Eglises d'Asie

Les pressions croissantes de Pékin sur Hongkong, en particulier au sujet du mouvement Falun-gong, ne font pas grandir la confiance des Taiwanais envers la République populaire de Chine

Publié le 18/03/2010




Deux événements qui auraient paru inimaginables voici encore quelques années peuvent laisser penser que les relations entre les deux rives du détroit de Formose vont en se détendant. Le 6 février en effet, pour la première fois, un bateau venu du continent chinois a accosté sur la petite île taiwanaise de Kinmen pour y débarquer un groupe de touristes chinois (1). Le 8 février, pour la première fois aussi depuis 1949, des journalistes de Chine continentale ont ouvert un bureau permanent à Taipei (2). Pourtant, au-delà de ces événements, les enquêtes d’opinion auprès de la population de l’île indiquent que les Taiwanais ne sont pas prêts à accorder leur confiance au régime en place à Pékin. Un sujet en particulier suscite leur inquiétude : les pressions croissantes de Pékin sur les autorités de Hongkong à propos du mouvement Falungong. Ces pressions provoquent le doute chez les Taiwanais quant au degré de liberté que la Chine est réellement prête à accorder aux territoires placés sous son contrôle.

Depuis un an et demi, Pékin a engagé une campagne de répression de grande ampleur contre le mouvement mystique d’inspiration bouddhiste-taoïste Falungong (3). Ce mouvement, étiqueté « secte maléfique » ou « secte diabolique » (selon les traductions retenues) en Chine populaire, est enregistré selon les lois en vigueur à Hongkong et à Taiwan comme « organisation religieuse » et y a donc normalement droit de cité. Ces dernières semaines, pourtant, répondant semble-t-il à des appels de Pékin, diverses autorités de Hongkong ont fait des déclarations laissant entendre que Falungong devait être interdit sur le territoire de la Région administrative spéciale (4).

Selon Chang Ching-hsi, président de la Société de recherche sur Falungong et professeur d’économie à l’université nationale de Taiwan, de telles déclarations « montrent que le modèle ‘Un pays, deux systèmes’ ne fonctionne pas comme la Chine l’a promis ». Agé de 54 ans, Chang ne cache pas son appartenance au mouvement interdit en Chine, mouvement qu’il a rejoint il y deux ans et demi. Il explique que Pékin peut craindre que l’autorisation de Falungong à Hongkong soit perçue comme une invitation ouverte à défier son pouvoir, mais il se refuse à préciser si la campagne de répression en cours en Chine a accentué ou non l’opposition des Taiwanais appartenant à Falungong à une éventuelle réunification avec le continent. Son mouvement, affirme-t-il, ne professe pas de positions politiques. Fin décembre à Taipei, 3 000 membres de Falungong, originaires de Taiwan et de 20 autres pays, ont pris part à une manifestation pacifique de deux jours pour signifier leur soutien aux membres du mouvement persécutés en Chine.

Joseph Wu, directeur adjoint de l’Institut pour les Relations internationales de l’université nationale de Chengchi, est plus direct. Selon lui, « la Chine a évidemment violé le principe ‘Un pays, deux systèmes’ en exerçant des pressions sur Hongkong pour qu’y soit interdit Falungong. Ce faisant, elle n’a fait que renforcer le sentiment de défiance des Taiwanais à l’égard du gouvernement chinois et de toute forme de réunification avec le continent ». Un sondage réalisé il y a six mois par le Conseil pour les affaires continentales (organe qui a rang ministériel au sein de l’administration taiwanaise) indique que 60,1 % des Taiwanais ne croient pas à la promesse de Pékin de conserver à Hongkong son autonomie pour les 50 prochaines années. En outre, toujours selon cette enquête, 72,6 % des personnes interrogées refusent une réunification de Taiwan avec le continent sur la base du principe ‘Un pays, deux systèmes’.

« L’extraordinaire publicité que Falungong a reçue depuis qu’il est persécuté en Chine et la défiance envers les autorités chinoises que cette persécution a provoquée ont amené de nombreux nouveaux adeptes à Falungong, venus de tous les secteurs de la société taiwanaise », analyse encore Joseph Wu. Depuis que la répression s’est abattue sur le mouvement en 1999, le nombre des adeptes du mouvement a triplé à Taiwan, pour atteindre les 100 000 aujourd’hui, confirme Chang Ching-hsi.