Eglises d'Asie

Les membres des hiérarchies catholique et protestante mettent en cause l’actuel recensement qui ne mentionne pas l’appartenance de caste des chrétiens

Publié le 18/03/2010




Les dirigeants des communautés catholiques et protestantes de l’Inde ont commencé à mobiliser les fidèles pour qu’ils s’opposent à la discrimination dont le gouvernement fédéral fait preuve à l’encontre des chrétiens de basses castes au cours des opérations de recensement de la population indienne, entamées depuis le 9 février dernier. Les formulaires d’enquête utilisés par les quelques 20 millions d’agents gouvernementaux chargés de recueillir les renseignements ne prévoient aucune case où les chrétiens et les musulmans issus des basses castes puissent mentionner leur identité de caste. Ainsi, selon les plaignants, les dalits chrétiens ou musulmans sont obligés de se déclarer de religion hindoue, bouddhiste ou sikh s’ils veulent que l’on reconnaisse leur origine.

Le Conseil chrétien pan-indien, dont John Dayal est le secrétaire général, a réagi le premier. Il considère cette discrimination comme profondément choquante pour les chrétiens qui sont obligés de conclure que, pour le gouvernement, il n’existe pas de chrétiens originaires des basses castes. En conséquence, le Conseil a fait parvenir une notification légale au directeur général de l’état civil et au Commissaire au recensement dénonçant l’actuel recensement comme attentatoire aux droits des chrétiens. Le communiqué de presse qui a accompagné la notification a présenté l’impossibilité de déclarer d’une façon satisfaisante l’identité réelle des chrétiens dans les formulaires du recensement comme une tentative de mettre une opération d’état civil au service d’objectifs politiques, ce qui oblige les chrétiens à s’interroger sur les intentions réelles du gouvernement.

Ce fut ensuite le tour de la Conférence des évêques catholiques qui a commencé par alerter les 143 diocèses du pays afin que chacun d’eux proteste contre le caractère discriminatoire des opérations de recensement. Puis, la Commission de la Conférence épiscopale chargée des basses castes et des ethnies minoritaires a annoncé qu’elle était prête à envoyer une notification au Service du recensement pour lui demander de clarifier sa position. Le P. Lourduswamy, responsable de la Commission, a expliqué que près de 60 % des 25 millions de chrétiens sont issus des plus basses castes et que leur statut socio-économique n’a pas changé après avoir embrassé la foi catholique. Il a ajouté que l’Eglise est en train d’étudier cette question sous tous les angles avant d’entamer une procédure judiciaire devant la Cour suprême pour qu’il soit fait mention de l’identité de caste des chrétiens dans les formulaires du recensement.

Le 23 février dernier, le ton s’est encore élevé avec une conférence de presse donnée conjointement par Mgr Concessao, vice-président de la Conférence catholique et Mgr Mashih, évêque de l’Eglise (protestan-te) de l’Inde du Nord. L’archevêque catholique a déclaré que son Eglise était en train de mobiliser ses troupes et qu’elle organiserait des manifestations devant le parlement et le Service du recensement jusqu’à ce qu’elle ait obtenu satisfaction. Il s’est déclaré persuadé que cette absence de référence aux origines de caste des chrétiens était une tentative délibérée, de la part du gouvernement, pour imposer au pays son idéologie hindouiste en matière de castes. Pour lui, l’actuel pouvoir a l’intention d’exclure les chrétiens et les musulmans de leur position actuelle dans la société et de les absorber dans l’hindouisme. Il a ajouté que la mission de l’Eglise à l’égard des pauvres lui imposait, aujourd’hui, de se lancer dans l’action publique pour la défense des chrétiens de basses castes. Mgr Mahi a adopté le même point de vue et répété que les chrétiens n’avaient désormais plus d’autres options que de descendre manifester dans la rue.

La lacune des formulaires de recensement, empêchant que soit reconnu le statut de caste des dalits chrétiens, a pour objectif de confirmer une anomalie qui, depuis longtemps, les prive d’une série d’avantages accordés par le gouvernement aux membres des basses castes. Les bouddhistes, les hindous, les sikhs de même caste qu’eux bénéficient, en effet, de la gratuité pour l’éducation de leurs enfants, d’un certain quota d’emplois dans diverses professions – autant d’avantages que, depuis cinquante ans, l’Eglise réclame sans succès pour les dalits chrétiens.