Eglises d'Asie

Gujarat : le tremblement de terre a provoqué un regain de la pratique religieuse mais aussi de certains comportements superstitieux

Publié le 18/03/2010




Le désarroi provoqué par le tremblement de terre du 26 janvier et la peur de nouvelles secousses, alimentée par de nombreuses rumeurs sans fondement, a fait revenir beaucoup de sinistrés à une pratique religieuse qu’ils avaient quelquefois totalement abandonnée, et, bien souvent, les a entraînés vers des conduites superstitieuses censées calmer les esprits et conjurer de futurs malheurs. Dans l’Etat du Gujarat, on a pu constater ce phénomène chez les adeptes de toutes les religions professées dans la région.

Dans les jours qui ont suivi la catastrophe, les lieux de culte se sont remplis. Mosquées et temples hindous ont été pris d’assaut. Un prêtre hindou, desservant d’un temple d’Ahmedabad, a constaté une affluence in-accoutumée de fidèles. Il a fait remarquer que les gens qui, autrefois n’avait jamais le temps de venir aux services religieux du fait de leur activité professionnelle, étaient soudainement devenus extraordinaire-ment dévots.

Chez les fidèles des diverses religions, on a vu naître certaines pratiques superstitieuses, quelquefois encouragées par les responsables des cultes. Ainsi, certains dirigeants musulmans ont convaincu leurs fidèles de détruire leurs postes de télévision. Un responsable religieux, Moulvi Mufti Rouf, justifiait cette conduite apparemment irrationnelle en accusant le petit écran d’être à l’origine de la catastrophe du 26 janvier. Selon lui, le poste de télévision a été un instrument du démon pour inspirer aux mortels des comportements immoraux. Lui-même a présidé, à Ahmedabad et à Surat, une série de cérémonies au cours desquelles ont été brûlés plus de mille postes de télévision. Dans les milieux hindous, le Vishwa Hindu Parishad (Conseil mondial hindou, VHP) a encouragé les adeptes de l’hindouisme à chanter certains versets extraits des Veda, une pratique censée empêcher de nouvelles secousses annoncées par ailleurs par certains astrologues.

Les catholiques n’ont pas échappé à cet accès de ferveur et quelquefois de superstition. A Ahmedabad, une foule nombreuse a suivi les cérémonies religieuses dans les églises. Le P. Gigi Abraham, de l’Eglise orthodoxe syrienne, reconnaît n’avoir jamais vu tant de fidèles venir le voir pour lui demander des prières ou solliciter des bénédictions spéciales pour leur maison. Le prêtre ajoute que la ferveur des fidèles, réveillée par les tragiques circonstances du moment, leur a aussi inspiré des gestes d’une très grande générosité. Il a cité des chrétiens qui ont donné toute leur fortune pour aider les sinistrés, en disant que l’argent ne leur servirait à rien au cas où un nouveau tremblement de terre survienne. Cependant, certains ont cédé aux tentations superstitieuses ou se sont laissés entraîner dans des mouvements irrationnels de panique générale. Rudolph D’Souza, un catholique d’Ahmedabad, pourtant mis en garde par le clergé de son église contre les superstitions et les rumeurs incontrôlées, est allé dormir à la belle étoile avec ses voisins hindous, dans la nuit du 14 février, après l’annonce, par des astrologues locaux, de la venue imminente d’une nouvelle secousse sismique.

Des psychologues de la région ont essayé de ramener les patients venus les consulter à une conduite plus rationnelle. Selon l’un d’entre eux que beaucoup de personnes traumatisées par la catastrophe sont venues consulter, ce regain d’ardeur religieuse trouve sa source dans la peur, le trouble intérieur et la tension résultant des incessantes rumeurs annonçant de nouveaux tremblements de terre. Selon lui, une seule thérapie doit être mise en œuvre : la confrontation avec la réalité. Il l’a résumée à ses patients par ses mots : “Vous ne pouvez pas échapper à la mort !”. Selon lui, cette acceptation de la réalité est beaucoup plus facile aux habitants des campagnes, proches de la nature, qu’à ceux des villes, cloîtrés dans leurs appartements.