrase qu’il fallait prononcer pour obtenir le colis.

Cependant, malgré cette tentative des nationalistes hindous de contrôler la réception et la distribution des secours aux sinistrés, les évêques catholiques des diocèses du Gujarat ont essayé, souvent sans succès, de collaborer avec toutes les associations en présence. L’évêque de Rakjot, dont le diocèse se trouvait dans la zone la plus sinistrée, a même demandé aux volontaires chrétiens de travailler la main dans la main avec les militants du RSS, le temps n’étant plus aux controverses religieuses. Il a cependant été obligé de re-connaître que des religieuses envoyées pour aider n’avaient pu obtenir le feu vert des militants du RSS. La même attitude a été observée par le responsable des services d’assistance de l’Eglise orthodoxe qui a affirmé devoir ne pas tenir compte des remarques désagréables prononcées par les militants hindouistes.