Eglises d'Asie – Philippines
Un missionnaire français, apôtre du dialogue interreligieux, reçoit un prix pour son infatigable travail en faveur de la réconciliation entre musulmans et chrétiens à Mindanao
Publié le 18/03/2010
Arrivé aux Philippines en 1982, après dix années passées en Malaise orientale, majoritairement musulmane, le P. de Gigord, après un apprentissage des langues locales, a travaillé avec Mgr Bienvenudo Tudtud, de Marawi, une région de Mindanao où les chrétiens sont très minoritaires. Aumônier de l’université d’Etat de Mindanao, où les étudiants étaient à 50 % chrétiens et à 35 % musulmans, il dut quitter Marawi en 1991 après avoir reçu, ainsi que dix autres membres de l’université, des menaces de mort. Avant cela, à deux reprises, en 1986 puis en 1990, il avait été kidnappé. Ainsi qu’il l’explique, les motifs de ces enlèvements étaient politiques, destinés à embarrasser les autorités, et non religieux ou personnel. Bien qu’ayant craint pour sa vie, le P. de Gigord se rappelle “être resté ferme dans la foi” et attaché à poursuivre sa mission. Après ces incidents, “et pour [sa] propre sécurité”, il dut déménager à Iligan City, non loin de Marawi, à Mindanao toujours.
C’est là, à Iligan City, que le prêtre français a commencé à partir de 1994 la première expérience de dialogue interreligieux jamais menée dans le pays. Lui et quelques autres chrétiens et musulmans décidèrent de se réunir sur la base de deux seuls principes : “ne pas discuter de religion mais écouter et apprendre à connaître la foi de l’autre” et “se rassembler fréquemment toutes les six semaines quoiqu’il arrive”. Le groupe s’est ainsi réuni 45 fois, témoigne le P. de Gigord qui ajoute que les membres du groupe souhaitaient s’enseigner mutuellement par l’exemple plutôt que chercher à convaincre l’autre de ce qu’il devait faire. Le Forum des évêques et des oulémas, nés sur la lancée des accords de paix de 1996, trouve son origine directe et son inspiration dans ce groupe informel d’Iligan-Marawi, initié par le P. de Gigord (1). D’autres initiatives sont nées de ces rencontres informelles : la célébration chaque année d’une semaine pour la paix à Mindanao ou bien encore l’organisation régulière de camps de jeunes rassemblant chrétiens et musulmans.
Tirant les leçons de son expérience, le P. de Gigord continue de croire que le dialogue peut mener à la réconcilia-tion. Il précise aussi que le temps est un facteur essentiel dans ce processus. “Si on précipite les choses, on a tou-tes les chances d’aller droit à l’échec. Des liens de confiance et d’amitié doivent être patiemment construits afin de dépasser les rancœurs accumulées”, témoigne-t-il, avant de s’envoler pour la France où il est appelé “à cons-truire un pont dans l’autre sens, pour partager (avec les habitants de la région de Dijon) ce que les musulmans et les chrétiens philippins” lui ont appris.