Eglises d'Asie

Dans un rapport remis aux Nations Unies, les autorités nord-coréennes fournissent, pour la première fois depuis 1950, un début de description du paysage religieux en Corée du Nord

Publié le 18/03/2010




Un rapport remis par la Corée du Nord au Haut Commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme fournit une rare occasion de lire une description par les autorités de Pyongyang des religions présentes dans le pays. Signataire depuis 1981 de la Convention internationale des droits civiques et politiques, la Corée du Nord doit normalement fournir tous les cinq ans un rapport sur l’état de ces droits. Après avoir donné un premier rapport en 1983 – rapport qui fut révisé en 1984 –, il a fallu attendre seize ans avant qu’un deuxième rapport soit finalement rédigé. Remis à l’agence de l’ONU en mai 2000, il n’a bizarrement été rendu public par l’administration onusienne qu’au mois de février 2001. C’est sans surprise qu’on y lit que les libertés de pensée et de religion, garanties par la Constitution, sont respectées – “sans restriction d’aucune sorte” – en Corée du Nord.

Selon James Byun Jin-heung, spécialiste sud-coréen de l’Eglise catholique en Corée du Nord, ce rap-port est cependant intéressant pour plusieurs points. Depuis un “Etat général”, publié en 1950, ce rapport est la première tentative des autorités pour décrire concrètement l’état des religions dans leur pays. L’ouvrage de 1950 donnait des statistiques et des rapports sur l’activité des chrétiens protestants, des bouddhistes et des fidèles de la religion locale Chondogyo (‘Chemin du ciel’) – sans faire mention de l’existence de l’Eglise catholique. Cinquante ans plus tard, les autorités confirment l’existence d’une Fédération coréenne des chrétiens (protestants), d’une Fédération coréenne des bouddhistes, d’un Comité coréen central de conseil aux croyants en Chondogyo et mentionnent pour la première fois une Association coréenne des catholiques romains et une Association coréenne des adeptes des religions. Aucune statistique, cependant, n’est fournie quant au nombre des croyants ou des lieux de culte de ces différentes religions.

Soucieuse de démontrer que la liberté religieuse dont jouissent les citoyens nord-coréens est réelle, la Corée du Nord informe les Nations Unies que dix livres à caractère religieux ont été récemment publiés. Quatre de ces ouvrages l’ont été pour les catholiques : “Choix et pratique”, “Apprenons le catholicisme romain”, “Etapes de la vie religieuse” et “Livre catholique de prières”. Les chrétiens protestants gèrent une Ecole théologique à Pyongyang, les bouddhistes une Ecole de bouddhisme et les fidèles de Chondogyo une école secondaire Chondogyo. Il n’est pas fait mention d’institution catholique d’éducation même si on apprend que “le Comité central de l’Association coréenne des catholiques romains instruit aussi [ses] étudiants”. Enfin, en 1989, souligne encore le rapport nord-coréen, l’Etat a ouvert un département de religion à l’université Kim Il Sung afin de répondre “au désir de certains parents de voir leurs enfants recevoir une telle éducation [religieuse] ».

Comme on peut s’y attendre, le rapport ne fait mention d’aucune activité missionnaire dans le pays. Au chapitre “Interdiction de la propagande guerrière”, on peut lire que “tous les citoyens et les étrangers résidant légalement en Corée du Nord” jouissent des mêmes droits, quelle que soit leur nationalité, race ou religion. Il est aussi précisé que les désordres pour action violente, hostile ou discriminatoire menée pour un motif national, racial ou religieux sont considérés comme une violation de cette égalité des droits.

En introduction du rapport, il est rappelé que la Constitution garantit à tout citoyen la liberté religieuse et le droit de bâtir les équipements nécessaires à la pratique de sa religion. On peut en effet constater que, depuis la fin des années 1980, une église catholique et deux temples protestants sont visibles à Pyongyang. Mais, selon les comptes-rendus des rares visiteurs admis dans ces édifices de culte, l’église catholique est sans prêtre tandis que les temples protestants seraient servis par plusieurs pasteurs ; l’assistance des fidèles, avec lesquels aucun contact libre n’est permis, serait la même, que ce soit à l’église catholique ou aux temples protestants. Selon de rares témoignages de Nord-Coréens chrétiens, quelques communautés clandestines, petites et dispersées, existeraient dans le pays mais elles sont pourchassées par les autorités (1).