Eglises d'Asie

Amartya Kumar Sen, prix Nobel d’économie 1998, plaide pour l’identité plurielle de l’Inde

Publié le 18/03/2010




Les auditeurs venus écouter, le 27 février dernier, à New Delhi, la conférence du prix Nobel d’économie 1998, Amartya Kumar Sen, économiste d’origine indienne et philosophe soucieux de la condition des laissés-pour-compte du monde industriel, ont été frappés par la subtilité dont il a fait preuve dans la description de l'”identité indienne Tel était en effet le sujet traité par ce professeur à l’université de Harvard qui, malgré les longues années passées hors d’Inde, n’a jamais consenti à abandonner sa nationalité indienne, pas plus que son adhésion à l’hindouisme.

Malgré son adhésion aux idéaux de la religion majoritaire en Inde, il a affirmé son opposition radicale au fondamentalisme hindou dont il a dit qu’il attisait l’intolérance pour des raisons politiques. Il a estimé qu’il était impossible aujourd’hui de garder le silence à propos de la montée de l’intégrisme hindou à qui quelques partis politiques empruntent directement leur programme, tout en négligeant les soins de santé, le système d’éducation et les autres besoins fondamentaux de la population. Soulignant le nombre important d’Indiens dont la consommation est au dessous du minimum requis dans un pays où, a-t-il fait remarquer, il existe un surplus alimentaire de 45 millions de tonnes, il s’est désolé de l’échec enregistré par l’Inde dans l’élimination de la pauvreté. Selon lui, cette inégalité de base a conduit à vouloir imposer une même “identité culturelle” à tous les Indiens et à ne pas tenir compte de ceux qui se plaignent de voir l’hindouisme tenir une position privilégiée dans le pays.

Tout en admettant que la religion joue un rôle fondateur dans l’identité indienne, il a tracé le portrait du pluralisme indien, décrivant les relations socio-politiques de l’hindouisme et du christianisme qui ont existé dès le quatrième siècle. Il a aussi exalté le rôle joué en Inde par le bouddhisme, le jaïnisme et l’islam pendant des centaines d’années. Il s’est fait l’avocat d’une liberté totale des habitants de l’Inde dans le choix de leur identité culturelle et a exprimé son inquiétude à propos des récents développements politiques et culturels qui s’opposent à la largeur de vue et au sens de l’intégration de la tradition indienne. Il a lancé aux partisans du fondamentalisme une sévère mise en garde : toute tentative pour imposer à la population une identité exclusivement hindoue aura pour conséquence d’isoler l’Inde du reste du monde.

En présentant Amartya Sen lorsque le prix Nobel lui fut attribué en 1998, le journal britannique The Observer le décrivait comme “la mère Teresa de l’économie Son ancien collègue de Harvard, David E. Bloom, vantait la très forte fibre morale qui sous-tendait toute son oeuvre et soulignait son authentique préoccupation pour l’homme et sa dignité. L’Académie de Stockholm, elle, précisait qu’elle avait récompensé son travail scientifique sur la “théorie du choix social” qui a “contribué à restaurer la dimension éthique du débat économique et social, en combinant des outils économiques et philosophiques Ses deux ouvrages les plus connus sont On Economic Inequality (1973) et Poverty and Famines (1981).