Eglises d'Asie

De la Chine au Sri Lanka en passant par l’Inde et le Népal, des protestations se sont élevées pour dénoncer la destruction d’antiques statues bouddhistes par les Taliban afghans

Publié le 18/03/2010




La récente décision des Taliban afghans, au pouvoir à Kaboul, de détruire les statues bouddhistes encore visibles dans leur pays, en particulier les deux bouddhas géants de Bamiyan, a soulevé une vague de protestations en Asie, à l’image de ce qui s’est passé dans le reste du monde. En Asie, ces protestations ont été émises dans divers pays, qu’ils soient ou non à majorité bouddhiste, et par différents responsables religieux, bouddhistes, musulmans, hindouistes ou chrétiens.

En Thaïlande et au Sri Lanka, pays à majorité bouddhiste, les protestations ont été vives. A Bangkok, le gouvernement s’est dit “choqué” et a condamné fermement la décision annoncée par les Taliban de détruire toutes les statues pré-islamistes. Au Sri Lanka, les autorités de l’Etat se sont associées à des responsables bouddhistes pour dénoncer cette décision. Le vénérable Kumburugamuwe Vajira Thero, moine bouddhiste et président de l’Alliance interreligieuse pour l’unité nationale, a déclaré qu’aucun musulman ne pouvait se réjouir de la décision des Taliban. Au Népal, pays majoritairement hindouiste mais où Siddharta Gautama, fondateur du bouddhisme, est né il y a plus de 2 500 ans, environ 2 000 personnes sont descendues manifester dans les rues de Katmandou.

Dans plusieurs pays, musulmans et bouddhistes ont uni leurs voix pour protester contre la décision des responsables afghans. Par exemple, en Chine, qui a pourtant connu tout au long de son histoire divers épisodes iconoclastes, la très officielle Association bouddhiste de Chine a exprimé son “regret” et s’est déclarée “choquée”. Un porte-parole de l’Association musulmane de Jinan, dans la province du Shandong, a fait écho à ces propos en déclarant qu’il était “non civilisé de détruire des statues bouddhistes inestimables”, estimant que les Taliban étaient “trop extrêmes”. Le gouvernement indien a, pour sa part, offert de déménager en Inde les statues transportables, des responsables musulmans se joignant à lui pour soutenir cette initiative.

Cependant, en Inde toujours, la polémique a reçu un écho singulier. En effet, un imam de New Delhi, Syed Ahmed Bukhari, a justifié le geste des Taliban en déclarant que celui-ci n’était que la réponse des musulmans afghans à la destruction en 1992 par des fanatiques hindous de l’antique mosquée d’Ayodhya (1). Il a poursuivi en mettant en garde l’Inde contre les “inimaginables” représailles du monde musulman si “l’oppression des musulmans” continuaient dans ce pays. Immédiatement après, le 7 mars, des fondamentalistes hindous ont menacé d’attaquer la mosquée Jama Masjid de New Delhi, la mosquée de l’imam Bukhari, afin de “donner une leçon” au religieux musulman. Le parti de Shiv Sena (‘L’armée de Shiva’), partenaire du BJP dans la coalition au pouvoir à New Delhi, a demandé l’arrestation de l’imam Bukhari.

Enfin, différents responsables chrétiens ont exprimé leur indignation face à la décision des Taliban. La Conférence des évêques catholiques en Inde (CBCI) et son homologue au Sri Lanka ont ainsi respectivement qualifié la décision de “choquante” et d’“intolérable”. Le 3 mars, Mgr Oswald Gracias, archevêque d’Agra, et secrétaire général de la CBCI, a déclaré que détruire les symboles religieux d’autres religions que la sienne violait “les fondements même de toute religion”.

A Dharamsala, dans l’Etat indien de l’Himachal Pradesh, le dalai lama, chef spirituel des bouddhistes tibétains, s’est dit “profondément soucieux” de ces démolitions, précisant qu’il était “regrettable” que des “objets de culte” deviennent “la cible de destruction”.